Il faut parfois se faire violence. Et trente ans après, le charme de celle intériorisée et fantasmée de Neil Gaiman ne s'est pas estompé. Vingt-cinq ans après sa première traduction française, parmi les oeuvres fondatrices du mythe Gaiman-Mc Kean, le roman graphique Violent Cases trouve sa place chez Urban Comics, intact et incroyable de puissance. Les piliers ne s'effritent jamais.
Résumé de l'éditeur : Le narrateur se souvient... qu'enfant, après une altercation musclée avec son père, il fut conduit chez un ostéopathe. Ce dernier, prétendait qu'il avait été le médecin personnel du plus célèbre gangster du XXe siècle, Al Capone, dit « Scarface ». Entre l'Angleterre des années 1960 et le Chicago des années 1920, la mémoire du jeune garçon oscille...
À travers, les bribes, le festival d'images fortes et suggestives, en filigrane, c'est bien le portrait d'un enfant attiré par la violence des grands qui se dessine. Et cet enfant pas plus haut que trois pommes, Neil Gaiman le connaît bien puisqu'il était ce garçon, vingt ans auparavant. A-t-on idée ce ce qui peut marquer un enfant d'à peine cinq ou six ans? Et de ce qui ressortira quelques lustres plus tard sous la forme d'un ouvrage novateur? Sans doute, non. Aussi, le jeune Neil, lorsqu'il eut son bras malencontreusement démis, cassé même, par son papa, ne savait sans doute pas que cela lui donnerait matière à écrire une histoire qui entrerait dans le panthéon de la bande dessinée américaine.
C'était sans compter son... ostéopathe. Mais pas n'importe lequel : l'ancien ostéopathe d'Al Capone, le roi déchu à l'arrivée de la Prohibition. Une rencontre improbable à Portsmouth, entre un gamin trop petit pour tout comprendre et celui qui retape les gros bras du plus puissant des parrains. Scarface.
Ça fait rêver, et fantasmer, d'autant plus que thérapeute, contre toute attente, se met à converser avec Neil. Et, entre rêve et réalité, imagination débordante et fidélité effarante, Neil, bientôt, restituera la biographie de ce bonhomme presque irréel.
Trop jeune et même pas né lors de la parution de Violent Cases (dont le format, 48 pages, est très traditionnellement européen), voilà que j'ai enfin l'occasion de rattraper le coup... et même l'uppercut. Indéniablement, Neil Gaiman et Dave McKean s'étaient trouvés et posaient les bases de leur art unique et duel avec une manière si personnelle de faire dialoguer texte et dessin, et la musique qui en émerge. Un blues crépusculaire où chaque instrument aurait ses cases de gloire, son moment de bravoure.
Ainsi, on sent déjà la conscience du tout jeune McKean d'une dimension artistique qui dépasse la BD. Avec des ramifications qui vise directement le ressenti du lecteur. Et dans cette histoire où réalité et fiction se perdent sous ce fantôme nourri à la fois par le tangible et l'affect de ce gamin. Un polar de l'âme, un maelstrom grandiose et intense qui prouve que l'imagination est bien plus inquiétante que la réalité elle-même.
Alexis Seny
Titre : Violent Cases
Récit complet
Scénario : Neil Gaiman
Dessin et couleurs : Dave McKean
Traduction : Patrick Marcel
Genre : Psychologique, Polar
Éditeur : Urban Comics
Collection : Urban Graphic
Nbre de pages : 64
Prix : 14€
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Lundi 3 mars 2025 - 5:27:03
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