"Case à part" ... une nouvelle rubrique qui a la vocation de parler du patrimoine du neuvième art d'une façon originale. En effet, Laurent Lafourcade vous propose ici un article écrit avec le point de vue d'un personnage de Bande Dessinée par rapport à la série ou il est impliqué. Pour ce premier article, Laurent à choisit l'Oncle Georges de la célèbre série créée par Gos "Le Scrameustache".
« Ça alors, une soucoupe volante ! » s’étonne Khéna en découvrant pour la première fois un objet volant non identifié. Cette rencontre allait changer sa vie, et par conséquent la mienne, moi, Georges Caillaut, archéologue et ethnologue. Après avoir bourlingué autour du monde, je rédige mes mémoires et m’occupe de mon neveu d’une quinzaine d’années : Khéna. Je ne me doutais pas que cette partie de ma vie allait être beaucoup plus mouvementée que prévue à cause d’un chat venu de l’espace.
Une série de plus dans la longue liste au style ligne claire ? Non, Khéna et le Scrameustache, qui sera rebaptisée Le Scrameustache au tome 7 est une suite d’histoires bien plus réfléchie qu’il n’y paraît au premier abord. Le matou n’est pas un simple extra-terrestre, mais est issu de manipulations génétiques. On l’apprendra plus tard (T.18 : D’où viens-tu Scrameustache ?, pré-publié dans Spirou sous le titre moins simplet : La genèse du Scrameustache). Khéna n’est pas non plus un adolescent comme les autres. Je l’ai recueilli lors d’une expédition en Amérique du Sud (T.1 : L’héritier de l’Inca). Il vient en fait lui aussi de l’espace et ses parents sont prisonniers du temps (T.9 : Le dilemme de Khéna). Et je n’ai pas rangé définitivement ma truelle de chercheur et mes carnets de notes (T.19 : La caverne tibétaine).
Khéna et son compagnon vont m’en faire voir des pas mûres et des vertes, ou plutôt des verts. Une communauté de petits hommes…verts, les galaxiens, aussi organisés que drôles, accompagne une bonne partie des aventures. On pense aux Schtroumpfs. Gos n’a pas fait l’école Peyo pour rien. Il a participé au scénario et aux dessins du Cracoussas. Mais la communauté des galaxiens a un côté beaucoup plus scientifique, politique et tayloriste dans leur façon de vivre. Le Grand Schtroumpf y est remplacé par un quatuor d’anciens, plus intéressés par se faire des farces que pour servir d’exemple (T.10 : Le prince des galaxiens). Dans ce même volume, une galaxienne naît par magie, acte manqué en hommage à une certaines Schtroumpfette.
Mais revenons à mon neveu d’adoption. Dès le tome 3 (Le continent des deux lunes), j’apprends que qu’il a débarqué sur terre avec ses parents dans un vaisseau d’exploration. Son père et sa mère ont disparu. Khéna réussira à les ramener du passé (T.16 : Le grand retour).
Expatrié, le Scrameustache se pose des questions existentielles sur sa place dans la société. Il va mettre la panique dans le village. Ses tourments l’amènent à faire tout un tas de potacheries (T.6 : La fugue du Scrameustache). Cet épisode voit également la première apparition des galaxiens, mise à part la dernière case du tome 3.
C’est très souvent aussi que les militaires, ou les gendarmes, passent pour de sombres crétins dépassés par les événements (T.7 : Les galaxiens, T.27 : Les naufragés du Chastang,…) Est-ce une réminiscence du premier métier de Gos ?
Je vais me retrouver au premier plan du diptyque La saga de Thorgull/Le secret des trolls (T.12/13) à cause d’un casque de viking bloqué sur ma tête. Revenus de cette légende nordique, nous quitterons notre maison de Chambon-les-roses, pour aménager, toujours dans le même village, à la tour Agnar qui va devenir un véritable centre de communication névralgique entre la terre et l’espace. Cette grande bâtisse me permettra d’accueillir souvent -et avec joie- les galaxiens. Notons que c’est à partir de ce treizième épisode que Gos sera épaulé de son fils Walt.
Gos, Walt et Seron ont réalisé un bien bel exercice de style dans un épisode où, faute de goût (?), je n’apparais pas. Kromoks en folie (T.14) est à lire en parallèle avec Le pickpocket (T.18 des Petits Hommes). Les auteurs ont inventé le cross-over, à la mode aujourd’hui dans les séries américaines, en mélangeant leurs deux univers.
Le monde du Scrameustache est peuplé de bien d’autres personnages dont voici une liste non exhaustive :
- - L’oncle Yamouth, relais de Khéna sur le continent des deux lunes ;
- - Tobor, le robot de compagnie du Scrameustache. Cet « aspirateur volant » le tirera de bien des mauvais pas ;
- - Falzar, l’Arbacès de la série, dont les retours ponctuels sont un réel plaisir (T.2 : Le magicien de la grande ourse, T.19 : Les figueuleuses, T.34 : Le retour de Falzar) ;
- - Waterloo, mon chien, qui, s’il pouvait parler, en aurait à raconter ;
- - Les Ramouchas, sortes de félidés aux allures de gorilles, dont la particularité est de coller des décharges électriques à qui ils veulent. L’un d’eux, à l’oreille coupé, est un grand copain du Scram ;
- - Les Kromoks, butors simiesques, dont le chef Patarsort est aussi bête que méchant ;
- - Zoltic et Zoltac, deux scientifiques parias exilés dans l’espace.
Je vais rester pratiquement absent de neuf albums consécutifs pour ne revenir que dans les vingt-troisième et vingt-quatrième albums, La caverne tibétaine et Le cristal des Atlantes, nouveau diptyque au scénario très travaillé sur le mythe de l’Atlantide.
Les naufragés du Chastang (T.27), aventure scientifique, est une bonne synthèse de l’univers du Scrameustache : un problème dans l’espace, des aliens en péril que Khéna et le Scrameustache doivent aider et qui débarquent sur terre, des militaires hébétés, et moi au milieu de tout ça. L’action se déroule autour du barrage éponyme, centre hydro-électrique corrézien existant. Rebelote dans Les petits gris (T.28), dont l’action se déroule à Pommerol en Drôme provençale, basé sur un schéma narratif semblable, les militaires en moins.
Le retour de Falzar (T.34) est aussi le mien, après une nouvelle éclipse. C’est le dernier album sous le label Dupuis. Dans cette histoire et dans sa suite, j’ai plutôt un rôle de figurant et de comique involontaire de service. Ce tome 35, L’antre de Satic, est le premier album publié aux éditions Glénat sous le label Paris-Bruxelles géré par Walt. Je n’ai jamais compris comment les éditions Dupuis avaient pu laissé filer une telle série comportant l’ADN de leur maison. Même si le Scrameustache continue dans le giron de Glénat, la série a la goût et la couleur de Dupuis.
Je reprends mon rôle d’archéologue dans Casse-tête olmèque (T.36), le pied dans le plâtre. Après une très courte apparition au début des Exilés (T.37), qui voit le retour de ces débiles de Kromoks, les galaxiens viennent me casser les pieds chez moi dans L’elfe des étoiles (T.38), joli conte de fées. Je retrouve un rôle majeur dans La clef de l’hexagramme (T.39) dans lequel j’examine le tracé d’une future route pour d’éventuelles fouilles préalables. Dans les deux derniers épisodes parus à ce jour, je fais une figuration dans Les passagers clandestins (T.40) et un caméo dans la première case du Lauréat K22 (T.41).
De la BD tous publics, intéressante et distrayante, le Scrameustache est une série bien plus intelligente qu’on ne pourrait le penser au premier abord. Depuis quelques années, les albums s’espacent de plus en plus. C’est regrettable pour la fidélisation des lecteurs. Espérons qu’un rythme de parution annuel revienne vite.
Gos et Walt ont eu l’intelligence d’alterner épisodes sur terre, dans lesquels j’apparais plus volontiers, et aventures dans l’espace, récits archéologiques ou écologiques et science-fiction pure. Mais une chose que je ne leur pardonnerai pas, c’est de m’avoir fait faire le voyage Amérique du Sud-France ficelé sur le dos du Passe-Partout. Qu’ils soient changés en statues de sel !
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Vendredi 21 février 2025 - 21:14:00
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