Avant de nous faire découvrir de nouvelles pépites pour la rentrée (ça va être bien, vous allez voir), les Éditions du Long Bec continuent noblement et passionnément à rééditer des récits qui ont bien le droit à une nouvelle vie. Bien plus orfèvre que brocanteur à la sauvette, Éric Catarina et son équipe ont cette fois jeté leur dévolu sur Seule contre la loi. L’adaptation par Roger Seiter et Vincent Wagner (deux auteurs omniprésents, et à raison, chez l’éditeur à la cigogne) d’un classique de William Wilkie Collins qui allait comme un gant au Neuvième Art. La preuve.
Recherches de personnages par Vincent Wagner
Résumé de l’éditeur : Angleterre 1875. Une jeune femme du nom de Valeria Brinton épouse par amour Eustace Woodville en dépit des réticences de son entourage. Durant le voyage de noces, plusieurs indices amènent Valeria à penser que son mari porte un lourd secret en relation avec son passé. Après avoir mené une rapide enquête, elle découvre qu’il l’a épousée sous un faux nom. Il s’appelle en réalité Eustace MacAllan. Et quand elle lui demande des explications, il refuse de répondre à ses questions et la quitte tout en lui assurant qu’il l’aime. Mais Valeria est amoureuse et est prête à tout pour connaître la vérité.
Recherches de personnages par Vincent Wagner
Victorienne Angleterre et étranges mystères, plus loin que la rime, le combo continue de porter ses fruits au fil des passeurs d’histoires. Initialement paru en deux tomes et sous le nom de série de Mysteries chez Casterman, il y a une dizaine d’années; voilà donc que Seule contre la loi s’offre une seconde jeunesse dans le grand format cher aux éditions alsaciennes. Parce que le dessin de Vincent Wagner (décidément habile à transformer sons trait au fil des projets, qu’ils soient à destination des enfants ou d’un public plus adulte) le vaut bien. Et que l’écriture précise de Roger Seiter n’est pas en reste. Alliez-les à la force de conviction de William Wilkie Collins, homme de loi dans une première vie, et voilà une histoire frissonnante et solide qui vous tend les mains.
Car il y a difficilement plus prenantes comme histoires que celles où, envers et contre tout, face à tout le poids du monde, un héros (une héroïne, dans le cas présent) va tenter le tout pour le tout pour rétablir une vérité si improbable. Car « relaxé faute de preuves » ne signifie pas innocence, voilà que, telle Don Quichotte face à ses moulins à vents qui tournent tous dans le même sens, Valéria Brinton-Woodville va devoir avoir les nerfs solides pour l’affronter, cette vérité qui la turlupine, et sauver son mari du doute et de la culpabilité qui le ronge bien malgré lui. Et s’il est menteur, qu’il l’a prise pour épouse sous un nom d’emprunt, Valéria compte bien le pardonner pour peur qu’il ait eu une seule bonne raison de ne pas tout lui dire. Commence alors, sur un fil d’Arianne inexistant et sur la pente abrupte des faux-semblants, une incursion à reculons sur la ligne de vie de l’homme que Eustace était avant de rencontrer Valéria.
© Seiter/Wagner chez Les Éditions du Long Bec
Ni Watson ni Sherlock Holmes, encore moins Miss Marple, Valéria n’a pas les réflexes d’une enquêtrice. Et si les portes s’ouvrent en général devant les trois premiers héros précités; Valéria va plutôt devoir les enfoncer face à un auditoire qui va vite comprendre quelle folle elle peut être pour croire si fort à l’incroyable. Mais Valéria est amoureuse, et cela change la donne. Du déroulé de cette enquête qui aurait pu être classique, aussi. Car Valéria est si entêtée, si investie corps et âme, qu’elle est prête à se jeter dans la moindre brèche, sans retenue, sans jugeote, croyant dur comme fer la première piste qui pourrait innocenter pour de bon son mari parti sous d’autres cieux. Et le lecteur s’y engouffre avec, scrutant les différents acteurs (drôlement bien campé) de ce Cluedo pas « pour de rire » et à reconstituer quelques années plus tard. Seule contre la loi est un écrin formidable à rebondissements et à fausses pistes.
© Seiter/Wagner chez Les Éditions du Long Bec
Après sa rencontre avec Cyril Bonin (on vous parle du deuxième et dernier volume de l’intégrale de Fog, dans les prochains jours), Roger Seiter décelait chez Vincent Wagner un vrai talent pour reconstituer l’Angleterre victorienne sans y perdre sa patte et son style si reconnaissable. De quoi faire entrer le roman de Wilkie Collins et sa machinerie efficace, pour ceux qui l’auraient oublié, un peu plus définitivement dans la légende.
Alexis Seny
Titre : Seule contre la loi
Intégrale
D’après le roman de Wilkie Collins
Scénario : Roger Seiter
Dessin et couleurs : Vincent Wagner
Genre : Enquête, Mystère
Éditeur : Les éditions du Long Bec
Nbre de pages :104 (dont un cahier historique)
Prix : 25€
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