Décembre 1665. Parti sur les traces du Centième Nom, ouvrage légendaire qui contiendrait le nom caché de Dieu, et de ce fait capable d’assurer le salut du monde, Baldassare Embriaco, Génois d’Orient négociant en livres et curiosités, débarque à Smyrne en compagnie de la belle Marta, une veuve avec qui s’est nouée une intense relation amoureuse. Rien ne va s’y dérouler comme ils l’escomptaient. Marta, enceinte, découvre que son mari n’est pas mort, et Baldassare, qui croyait Le Centième Nom perdu, apprend qu’il serait entre les mains d’un commerçant anglais. Au seuil de la redoutable année 1666, Baldassare, expulsé vers le nord, prend bientôt le chemin de Londres, où, toujours sur la piste du Centième Nom, l’attendent de nouvelles aventures…
Le « Centième nom », paru l'an dernier, avait constitué pour moi un véritable coup de coeur, très probablement motivé par sa différence, et ce « Ciel sans étoiles » suit le même chemin... En effet, avec le Périple de Baldassare, on se trouve avant tout face à l'adaptation d'une oeuvre littéraire et cela se sent. Si pour vous une BD doit se caractériser par de l'action à tous crins, d'incessants rebondissements, un suspense insoutenable ou de bruyantes onomatopées, ce Périple ne vous satisfera pas. Sur les traces d'Amin Maalouf, Joël Alessandra prend son temps pour nous emmener dans cet incroyable voyage au coeur du 17ème siècle, aux frontières de l'Orient et de l'Occident. Et si son s'attache bien vite aux personnages, à la quête un peu folle de Baldassare ou à la très belle Marta, c'est bien le Périple qui donne son titre au roman d'Amin Maalouf et à la série qui constitue le coeur de l'histoire. Ce tome 2 nous conduit ainsi de Smyrne (Izmir) à Londres, en passant par Chio, Gênes et Amsterdam. A l'image des couleurs de la couverture, les lumières européennes sont différentes de celles de la méditerrannée, et Joël Alessandra excelle à faire varier ces climats, qui s'assombissent aussi dans la quête du héros, séparé de son aimée, entrant en cette année 1666 dans l' « année de la bête », et confronté au « Centième Nom », ouvrage légendaire...qu'il ne parvient pourtant pas à lire... Baldassare voyage, nous faisant découvrir non seulement ces villes, ces paysages, mais autant de personnages singuliers. Il faut prendre le temps du voyage comme celui de la rencontre. La grosse majorité des textes de l'album est constituée de narratifs à la première personne, accentuant encore une fois la différence avec nos lectures plus souvent formatées, et le charme opère encore, nous offrant un moment de lecture très particulier. Il y a du Ferrandez (pour ses lumières) et quelque chose de Pratt dans le dessin de Joël Alessandra. Il y a ses couleurs directes aussi, ses aquarelles et le choix de conserver à l'impression la structure et la couleur de ce papier. Il y a ces débuts de chapitres qui évoquent plus un carnet de voyage qu'un album traditionnel, et tout ça se combine pour nous offrir un dépaysement aussi doux qu'envoûtant. Et si le tome 3 devrait conclure cette adaptation pour Angoulême 2013, plutôt que de s'impatienter, il est parfois bien plaisant de se dire que l'on a de quoi prendre le temps de relire et d'apprécier encore, d'ici là, les deux premiers volets de cette trilogie différente. Quand je vous dis que le charme opère...
Pierre Burssens.
Le Périple de Baldassare T.2 – Un ciel sans étoiles par
Joël Alessandra et Amin Maalouf édité chez Casterman, 64 pages au prix de 14 €
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