Rencontre avec Gérald Duchaussoy de Cannes Classics
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Rencontre avec Gérald Duchaussoy de Cannes Classics

Cannes Classics, organisme chargé de restaurer les films et de les faire découvrir ou re-découvrir au grand public. Structure souple à la belle programmation encore cette année à Cannes, avec des hommages à Orson Welles ou aux frères Lumière. Retour donc sur la notion de restauration de films, de longs métrages ou de documentaire patrimoine...Rencontre aussi avec un vrai passionné de BD et des adaptations BD au cinéma, qui font oeuvre aussi de patrimoine et de classicisme.

 

Racontez-nous la genèse de Cannes Classics?

En 2004, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, anticipe la transformation du support film au numérique, de la pellicule au DCP (énorme disque dur contenant désormais les films) que le cinéma est en train de vivre et, fort de sens historique, crée cette section dédiée au cinéma de patrimoine, au documentaires sur le cinéma et aux hommages.   

Votre parcours initial et professionnel? Et vous êtes combien à Cannes Classics?

Eh bien, j'ai fait des études d'anglais, ce qui m'est extrêmement utile au quotidien, avant de travailler pour différents festivals de cinéma. Thierry Frémaux travaille seul à son programme puis je viens le rejoindre quelques mois avant le festival et une équipe de huit personnes--à qui je tire mon chapeau car se greffer sur un événement comme le nôtre nécessite grande souplesse, force adaptation et endurance--se constitue à Cannes même.    

Qui fait la sélection des films à Cannes Classics?

Thierry Frémaux, à la recherche de la variété, des pépites, des équilibres géographiques, des grands classiques et des monstres sacrés du cinéma.       

Pour vous, restaurer des films, c'est d'abord restaurer de la pellicule argentique?

Restaurer, c'est redonner vie à des chefs-d'oeuvre en leur ouvrant une porte vers le futur, à l'image de l'hommage Lumière qui a eu lieu cette année à Cannes pour fêter les 120 ans du cinématographe. La pellicule offre une chaleur époustouflante mais, à titre personnel, j'apprécie tout particulièrement la beauté du numérique et la précision du son des films qu'on nous soumet.     

Parlez-nous de la sélection 2015 à Cannes Classics.

Nous avons une sélection de documentaires cinéma d'une qualité réellement impressionnante, à l'image de Hitchcock-Truffaut sur la genèse de ce livre auquel tout amateur de cinéma se réfère ou Steve McQueen : The Man & Le Mans, témoignage bouleversant du fils de Steve McQueen, tournage de film incroyable et ode à l'automobile. Ou bien Jag Ar Ingrid, ou comment Ingrid Bergman filmait tout, les siens, pour donner encore plus de sens à sa vie de femme moderne. Côté français, Panique de Duvivier avec le toujours génial et inquiétant Michel Simon, Marius sauvé et Ascenseur pour l'échafaud au son parfait. L'Asie arrive en force avec le Japon, grande nation de cinéma : un Mizoguchi sensible, un Fukazaku terrible, Taïwan et le premier film en mandarin dans l'histoire de Cannes, Jancso, le centenaire de Welles, Costa-Gavras en invité d'honneur et Z. Beaucoup de films politiques, poétiques tels Sur de Fernando Solanas et saisissants comme La Historia Oficial de Luis Puenzo.   

 

 

 

 

      

Que pensez-vous du documentaire "la légende de la Palme d'Or" d'Alexis Veller? Et de l'incroyable film de Miklos Jancso "les Sans-espoirs"?

Alexis Veller a su saisir des moments de forte intensité et intimité de la part d'artistes de grand renom tout en rendant toute leur place aux ouvriers qui fabriquent cet objet si convoité. Les Sans-espoir fut un choc, un brûlot contre l'oppression dans une salle comme la nôtre m'a saisi. La maîtrise du cadre et la précision des différents niveaux dans un même plan me font beaucoup réfléchir au cinéma contemporain car la mise en perspective que permet Cannes Classics en regardant vers le passé donne un bel éclairage sur le cinéma d'aujourd'hui.   

A Cannes Classics, vous êtes amenés à collaborer avec d'autres structures institutionnelles, scolaires, universitaires...quelles sont-elles?

Des institutions comme la Cinémathèque ou l'association Cannes Cinéphiles avec lesquelles nous entretenons d'excellents rapports nous apportent proposition et spectateurs que nous chérissons car ils sont les premiers passeurs de notre travail. Le CNC, les Archives françaises du film de Bois d'Arcy et puis celles du monde entier, comme la cinémathèque portugaise qui présentera la seule copie du film posthume de Manoel de Oliveira, réalisateur décécé le 2 avril qui y avait déposé son film en 1982. Une histoire incroyable que l'on hâte de montrer ! Et il y a tous les professionnels tels les détenteurs de catalogue, les studios, maisons de production, ayants-droit, laboratoires, vendeurs avec lesquels nous échangeons.

Comment définiriez-vous un film-patrimoine? Quels en sont les critères?

Un film qui a trouvé sa place dans l'histoire du cinéma, la trouvera ou la retrouvera. Cette notion large permet de montrer une grande variété de longs métrages, de la comédie comme le film russe de Klimov Welcome or No Trespassing que nous programmons cette année ou Insiang, drame philippin puissant, premier film à être présenté à Cannes en 1976.     

Que pensez-vous du dernier coup de gueule de Bertrand Tavernier lors de la projection "Lumière"(cf lienhttp://www.non-stop-people.com/actu/cinema/festival-de-cannes-lenorme-coup-de-gueule-de-bertrand-tavernier-79694)?
Etait-il justifié pour ce type d'événement?

Il est bien évidemment que nous apportons notre soutien à tous ceux qui se battent au quotidien pour le cinéma.

Avec ce lien (cf http://www.lefigaro.fr/cinema/2012/11/29/03002-20121129ARTFIG00371-martin-scorsese-sauveur-de-films.php), peut-on soutenir que vous faites le même travail que Martin Scorsese et sa Fondation, à savoir restaurer et sauver des films de l'oubli?

The Film Foundation de Martin Scorsese est né à Cannes et le Festival montre tous les ans des films du World Cinema Project, qui sauve des œuvres impérissables de l'oubli ou de la dégradation, comme par exemple La Noire de... de Ousmane Sembène. Nous travaillons main dans la main afin de redonner la plus belle exposition en salle à de nombreuses raretés.   

 

 

 

 

Auriez-vous justement, comme les Fondations américaines, besoin de mécènes ou de sponsors privés pour mieux réaliser vos missions?

Notre travail, c'est de choisir et de montrer ce qui se fait de mieux en matière de restauration. De tout construire pour nos accrédités.   

Avez-vous le temps de voir, pendant le Festival, des films en compétition? Ou dans d'autres sélections?

Le travail m'accapare à 200% et c'est aux festivaliers de profiter des plus belles conditions de projection de film au monde au Palais des Festivals. Puis d'en parler, de les acheter, de les diffuser et d'en restaurer toujours plus !  
     
Vos derniers coups de coeur en BD? Albums, séries BD ou auteurs...

The Walking Dead m'a scotché : un tel déferlement de violence graphique me paraît impensable sur grand écran !  

 

 

 

 

Que pensez-vous, de manière générale, des adaptations BD au cinéma? Sont-elles de qualité pour vous?

Toujours difficile de généraliser : Watchmen m'a transporté au-delà de l'entendement et Captain America m'a paru historiquement et visuellement très bon. Une création originale que j'ai adorée ces dernières années, Super de James Gunn. Bon sang, quel film ! Polar, film de super-héros, manga live, drame social et personnel--la meilleure relecture d'une BD qui n'existe pas !    

"Pulp fiction"(1994) de Quentin Tarantino, une adaptation cinéma parfaite des pulps américains?

Un classique immédiat, une Palme d'or ! 

 

Propos recueuillis par Dominique Vergnes.



Publié le 25/05/2015.


Source : Bd-best

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