Isolé sur une île, Achille passe son temps à scruter l'océan, avec pour certitude qu'il va mourir un mardi. Les autres jours il ne peut rien lui arriver. Mais est-il aussi indestructible que cela ? Un événement dramatique remet en cause cette certitude : Achille échappe de peu à la noyade. Ebranlé et sous le choc, Achille décide de briser sa solitude et de partir pour Hawkmoon, la mégapole, y retrouver Rebecca son amour d'antan qui a quitté l'île il y a bien longtemps. Tant d'années ont passé depuis son départ...qu'est-elle devenue ? L'attend-t-elle vraiment ?
Ce tome 2 clôture un diptyque totalement hors du commun. Si on connaissait Nicolas Vadot pour ses dessins de presse parfois ressentis comme cruels et pour Norbert l'imaginaire (avec Guéret - intégrale annoncée pour fin octobre au Lombard), Maudit Mardi a véritablement révélé un talent aussi précieux qu' original tout en offrant à l'éditeur participatif Sandawe et à sa « tribu d 'édinautes » une très belle carte de visite. Si le tome 1 a autant dérouté que séduit, il a aussi installé un rythme et un univers dans lesquels on se replonge avec plaisir et curiosité dans ce nouvel opus, avec l'espoir aussi de trouver réponse aux nombreuses questions posées précédemment. Le moins que l'on puisse dire est que l'on n'est pas déçu. On s'est vite attaché à Achille, cet « homme de bois » et à son étrange odyssée et on comprend ici quelle est véritablement sa quête. Vadot installe toute une symbolique autour d'un personnage qui rompt ses amarres de routine à la recherche de sa liberté (intérieure) et c'est un itinéraire métaphorique et onirique que l'on suit. Achille est confronté à un tueur en série, partie sombre de lui-même plutôt que « jumeau » (comme évoqué), dont il se débarasse, et si par moments ses prothèses de bois « bourgeonnent », elles évoquent surtout ses doutes et ses hésitations... Graphiquement, je trouve que cet album a quelque chose d'aérien, ce qui peut sembler paradoxal pour l'histoire d'un personnage littéralement enraciné au tout début de son aventure. Sans doute parce que Vadot prend son temps et n'hésite pas à occuper l'espace de grandes et parfois mêmes très grandes cases aux cadrages très originaux. Dans un très beau dessin, sensible et d'une extraordinaire lisibilité, il associe traits encrés et crayonnés. Une étonnante double page qui constitue la réelle conclusion de l'histoire en est l'exemple parfait. Alors que la mode actuelle semble être aux petits formats souvent très chargés, le dessinateur nous offre, outre plein d'espoir, une formidable respiration graphique. Ca pouvait paraître évident, cinématographique, mais il fallait y penser, et il fallait surtout oser... Tout comme cette colorisation qui fait la part belle à de larges aplats. En complétant ce diptyque, ce second volet confirme la qualité et l'originalité globales d'une oeuvre inclassable et fascinante. On peut encore innover et surprendre en BD sans pour cela choisir la provocation ou se réclamer d'une tendance « branchée » ou « pointue » dont la caractéristique première est souvent la prétention. Avec Maudit Mardi, Vadot a, lui, choisi la poésie. Et on préfère ça...
Pierre Burssens
Maudit mardi t2 par Nicolat Vadot, 58 pages édité par Sandawe au prix de 15 €
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