Rencontre avec Yves Sente et Yann
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Rencontre avec Yves Sente et Yann

A l’occasion de la sortie simultanée de trois albums de la série Les Mondes de Thorgal (Aux origines des Mondes, Kriss de Valnor T3 Digne d’une reine, Louve T2 La main coupée du dieu Tyr), les scénaristes Yves Sente et Yann m’ont accordé une interview exclusive. Aux origines des Mondes, un Hors-Série nous parle de la manière dont ce nouvel univers a été conçu et mis en place par trois dessinateurs et deux scénaristes. (Rosinski, De Vita, Surzhenko, Sente et Yann). Richement illustré et augmenté de six planches exclusives et inédites, l’album propose des interviews des auteurs. Kriss de Valnor T3 (Digne d’une reine) raconte le terrible destin de Kriss. Louve T2 (La main coupée du dieu Tyr) évoque la quête de Louve prise dans les pièges des dieux.

Marc Bauloye : Vous avez repris la destinée d’un fabuleux héros viking venu des étoiles. Après 33 aventures de Thorgal signées Jean Van Hamme et Rosinski, ne devient-il pas difficile d’imaginer de nouveaux scénarios ?

Yves Sente : Il est certain qu’il faut explorer de nouvelles pistes pour ne pas donner l’impression aux lecteurs que nous nous répéterions. Avec Kriss, nous explorons en quelque sorte la veine « western nordique » avec un personnage guerrier et ambitieux. Avec les autres séries parallèles, nous explorons d’autres facettes de l’univers Thorgalien. Cela n’est effectivement pas toujours simple, mais, c’est aussi ce qui est motivant. Rien de tel qu’un beau défi pour donner du plaisir aux scénaristes !

Comment est venue l’idée des « Mondes de Thorgal » ?

Grzegorz Rosinski souhaitait satisfaire son public qui lui réclamait toujours plus d’albums lors des dédicaces, alors que lui souhaitait prendre plus de temps pour lui, la peinture, d’autres projets… Par ailleurs, quand Thorgal part seul à l’aventure loin des siens, le même public se plaint de ne plus voir Aaricia, Louve, Jolan, Kriss… C’était donc un moyen logique et efficace de répondre aux attentes de ce public tout en nous permettant de NOUS faire plaisir aussi en explorant plus en profondeur les personnages secondaires de la saga.

Réaliser l’album Hors-Série « Aux origines des mondes » est-ce une façon de faire le point ? Pensez-vous que cela va intéresser d’autres lecteurs que les fans de Thorgal ?

Il faudra leur poser la question. J’ai cru comprendre que le premier tirage serait déjà en rupture sur certains sites de vente et qu’une réimpression est déjà envisagée. C’est sans doute un début de réponse…

Avec la série Thorgal, vous avez donné le premier rôle à son fils, Jolan. Était-ce un moyen de fidéliser les jeunes lecteurs ?

Chaque personnage principal passe au premier plan puis s’en retourne au second. C’est comme cela depuis le début de la saga. Jolan et Aaricia étaient déjà au premier plan dans Le Banni…

Pourquoi avoir choisi Kriss de Valnor comme personnage principal de la première série parallèle ?

Les personnages féminins sont plus rares que les masculins dans la BD. Celle-là méritait bien un premier rôle de série. Pour un scénariste, c’est aussi un très beau défi de faire vivre un esprit féminin. J’adore me glisser dans sa peau.

Comment se passe la collaboration avec Rosinski et De Vita ?

Très bien, comme toujours. Très professionnel et amical en même temps. Le rêve…

Vous osez montrer l’amour entre deux femmes. N’avez-vous pas peur de choquer ?

Non. Ouvrez la télévision. Nous sommes, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, en plein débat sur le mariage gay. Cet album participe à sa façon au débat en montrant que la définition de l’amour ne se limite pas à des pseudo-règles biologiques de différenciation des sexes. J’ose penser que les deux premiers récits de la série Kriss expliquent assez clairement (de manière dure parfois) pourquoi Kriss a été dégoûtée des hommes en général dans son enfance. Ceci peut expliquer une partie des choses mais ce n’est évidemment pas la seule raison qui peut amener une femme à en aimer une autre.

 

 

 


Dans la douleur, Kriss de Valnor accomplit une action digne d’une reine. Est-ce la rédemption ?

Chez Kriss, l’ambition n’est jamais loin de la rédemption. En bonne opportuniste, elle essaye toujours de cumuler plusieurs avantages au travers d’une seule action.

Quels sont vos projets ?

Continuer tant que le plaisir du jeu et de l’échange avec les lecteurs continuera. Et, comme cela semble parti, nous sommes encore là pour quelques années et quelques albums !

 

Yann, Vous avez la réputation d’être un fin connaisseur de la série Thorgal. Qu’aimez-vous chez Thorgal ?

Yann : Tout ! Dans le Thorgal, tout est bon, comme le cochon ! …blague à part, ce qui m’a séduit dans cet univers, c’est le côté humain, affectif, les passions, les déchirements, bref, les relations humaines et les interactions psychologiques entre les différents protagonistes. Les personnages grandissent et vieillissent en temps réel, d’épisode en épisode, tout comme les lecteurs. A l’instar de Dallas, Thorgal est une saga familiale, mais où les fjords remplacent le pétrole. C’est tout de même plus écologique ! La paternité du mot saga est d’ailleurs d’origine viking, tout comme celle du mot dollar est américaine…

Pourquoi avoir choisi Louve comme personnage principal de votre spin-off ?

Louve, c’est Mowgli en fille ! L’enfant sauvage de Truffaut… J’adore les petites sauvageonnes ! Mon épouse m’a d’ailleurs avoué que lorsqu’elle a vu, enfant, le dessin animé « Le livre de la jungle », elle était persuadée que Mowgli était une petite fille ! Je pense qu’à ce stade, les sauvageons, confrontés à une nature hostile, n’ont pas de sexe ; garçons et filles peuvent s’identifier…

 

Comment se passe la collaboration avec Surzhenko ?

Formidablement bien, en dépit de la distance ! Roman habite à Taganrog, en Russie. Nous communiquons en anglais. C’est un charmant garçon, très accommodant. Il accepte volontiers de modifier certains dessins si le scénario le demande. De mon côté, je tiens souvent compte des suggestions narratives malignes qu’il me propose…

Comment êtes-vous arrivé à collaborer aux « Mondes de Thorgal » ?

C’est Yves Sente qui me l’a proposé. J’ai légèrement hésité, car je venais de scénariser un XIII Mystery mettant en scène la jeunesse de Jones. Après quelques nanosecondes, j’ai dit oui, évidemment !

 

Avez-vous dû respecter un cahier de charge propre à la série ?

Respecter les codes intrinsèques de la série, bien évidemment. Il faut qu’un ancien lecteur de Thorgal puisse ouvrir un album des « Mondes » et retrouve les senteurs familières qu’il espère : lourdes remugles de drakkar goudronné au bitume de phoque, capiteux parfums de pelisses d’ours graisseuses et de musc de muscles noueux, subtiles fragrances de gruau d’avoine et de cordages de lanières de phoque tressées, embruns d’iode, d’eau salée et de flocons de givre arrachés à la surface d’un iceberg… Bref, le parfum rustique d’aventure !

 

Comment a été accueilli votre premier album de Louve ?

J’ai remarqué que le public le plus jeune est celui qui a fait l’accueil le plus favorable et spontané à l’album. Sans doute s’est-il plus facilement identifié à notre jeune héroïne. Il est plus difficile à certains quinquagénaires de s’imaginer en fillette sauvage… Honnêtement, l’accueil a été très bon !

 

Dans le deuxième volume de Louve, vous menez trois intrigues à la fois : Louve qui veut sauver son père, Louve enfant sauvage et Aaricia en plein désarroi. Comment gérez-vous ce récit fort complexe ?

C’est le boulot quotidien du scénariste… Personnellement, je reste bouche bée quand je vois s’agiter les doigts de fée du plombier, du toiturier ou de l’électricien !

 

 

 

 


Vous faites volontiers des connexions avec l’univers de Thorgal. Pourquoi ?

C’est un jeu entre les lecteurs et nous. L’avantage, c’est qu’Yves et moi sommes sur la même longueur d’ondes. Nous essayons de tisser des fils logiques entre tous les personnages, avec – et c’est primordial – la complicité de Grzegorz, qui ne rechigne jamais à redessiner une de ses cases pour y inclure certains éléments indispensables à nos intrigues…

Peux-ton dire que votre scénario utilise tous les ressorts de la psychologie ?

J’essaye ! Evidemment, Sigmund n’était pas né et Françoise Dolto encore moins… Heureusement, il nous reste les subtilités des relations entre les dieux des panthéons germaniques, grecs et nordiques.

Quels sont vos projets ?

Continuer à animer Louve et bientôt le jeune Thorgal !


Propos recueillis par Marc Bauloye

 

Images © Lombard 2012

Interview © Graphivore-Bauloye 2012

 

 

 



Publié le 11/11/2012.


Source : Graphivore

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