« Quand nous l’avons connu il avait lutté des années et réussi à faire, de la bande dessinée, un métier possible. Il nous y a propulsés avec un désintéressement total. Il partageait son temps, son expérience. Nous ne lui avons jamais rien « rapporté ». Il était accueillant et généreux. Il faisait de la BD en pensant à sa peinture. Mais il avait assez d’enthousiasme pour la faire aussi splendidement. Son talent était généreux comme lui. Il n’a pas exploité patiemment un seul et même filon. Il s’est dispersé. Il avait le tempérament trop riche pour s’enfermer longtemps dans une routine à finance. Il voyait notre métier comme il dessinait, largement, sans petitesses ni chipotages. C’est un grand dessinateur. C’est notre grand frère. Il nous aidera encore, à mesure que nous comprendrons combien il avait raison, Jijé le généreux. »
Ces mots là datent de septembre 1980. Ils sont signés André Franquin, en hommage à son mentor Jijé qui s’est éteint trois mois plus tôt. L’auteur de Spirou, de Blondin et Cirage, de Jean Valhardi, de Jerry Spring et de tant d’autres choses fait partie des pères fondateurs de la bande dessinée moderne. Pourtant, les profanes connaissent Hergé, Uderzo, Morris,… mais Jijé n’est jamais cité. Parmi les auteurs de bande dessinée, certains jeunes n’en ont jamais entendu parler. Avec Joseph Gillain, une vie de bohème, François Deneyer corrige ces anomalies.
© Deneyer – Musée Jijé
Créateur du Musée Jijé, exploité de 2003 à 2005, commissaire d’expositions, François Deneyer est un véritable éxégète de l’œuvre du Maître. Dans un pavé passionnant, il détaille avec minutie la vie et l’œuvre de Jijé, de ses racines jusqu’à sa succession. Richement iconographié, par des photos de famille et par des dessins de l’auteur, le plus ancien étant une huile sur toile datant de ses onze ans, l’ouvrage est le plus complet qui n’ait jamais été réalisé sur l’auteur et représente pour Jijé ce que Lignes de vie, par Philippe Goddin, représente pour Hergé.
© Deneyer – Musée Jijé
Parmi les dessins remarquables, on s’arrêtera sur une encre de Chine et aquarelle sur papier datant de 1932. Jijé a dix-huit ans et se représente sur un pilier des jardins de l’abbaye de La Cambre. En 1942, Jijé réalise une illustration pour le théâtre du farfadet, avec Spirou, Tif et Tondu, restée inédite jusqu’à ce livre. Et saviez-vous qu’il avait réalisé des illustrations pour le célébrissime livre J’élève mon enfant, de Laurence Pernoud ?
Complément indispensable à Quand Gillain raconte Jijé, biographie en image par le même François Deneyer parue en 2014 chez Dupuis, cette Vie de bohème n’est pas parue chez l’éditeur historique de ce merveilleux dessinateur qui n’a pas voulu le publier. C’est assez incompréhensible car sans Jijé Dupuis n’aurait jamais été Dupuis.
© Deneyer – Musée Jijé
Jijé était très croyant. Avec ce livre, il a désormais sa bible. Plus qu’un auteur, il était un personnage dans tous les sens du terme, haut en couleurs et au talent inestimable. On ne peut que remercier François Deneyer de lui offrir un piédestal avec Joseph Gillain, une vie de bohème, ouvrage indispensable non seulement aux admirateurs de son œuvre mais aussi à tous ceux qui veulent en savoir un peu plus sur l’Histoire de la bande dessinée.
Laurent Lafourcade
One shot : Joseph Gillain, une vie de Bohème
Genre : Biographie
Auteur : François Deneyer
Éditeur : Musée Jijé
Nombre de pages : 448
Prix : 39 €
ISBN : 9782960189216
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