En financement participatif sur Ulule, Le coup de cafard, porté par les éditions iLatina s’annonce comme un album coup de poing. Voici l’interview de son autrice : Gato Fernandez, réalisée par son éditeur.
Peux-tu m’expliquer la genèse du projet ?
Il y a environ dix ans, je me suis convaincue qu'écrire sur ce qui m'est arrivé en valait la peine. À partir de ce moment, il y a eu mille versions. Cela m'a même servi de carotte pour continuer.
Un jour, ma soeur adoptive, peut-être dans la pire année de ma vie, m'a comparée à une fille qui avait des problèmes psychologiques et psychiatriques très similaires aux miens, mais qui avait fait mille choses. La comparaison m‘a fait très mal. Cette même semaine, j'ai lu l'histoire d'une adolescente qui s'était suicidée parce qu'elle ne croyait pas qu'elle avait été violée. Tout a changé pour moi.
En tant que militante féministe, j'étais en charge d'une plainte conjointe contre un musicien de rock et un violeur en série. J'ai regroupé les filles qui ont osé se déclarer et les ai accompagnées pour témoigner. Pendant que l'une d'elles faisait sa déclaration, je me suis questionnée sur mon propre cas.
La justice indiquait que mon cas était prescrit. Alors, avec beaucoup de colère intérieure, j'ai décidé de faire tout ce que les adultes ne faisaient pas pour moi quand j'étais enfant. Parmi ces choses, j'ai pu déposer une plainte qui, comme cela arrive souvent, a été rejetée.
Mais en tant qu'autrice mon regard a changé, J'ai décidé que je voulais et devais faire les livres qui m'auraient servi quand j'étais plus jeune. Le synopsis du Coup de Cafard est sorti en un après-midi. Il m'a fallu ensuite quatre mois pour faire le scénario.
Quel a été l’accueil de ton projet en Argentine ?
L'Argentine traverse une troisième vague de féminisme, très importante. Le projet a immédiatement attiré l'attention. Plusieurs éditeurs le voulaient. Finalement, j'ai choisi la personne la plus compréhensive et empathique à ce sujet. C’est quelque chose qui s'est passé aussi en Italie et en France. J'avais besoin que ce projet soit entre les mains de personnes qui se soucient vraiment de moi.
L’Argentine est une société machiste, comme beaucoup d’autres pays. Était-ce difficile d’y initier un projet comme le tien ?
L'Argentine, comme beaucoup d'autres pays, a une culture patriarcale établie et très étendue. La difficulté n'était pas de réaliser Le Coup de Cafard mais d'arriver à la conclusion que c'était nécessaire.
Je n'ai pas été féministe toute ma vie, je n’ai pas toujours eu les convictions que j'ai maintenant. Pendant de nombreuses années, ne pas en parler m'a semblé la chose la plus cohérente. Faire ce que la société patriarcale me disait allait dans le bon sens. Parler à voix haute est quelque chose qui est mal vu, par une femme surtout une dissidente.
Qui t’a encouragé à réaliser ton livre ?
Économiquement, le soutien d’iLatina a été important. Quant à la création du livre ... Beaucoup de gens chers, mon partenaire à l'époque, mes amis et copines, mon psychologue m’ont aidé. C'était un livre vraiment difficile à faire, il m'a fallu trois ans d'attaques de panique, de dépression et d'anxiété. Y compris un lavage d'estomac.
À que point est-ce difficile de raconter une histoire sur soi même, tout particulièrement quand il s’agit d’un inceste ?
Comme je l'ai dit dans la question précédente, c'est TRÈS difficile. Surtout sous l'angle par lequel je l'ai abordé. Celui de Lucia, mon alter ego. Une fille d'environ quatre ans.
Pour en revenir à la chair de la gamine que j'étais, c'était extrêmement dur et douloureux. Quand le script est sorti si facilement, j'ai supposé que ce serait aussi facile pour le dessin. Erreur.
Quand j'ai commencé à concevoir les personnages, j'ai commencé à dessiner les traits de mon parent violeur. J'ai réalisé que ce serait extrêmement difficile, de mettre des détails dans des scènes douloureuses. Plusieurs pages ont été faites au milieu d'attaques de paniqu
Tu décris ton livre comme une sorte de thérapie, t'a-t-il aidé à aller de l’avant ?
J’aimerais pouvoir dire que toutes mes douleurs ont été surmontées grâce au livre, mais non. Je continue à souffrir de dépression chronique, de trouble anxieux et de trouble panique.
Ce que je peux vous assurer, c'est que conclure ce livre était magnifique. Pouvoir avoir cette histoire douloureuse dessinée, la garder entre deux couvertures et pouvoir saisir le livre entre les mains. Par-dessus tout, ce qu’a changé le livre, c'est que maintenant je connais l'importance de pouvoir parler à haute voix et que c'est plus fort que tous mes autres problèmes.
Peux-tu me parler de ton style de dessin ?
La vérité est que j'en ai plusieurs. J'ai choisi un style simple pour Le Coup De Cafard, parce que c’était une histoire très difficile à raconter à cause du contenu.
J'ai déjà pensé à un autre projet auto-publié avec un style tout à fait différent et avec un ton plus adulte en ce qui concerne le dessin.
En France actuellement, la parole sur l’inceste se libère, comment vois-tu la situation? Espères-tu que ton livre aide à la libération de la parole ?
Plus tu parles du sujet, plus tu guéris. C'est ce que la société ne veut pas que vous fassiez. Aller à l'encontre de ce mandat va dans le bon sens.
J'espère que ce livre aidera non seulement plus de garçons et de filles à en parler, mais aussi qu'ils pourront se sentir concernés ou simplement qu’ils ne se sentent pas seuls.
C'est un poids très difficile à porter seul.
Qu’espères-tu d’un premier crowdfunding en France ?
Publier en France est mon objectif depuis que je suis très jeune. J'espère que cela pourra devenir une réalité. Et que les gens pourront découvrir et s'intéresser à ce projet qui m'a coûté tant et qui ne fait que commencer.
Attention, il ne reste qu'une semaine pour y participer !
https://fr.ulule.com/le-coup-de-cafard/
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