Les 3 fruits, c’est un conte macabre et noir, décalé dans un temps médiéval et fantasy lointain, mais aussi calé dans les plus bas instincts de l’homme, d’hier… ou d’aujourd’hui. Ainsi, se retrouve-t-on plongé dans l’histoire de ce roi qui, non content de garder pouvoir et paix sur son royaume, voulait s’approprier la vie, la contrôler. Vivre à jamais en somme. Non parce qu’il rêvait de jeunesse éternelle, mais parce qu’il craignait trop la mort que pour la subir. Décadent et en pleine folie obsessionnelle, le roi eut tôt fait de trancher la gorge à ses plus proches et fidèles savants, parce qu’ils n’avaient pas la réponse à sa question: « Que dois-je faire pour ne pas mourir?« . Se présenta alors, lorsque le royaume fut dépeuplé de ses hommes de savoir, un mage obscur quiPage 4 proposa un marché au souverain. En échange du mariage de sa fille, l’homme donna la solution au roi vieillissant. Pour s’assurer la vie éternelle, le roi devra manger la chair du plus valeureux de ses trois fils. Leur faisant miroiter l’accession au trône et à la couronne, le fou envoya donc ses fils aux 3 coins du royaume affronter d’invincibles monstres pour prouver leur robustesse.
Énième variation du pacte avec le Diable? Oui, Les 3 fruits l’est certainement, mais avec l’inventivité et l’originalité qui nous font dire que le contes de nos jours peuvent faire bien plus que répéter ceux du passé. Et que les fables de La Fontaine peuvent sortir de leur jour enfantin pour revêtir leurs atours humains et glaçants. Encore plus lorsqu’elles sont rendus par le style unique du dessinateur Oriol. Encore plus flou, plus étiré, plus fantomatique, plus pictural et plus « ambiancé » que dans sa précédente collaboration avec Zidrou (le surprenant et excellentLa peau de l’ours). Et si le lecteur est pris à revers par le genre de cette bande dessinée, il est plongé, immergé complètement dès les premières des 78 pages de cette BD fantastique. Fantastique parce que contemporaine aussi, traitant de l’habituel thème de la peur de la Page 11mort, mais également du mariage forcé, de la lâcheté et de la volonté d’assouvir ses désirs les plus cruels à n’importe quel prix. Bref, ce royaume n’est pas si loin de celui que nous contemplons chaque jour, qui est à notre porte… non, bien plus, qui est chez nous, en chacun de nous. Et que Zidrou et Oriol sont redoutables pour conter nos démons! C’est élégant, menaçant, identitaire, ultra-sombre mais d’une grande beauté et diablement emballant. C’est loin d’être kitsch et Monstrueusement conseillé, donc.
Alexis Seny
L'avis de Jean Jacobs :
L’immortalité
Un Roi se dirige vers la fin de sa vie après quarante ans de règne dans un royaume florissant. Il est fier de lui. Aimé de ses sujets, il a épousé la femme qu’il aimait. Ils ont eu quatre enfants. Mais, le Roi est terrifié à l’idée de mourir. Il ne pense qu’à cela. Il demande à son fou de l’aider. Ce dernier lui dit qu’on a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Il lui faut apprivoiser la mort. Le Roi invite les plus grands sages pour en savoir plus. Aucun d’eux ne sait comment échapper à la mort. Le Roi les décapite et tue son fou. Plus tard, un mage se présente au Palais et dit au Roi qu’il sait comment devenir immortel. Un marché est conclu avec ce personnage diabolique.
Un conte cruel
Zidrou et Oriol nous avait délectés avec « La peau de l’ours ». Ils reviennent dans un registre différent mais aussi puissant. Le scénariste Zidrou nous offre un conte cruel, classique et moderne. Comme dans tout conte, un élément va perturber la paix d’un royaume et envoyer trois princes dans une quête insensée. Zidrou respecte la structure de la fable, mais nous livre une histoire surprenante. Quoi qu’il se passe la conclusion sera négative. Graphiquement, Oriol se déchaine et change de registre. Il joue sur les ombres avec des cases sombres et des formes qui font penser aux fantômes. Les ombres sont associées aux faits graves. Les décors et les personnages sont sombres.
Un one-shot fabuleux…
Les 3 fruits par Zidrou & Oriol, Dargaud.
16.45 €, 80 pages
ISBN : 9782505019411
©BD-Best v3.5 / 2024 |