Après un périple long, dangereux et épuisant, Calay, embauché par les anglais comme espion cartographe, est enfin parvenu à rejoindre le monastère de Garphu où vit depuis quinze ans son plus jeune fils. Mais à l'heure des retrouvailles, il est arrêté par Kansa, un policier spécialisé dans la traque et la capture des espions. Quand Resham, le fils aîné de Calay, engagé dans l'armée anglaise, apprend que son père a entrepris ce dangereux voyage au Mustang, il choisit de déserter pour partir à sa recherche. . Aidé d'un Amchi, un médecin népalais qu'il a sauvé des griffes d'une bande de brigands sur la route, il décide de le faire évader. S'évader de prison est une chose ; sortir du Mustang en est une autre...
Comme l'explique Christian Lax dans la passionante monographie qui lui a été consacrée aux éditions Mosquito, il avait depuis longtemps envie de travailler avec Jean-Claude Fournier. L'arrêt des « Crannibales » a été l'occasion de lui proposer le scénario des Chevaux du Vent. Fournier/Lax, une association qui en a surpris plus d'un, à commencer par Claude Gendrot, alors directeur de la collection Aire Libre. Et à l'arrivée, lors de la parution de la première partie des Chevaux du Vent, voici 4 ans déjà, c'est le résultat de cette association qui a surpris, et séduit. Séduction toujours effective avec cet attendu tome 2. En effet, graphiquement, on a l'impression d'avoir affaire à un autre Jean-Claude Fournier qu'à celui qui présida un temps à la destinée de Spirou et Fantasio. Pas de trait typé « Marcinelle » pour cette belle aventure humaine sur le toit du monde, mais un dessin épuré, faussement simple, qui, à la rigueur, évoque celui de Will dans ses ultimes albums à l'orientation plus adulte. Un dessin quelque part intemporel, puisqu'il pourrait parfaitement s'inscrire dans un courant de BD dite plus « moderne » ou actuelle.
Et quand parfois, ce trait s'estompe pour laisser la couleur directe pleinement s'exprimer, notamment pour les paysages, c'est à un lecteur admiratif que l'on offre l'ascension de l'une de ces montagnes, presque autant personnages que décor. Comme de coutume, on sent Christian Lax, ici uniquement scénariste (comme pour Amère Patrie dans la même collection), proche de ses personnages, avec un scenario qui au-delà de l'aventure et du dépaysement est également une belle histoire, dramatique, humaine et sensible, véritable marque de fabrique de l'auteur dans ce registre. Sans recherche de spectaculaire à tout prix, sans retournements de situations invraisemblables, en douceur et presque discrètement, mais avec un coeur « gros comme ça », Fournier et Lax cosignent un vrai petit bijou. L'attente de ce tome 2 a certes été longue, mais leurs Chevaux du Vent (drapeaux de prières multicolores) voleront longtemps dans nos yeux.
A noter que le tome 1 est réédité simultanément sous une nouvelle couverture.
Pierre Burssens
Les Chevaux du Vent T.2, 72 pages au prix de 16.50 € édité chez Dupuis.
États-Unis, 1934...
Cachés dans un wagon de marchandises, Suzy et Huck, deux êtres liés par leurs fantômes. Le jeune garçon fait un serment : sauver son ami Charley Williams de la pendaison, car par sa faute, celui-ci est injustement accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis. Malheureusement, la trace de Charley, alias Lucius No Fingers, l'homme qui cherchait la gloire et le mythique "crossroads" dans les cordes de sa guitare, s'est effacée sous la poussière des rues de "Memphis la Belle". Là, débute un dangereux jeu de piste parsemé de cadavres et de questions sans réponses. Charley est-il encore en vie ?
On se dit parfois que certaines séries mériteraient plus, plus de reconnaissance critique, plus de succès public, plus de présence en librairie. O'Boys en fait certainement partie. En effet, depuis «le sang du Mississipi », c'est avant tout à un incroyable voyage dans une époque qui nous est relativement méconnue, à nous, européens, que nous invitent les auteurs. Celle de l'après krach de Wall Street, celle des hobos (O'Boys) qui voyageaient clandestinement de ville en ville dans les trains de marchandises, celle de la grande récession... Celle aussi de la naissance et d'un début de reconnaissance du blues. Et le blues, il n'a jamais été aussi présent que dans ce tome 3. Midnight Crossroad fait en effet référence à la légende de Robert Johnson qui aurait vendu son âme au diable rencontré à minuit à un croisement (même Arthur de Pins joue avec ça dans « Zombillenium »), la grande majorité de l'épisode se déroule à Memphis et l'album fourmille de clin d'oeils et de références musicales plus ou moins déguisées (les « Moon Studios » plutôt que « Sun Studios » etc.) et on mesure que la personnalité de Lucius No Fingers a vraiment pris le pas sur celle de Charley Williams. Les retournements de situation se succèdent, les personnages sont toujours aussi attachants (et Suzy est bien jolie...) et si par moments, vu le contexte, on nage en pleine noirceur, Midnight Crossroad comporte aussi une belle dose d'humour (l'entrée de Suzy au « Stan's fried chicken » est une scène d'anthologie, l'expédition « maquillée » dans les « juke joints » et « les noirs ne sentent pas le cirage » sont aussi à retenir...). Des sourires qui sont peut-être un peu renforcés par la reprise du scenario par Stephan Colman que l'on n'attendait pas forcément dans un registre aussi réaliste mais qui boucle ce premier cycle avec brio. Côté dessin, Steve Cuzor déploie à nouveau les grands moyens, dans un style à rapprocher de celui de Giraud (et parfois un peu de Blanc-Dumont), nous offrant une impressionnante série de portraits mais également le portrait d'une époque au sein de planches aussi soignées que documentées (l'édition N/B du premier tome mettait d'ailleurs extraordinairement en valeur le travail du dessinateur). Comme les deux premiers tomes, on retrouve dans Midnight Crossroad tous les ingrédients d'une très solide série classique. On grimpe dans le wagon de ses héros pour ce qui constitue surtout une très belle histoire d'amitié, on ne s'ennuie pas une seconde et on apprend beaucoup... Difficile de demander plus, hormis peut-être un délai plus court d'ici le tome 4 !
Pierre Burssens
O'Boys, tome 3 "Midnight Crossroad, Dargaud.
C'est la fête à Per Bast, où les célébrations de la déesse Bastet ont même attiré la royale famille du Pharaon. Mais pour les chats, c'est autre chose ! Leur grande prêtresse vient de traverser le Noun et il leur faut élire sa remplaçante. Le babouin Apoua a entendu parler d'une chatonne blanche qui ne peut qu'être l'élue. Pour la chatte Néfertiti, c'est une nuit de périples aux mille dangers qui commence...
On le sait depuis « Ishanti », Crisse nourrit une véritable fascination pour la mythologie égyptienne. Amoureux de ce panthéon protéiforme, où les animaux humanisés le disputent aux sculpturales déesses, il a conçu ce nouveau livre comme une balade. Celle de Néfertiti, sa nouvelle héroïne, élégamment rythmée par des croquis aussi expressifs que charmants. Mais nous sommes également invités à nous balader parmi ces somptueuses illustrations en pleines pages, fabuleusement rehaussées par Fred Besson, Coloriste attitré de Crisse, celui-ci confère une touche on ne peut plus disneyienne à ce panthéon, pour un résultat époustouflant et totalement unique en son genre.
Pour le néophyte, partir à la découvertes du panthéon des dieux égyptiens et périphériques est un véritable ravissement. Et cela dit même les connaisseurs reconnaîtrons le travail accompli dans ce bel opus. D’Horus à Isis, de Râ à Osiris, vous vous délecterez des histoires et anecdotes qui entourent ces dieux et déesses mythiques. L’Égypte fascinante vous est délivrée par des artistes de talents. Un bel écrin qui renferme un cadeau supplémentaire aux lecteurs, un étui en troisième de couverture contenant quatre superbes illustrations. Rendez-vous sur le Nil et laissez-y voguer votre imagination par le truchement des œuvres de Crisse et Besson.
Les Dieux du Nil, sortie le 15 juin 2012 chez Lombard, 96 pages au prix de 34,95 €
De l'Aubépine aux monstres les plus Zinnomables du petit peuple, Filibert BOHRUZIG , expert reconnu en la matière, égrène les différents aspects de la féérie, prodiguant conseils, anecdotes, et autres petits contes pour grands enfants pas si sages.
C'est sous les traits avisés d'un expert es Korrigan que ce recueil à été édifié constituant le plus inattendu des dictionnaires sur la féérie. Pléthores de monstres peu ragoutant, Aubépine, Dryades, Farfadets, Leprechauns, Morgans, rien n'échappe à l’Abécédaire de pascal Moguerou qui l'agrémente d'illustrations toutes aussi féériques et fantastiques.
Breton de toujours, il est considéré comme l'un des plus grands spécialistes du petit monde. Illustrateur réputé, notamment pour ses couvertures, il est aussi et surtout l'auteur de nombreux ouvrages de références sur les fées et le monde des Korrigans.
Parsemé d'anecdotes légères jusqu'aux sombres vérités, l'auteur vous invite à découvrir cet univers de fééries sous toutes ses coutures. Des contrées, lieux et leur habitants extra-ordinaires.
Ajoutons à cela, la plume indispensable de Filibert Bohruzig pour parfaire ce recueil enchanteur qui vous donnera une excellente occasion de vous évader des turpitudes de ce bas monde. Un voyage au cœur de l'imaginaire dont vous n'aurez cesse de ressentir l'envie d'y retourner.
Le fabuleux Abéféédaire Farfelu
Que vous soyez elfe, lutin, fée ou tout autre voyageur du Petit Peuple, ce guide vous sera très utile pour visiter l’Écosse ! Écrit par le brownie Meegrit, suite à ses rencontres avec diverses créatures fantastiques au cours de son dernier voyage à travers les différentes régions du pays, il vous aidera à éviter les pièges et autres chausse-trappes à la croisée des chemins. Vous y trouverez également une sélection des meilleures adresses : artisans, pubs et auberges. Désireux de renouveler un peu le genre, Michel Rodrigue et David Pellet ont créé un livre illustré unique en son genre, véritable « guide du routard » du fantastique écossais. Derrière le ton souriant de Meegrit, les auteurs n’en demeurent pas moins sérieux quand il s’agit de partager les nombreuses légendes glanées par Michel Rodrigue au cours de ses pérégrinations écossaises… ou de les inventer ! David Pellet n’est pas en reste : inspiré par ces contes et légendes, le dessinateur peut laisser libre cours à son talent, alternant les styles et les traités graphiques avec brio.
Un ouvrage indispensable, sous peine de croiser un Nuckelavee au détour d’une lande sauvage ou… de manquer de somptueux tartans ! « L’Écosse, terre de légendes » est né d’un partenariat inédit entre les éditeurs Le Lombard et Huginn & Muninn. Fort de 66 ans de planches et de bulles, depuis les premières pages du journal « Tintin » jusqu’aux actuels albums de « Thorgal », « Alpha », « Léonard » ou bien encore « Les Schtroumpfs », Le Lombard est bien connu des bédéphiles. Huggin & Munnin est une maison d’édition spécialisée dans les beaux livres et la culture geek, que sa jeunesse n’a pas empêché de s’imposer comme une référence du secteur, grâce à des succès tels que « Lego Star Wars » ou « L’Encyclopédie Harry Potter ». « L’Écosse, terre de légendes », « Le fabuleux Abéféedaire farfelu » (Moguerou) et « Les dieux du Nil » (Crisse et Besson) ouvrent ainsi le bal d’une nouvelle ligne de livres d’illustrations, née de la conjugaison de leurs talents et rassemblant les meilleurs auteurs dans les plus beaux livres. Finement ouvragés, ces derniers ont été pensés comme autant d’écrins pour sublimer les univers des grands noms de l’illustration et du 9e Art.
Véritables collectors, ces albums grand format sont imprimés sur un papier luxueux, et contiennent chacun quatre dessins prêts à encadrer, pour le plus grand plaisir des amateurs d’imaginaire graphique.
Ecosse. Terre de légendes
Un véritable guide de voyage, indispensable à tout touriste impatient de découvrir les richesses cachées de l'Ecosse, depuis le monstre du Loch Ness jusqu'aux sorcières qui font s'échouer les navires au large des côtes.
Ecosse. Terre de Légendes
Sortie le 15 juin 2012
Scénario : RODRIGUE
Dessin : PELLET DAVID
Edité chez Lombard, 96 pages au prix de 34.95 €
emblant tombé en disgrâce auprès du Roi d'Espagne, Cortès s'apprête à quitter provisoirement Tenochtitlan pour repousser l'expédition punitive menée par Ponfilo de Narveaz. L'Espagne pense que Cortès s'enrichit personnellement au détriment de la couronne.
En homme avisé, Cortès convoque un homme dont les qualités d'homme d'armes ont fait parler de lui : Hernando Royo. Il lui confie une mission : s'emparer d'une partie du trésor accumulé dans le temple et de déposer le butin aux pieds du Roi afin de faire taire les rumeurs d'enrichissement personnel. La pièce maitresse étant constituée par l'amulette de Txlaka, objet devant lequel tous les prêtres de l'empire se prosternent et obéissent.
Royo accepte la mission sans rechigner mais se voit commandé par une femme du nom de Catalina guerero. Celle-ci n'ayant pas froid aux yeux met au point un plan qui grâce à la complicité d'une jeune fille esclave du grand prêtre Oczu, devrait leur permettre de pénétrer dans la salle du trésor. A la grande surprise du petit groupe, l'esclave les trahit. Le piège se referme sur les voleurs. Oczu jubile. Les avertissements lancés à l'adresse de l’empereur s'avèrent être exacts. Ce ne sont pas les envoyés du dieu Quetzacoatl mais de vulgaires mortels et voleurs de surcroit. Par un moment d'inattention, la situation tourne en faveur de la petite troupe et ceux-ci s’échappent. Oczu sacrifiant un de ses bras au dieu Txlaka réveille sa colère. La petite troupe prends les chemins de traverse et enfouit le butin à l’exception de l'amulette de Txlaka...
Dufaux utilise l'histoire et ses noms célèbre pour nous mener dans un récit ou se mêle réalité et fiction. Il manie à la perfection ce type de scénario où le hasard n'est pas une coïncidence. Du très bon scénario qui ne mérite aucun commentaires sinon : que vivement la suite !
Cortès est réellement tombé en disgrâce auprès de la cour d'Espagne et Ponfilo de Narvaez a réellement mené une expédition punitive à l'encontre de Cortès soupçonné de s'enrichir au détriment de la couronne. Ils ne se sont point affrontés mais ont fait alliance. Les Espagnols ont profité d'une éclipse qui annonçait le retour de Quetzacoatl et la fin du cinquième soleil dans leur calendrier. Cela pouvait signifier la fin du monde. Pour eux, les Espagnols avec leurs chevaux et leurs bouche à feux (canons) étaient bien les dieux annoncés.
Hélas, Cortès n'était pas dieu et il conquit cet immense pays qui devint le Mexique actuel. Il eut même une maîtresse convertie qui se nommait Tenépal (la malincha) elle le servit fidèlement et permit de franchir plus facilement des barrières par la connaissance du pays et de ses coutumes. La Malincha mourut abandonnée sous les tortures de l'inquisition.
Le centre de Mexico est construit sur les ruines du temple de Moctezuma II, rasé par les troupes Espagnoles en représailles au soulèvement faisant suite au massacre de prêtres par Alavarado et sa tentative de voler l'or de Moctezuma. Il faut croire que Dufaux se serait inspiré de Alvarado pour imaginer le vol du trésor.
Moctezuma est mort d'une flèche ou d'une pierre indigène. Ce meurtre fut probablement initié par son propre frère, ou les prêtres qui lui en voulaient de temporiser trop avec les Espagnols.....
Xavier nous gratifie de l’excellence de son coup de crayon. Ses personnages expriment parfaitement les émotions que Dufaux veut nous transmettre. Le prêtre Oczu glace les sangs par son visage cruel dans cette époque ou les sacrifices humains étaient courants, malheurs aux perdants. La page de couverture exprime à elle seule la noirceur de ce récit sanguinaire.
Les yeux rendent beaucoup la noirceur de l'âme d'Oczu. Ce personnage m’impressionne particulièrement en page 16,17 et 51.
Xavier excelle aussi dans le rendu des personnages féminins, il est d'ailleurs dommage de ne les rencontrer qu'en BD ce genre de mignonnes alliant grâce, classe et beauté sauvage, mêlée à un soupons de mœurs légères.
Les détails du dessins sont toujours au rendez vous, veines saillantes, yeux injectés par la rage, corps gracieux ou abjects, paysages luxuriants... Mention spéciale aussi pour le rendu effrayant des sculptures des dieux cruels.
Panier plein pour Xavier. Que dire si ce n'est que : j'aime !!!!
Mitton (Quetzacoatl) avait en son temps bien rendu cette période de l'histoire, de même que Ignacio Noé (Helldorado), mais ici les détails du dessins sont grandioses.
Le jour où Marion emménage avec sa mère dans la maison de famille dont elles ont hérité, une nouvelle vie commence pour la petite fille. Fini la vie citadine, les voilà installées au bord de la mer, dans le village où ses grands-parents ont vécus plus de trente ans auparavant. L'endroit est magique : une vue imprenable, la plage au pied du jardin... Au village, les plus anciens se souviennent du grand-père de Marion, disparu en mer bien avant sa naissance ; c'est l'occasion pour elle d'en apprendre un peu plus sur l'histoire de sa famille, dont elle ne sait presque rien. Et puis, il y a ces rochers sculptés, sur la lande, dont les anciens du village disent qu'ils sont une trace de légendes oubliées...
Celui qui a dit ou écrit que pour réussir un film ou une BD, l'ingrédient essentiel est avant tout une bonne histoire avait bien raison. La preuve avec ce premier tome de la Mémoire de l'eau, diptyque dont le second volet est annoncé pour juin, et qui permet de découvrir un Matthieu Reynès (Alter Ego) scénariste pour sa compagne Valérie Vernay (Agathe Saugrenu). Car c'est sans conteste à une bonne histoire que l'on a affaire. Une histoire de prime abord toute simple mais qui met en scène des personnages immédiatements attachants dans un cadre à la fois séduisant et mystérieux. Ainsi, on suit en tout et pour tout 4 personnages dans ce premier album (celui du gardien de phare, le 5ème, n'apparaît vraiment qu'à la toute fin), sans énorme suspense ou retournement de situation, sans violence, mais autour d'une énigme qui se dessine par petites touches, doucement et sûrement. On suit Marion dans ce qui ressemble, quelque part, à la recherche de ses racines, et c'est une petite magie qui opère. On a envie de voir ses pas sur la plage et de découvrir avec elle ces mystérieuses pierres sculptées... Nostalgie peut-être ? Nostalgie de certains feuilletons qui enchantaient notre enfance ? Et puis, c'est vrai que l'endroit où la petite fille et sa maman s'installent fait rêver. Valérie Vernay signe de très belles planches (pastel gras ?) dans un style semi-réaliste faussement simple et tout en douceur, au diapason de la première partie de cette histoire qui contraste avec la grande majorité de la production actuelle et s'adresse vraiment à un très large public. Matthieu Reynès construit de son côté un scénario parfaitement fluide, dévoilant très progressivement les éléments du mystère de La Mémoire de l'eau. Et qu'est-ce que c'est gai de prendre son temps, d'évoluer tout doucement dans l'histoire sans être secoué de multiples façons par mille rebondissements rocambolesques ou trop artificiels ! La Mémoire de l'eau nage à contre-courant et c'est très bien ainsi. Son charme opère, laissant une impression de douceur ou une envie de vacances. Gageons que le second volet aura conservé toutes ces qualités. Mention spéciale aussi à la couverture et à la maquette de l'album. Coup de coeur !
Pierre Burssens
La Mémoire de l'eau tome 1 par Vernay et Reynès, 48 pages, 12 €, paru chez Dupuis le 6 avril 2012
1946 : LA GUERRE CONTINUE !
1946 : Les armes volantes spéciales des Nazis déciment les avions alliés.
Mais le pire reste encore à venir…En cet été 1946, les Japonais ont été battus mais la Seconde Guerre mondiale continue en Europe après l’échec surprise du débarquement allié, le 6 juin 1944.
D’étranges avions à réaction totalement révolutionnaires, surnommés Wunderwaffen (« Armes miracles »), défendent désormais efficacement l’Allemagne. Le major Walter Murnau, tête brûlée, homme d’honneur et talentueux pilote de Wunderwaffen, se retrouve décoré par Adolf Hitler, atrocement mutilé lors d’un attentat, qui lui inspire crainte et dégoût. Le voilà publiquement surnommé « Le pilote du Diable »… Il devient alors l’icône d’un régime qu’il déteste. Sans se douter que même pour le « Pilote du Diable », l’enfer n’est jamais loin...
Une uchronie de haut vol
Richard D. Nolane, connu aussi pour ses divers ouvrage ufologique, rentre dans le monde de la bande dessinée avec ce premier tome de WunderWaffen ( armes miracles en allemand) appuyé par les graphismes somptueux de Maza. Encore une uchronie dirons certains d'entre-vous, certes. Une mode à laquelle s'adonnent nombre d'auteurs ces dernière années. Mais celle-ci est particulièrement intéressante. Nolane nous invite à imaginer le court d'une autre histoire, celle qui aurait vu la défaite des alliés sur le débarquement en Normandie et qui plus est, l'attentat du 8 mai 1945 sur Hitler auquel le furher aurait survécu au détriment de la perte d'un bras et d'un visage partiellement défiguré. Une uchronie qui semble rappeler celle d'un film tel que Philadelphia Experiment, voyage dans le temps hormis bien entendu. Nolane ne fait pas l'apologie du nazisme, son récit est surprenant, dépeignant une course à l'armement et à la haute technologie dont les alliés visiblement accusent un retard qui malgré toute leur bonne volonté et leur détermination, ont beaucoup de peine à combler. La suprématie de la machine de guerre volante nazie ne finissant pas de se perfectionner sauvant par la même occasion un 3eme Reich agonisant. Les combats aériens plongent le lecteur au cœur de l’action. Maza à réussi une véritable prouesse graphique. Ce premier tome à tenu toutes ses promesses et l'éditeur à eu le bon goût d'adjoindre un livret de 8 pages sur les armes miracles allemandes "de la propagande à la mythologie" composé de documents d'époques et d'hypothèse développées sur les fameuses armes secrète du 3eme Reich, thème abondamment employé pour le film Iron Sky à venir ce 4 avril 2012. Oui décidément, les uchronies ont le vent en poupe. Il ne nous restes plus qu'à souhaiter une machine à avancer dans le temps pour découvrir le tome 2. En attendant ce miracle, je ne puis que vous conseiller la lecture de cet excellent album.
Marcus
Wunderwaffen par Richard D. Nolane & Maza. 56 pages au prix de 14.30 €, édité par Soleil Productions.
Le diabolique Sir Charles Warren est mort, mais Spring Heeled Jack, le démon réveillé par son club des Damnés, court toujours les rues de Londres, qu'il envahit de sa noirceur sanguinaire. Cela ne peut signifier qu'une chose : la frontière séparant les deux mondes devient poreuse et Scrubby, l'enfant échangé par les fées, va devoir assumer son rôle d'ambassadeur, et débarrasser les humains du démon. Pour cela, il lui faudra comprendre pleinement ses origines, là-bas, dans les limbes entre fiction et réalité...
Il arrive parfois, trop rarement sans doute, en fermant un livre, qu'il s'agisse d'un roman ou d'une BD, que l'on se dise, et avec quelle satisfaction : « c'était une belle histoire ». Un sentiment qui semble tout bète, tout simple, mais qui, in fine, transcende les genres, les styles et touche à l'essentiel. C'est exactement ce que j'ai ressenti en achevant la lecture de cette Nuit Asraï, cinquième et dernier tome de la Légende du Changeling, série qui m'aura enchanté depuis son début et dont j'aurai attendu chaque album avec curiosité et impatience.
Une belle histoire, peut-être la plus belle qu'ait écrit Pierre Dubois, magnifiquement mise en images par Xavier Fourquemin et en couleurs par Scarlett Smulkowski. Une belle histoire sans aucune faute de goût, avec une dimension fantastique dont les enjeux se sont pécisés et ont pris corps au fil des albums. Une dimension qui, cette fois, baigne totalement cette Nuit Asraï, les deux mondes se rejoignant, pour un album qui est sans doute le plus « magique » de la série. Pour Scrubby, l'heure du choix est venue... Et on va de surprise en surprise, tout au long de ce chapitre final rempli de clin d'oeils et de références, à commencer par un petit rôle donné à un personnage qui ressemble très fort à Miss Endicott, héroïne d'un autre beau diptyque chez le même éditeur... Pierre Dubois, en grand spécialiste des contes et légendes s'en donne à coeur joie, avec un scénario très dynamique mais dans lequel la poésie conserve, elle aussi, une jolie place. Le trait de Xavier Fourquemin sert, encore une fois, cet univers avec brio et imagination. Les réponses aux questions laissées en suspens se trouvent dans ces ultimes pages. Quelque part, la boucle est bouclée et c'est en apothéose que se referme la légende du Changeling. Quant à moi, je vous avouera que c'est avec un petit pincement aucoeur que j'ai refermé cet album somptueux, avec l'envie aussi de relire les quatre qui l'ont précédé, me disant avec bonheur que « c'était une belle histoire » et avec l'envie de remercier les auteurs pour m'avoir offert ça... Et voilà, c'est fait !
Pierre Burssens
La légende du Changeling T.5 – La nuit Asraï, édité par lombard le 30 mars 2012, 64 pages au prix de 14.45 €
Décembre 1665. Parti sur les traces du Centième Nom, ouvrage légendaire qui contiendrait le nom caché de Dieu, et de ce fait capable d’assurer le salut du monde, Baldassare Embriaco, Génois d’Orient négociant en livres et curiosités, débarque à Smyrne en compagnie de la belle Marta, une veuve avec qui s’est nouée une intense relation amoureuse. Rien ne va s’y dérouler comme ils l’escomptaient. Marta, enceinte, découvre que son mari n’est pas mort, et Baldassare, qui croyait Le Centième Nom perdu, apprend qu’il serait entre les mains d’un commerçant anglais. Au seuil de la redoutable année 1666, Baldassare, expulsé vers le nord, prend bientôt le chemin de Londres, où, toujours sur la piste du Centième Nom, l’attendent de nouvelles aventures…
Le « Centième nom », paru l'an dernier, avait constitué pour moi un véritable coup de coeur, très probablement motivé par sa différence, et ce « Ciel sans étoiles » suit le même chemin... En effet, avec le Périple de Baldassare, on se trouve avant tout face à l'adaptation d'une oeuvre littéraire et cela se sent. Si pour vous une BD doit se caractériser par de l'action à tous crins, d'incessants rebondissements, un suspense insoutenable ou de bruyantes onomatopées, ce Périple ne vous satisfera pas. Sur les traces d'Amin Maalouf, Joël Alessandra prend son temps pour nous emmener dans cet incroyable voyage au coeur du 17ème siècle, aux frontières de l'Orient et de l'Occident. Et si son s'attache bien vite aux personnages, à la quête un peu folle de Baldassare ou à la très belle Marta, c'est bien le Périple qui donne son titre au roman d'Amin Maalouf et à la série qui constitue le coeur de l'histoire. Ce tome 2 nous conduit ainsi de Smyrne (Izmir) à Londres, en passant par Chio, Gênes et Amsterdam. A l'image des couleurs de la couverture, les lumières européennes sont différentes de celles de la méditerrannée, et Joël Alessandra excelle à faire varier ces climats, qui s'assombissent aussi dans la quête du héros, séparé de son aimée, entrant en cette année 1666 dans l' « année de la bête », et confronté au « Centième Nom », ouvrage légendaire...qu'il ne parvient pourtant pas à lire... Baldassare voyage, nous faisant découvrir non seulement ces villes, ces paysages, mais autant de personnages singuliers. Il faut prendre le temps du voyage comme celui de la rencontre. La grosse majorité des textes de l'album est constituée de narratifs à la première personne, accentuant encore une fois la différence avec nos lectures plus souvent formatées, et le charme opère encore, nous offrant un moment de lecture très particulier. Il y a du Ferrandez (pour ses lumières) et quelque chose de Pratt dans le dessin de Joël Alessandra. Il y a ses couleurs directes aussi, ses aquarelles et le choix de conserver à l'impression la structure et la couleur de ce papier. Il y a ces débuts de chapitres qui évoquent plus un carnet de voyage qu'un album traditionnel, et tout ça se combine pour nous offrir un dépaysement aussi doux qu'envoûtant. Et si le tome 3 devrait conclure cette adaptation pour Angoulême 2013, plutôt que de s'impatienter, il est parfois bien plaisant de se dire que l'on a de quoi prendre le temps de relire et d'apprécier encore, d'ici là, les deux premiers volets de cette trilogie différente. Quand je vous dis que le charme opère...
Pierre Burssens.
Le Périple de Baldassare T.2 – Un ciel sans étoiles par
Joël Alessandra et Amin Maalouf édité chez Casterman, 64 pages au prix de 14 €
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