Sans peur et sans reproche face à une montagne de boulot qui aurait bien nécessité les bras musclés d’un Hulk ou d’une Chose, Mickaël Géreaume et Alain Delaplace n’ont écouté que leur courage et leur passion pour célébrer comme il se doit le centenaire qu’aurait fêté le géant de la bande dessinée américaine : Jack Kirby. Pas seuls, loin de là, dans l’aventure, les deux compères se sont démenés et ont réuni une large communauté : plus de 150 artistes, commentateurs, éditeurs de tous les bords et de tous les coins du globe. Le titre de ce pavé formidable ? Kirby&Me. Il vous reste quelques heures pour le financer et le mettre dans votre bibliothèque quand l’heure sera venue (l’opération finit le 28 février à minuit), courrez-y. Pour vous donner envie, nous avons interviewé les deux initiateurs de ce projet unique et phénoménal.
Avant toute chose, vous êtes à l’origine de Komics Initiative, kézaco ?
Mickaël : En des temps anciens et reculés, une idée folle apparut, celle de se mobiliser autour d’une passion : la bande dessinée et plus particulièrement les comics pour moi et Alain. Je suis, depuis dix ans maintenant, rédacteur en chef « comics » du site PlanèteBD et depuis presque autant animateur d’une émission spécialisée sur Radio Béton à Tours. C’est lors d’une interview de Jul (pas l’apprenti rappeur hein !) pour la radio que j’ai croisé Alain et depuis, flashforward, il m’a rejoint sur PlaneteBD.
Komics Initiative est le nom de l’association qui doit nous servir à donner un cadre juridique pour sortir le livre Kirby&Me puis, par la suite, organiser d’autres projets. Mais je ne dirais rien ! Sauf contre 500 précommandes de Kirby&Me !
Alain : Et on est capables d’y arriver, à ces 500 ! Kirby&Me, c’est l’occasion de réunir toute la crème des comics et de la BD pour rendre hommage à Jack Kirby et à son œuvre. On a ainsi pu rassembler plus de 150 participants avec de célèbres créateurs comme Klaus Janson ou Olivier Vatine, des personnes clés moins connues en particulier dans nos contrées comme Diana Schutz, ancienne éditrice chez Dark Horse ou des spécialistes de la culture « geek » comme Jean-Pierre Dionnet ou encore des fans anonymes mais pas moins talentueux…
Tous ont contribué à l’ouvrage par le biais d’illustrations inédites, de textes écrits pour l’occasion rendant hommage à Jack, à son œuvre. Il y a des souvenirs d’enfance, des analyses plus techniques… On a aussi rassemblé des témoignages et illustrations surprenants comme des tatouages, un extrait d’une pièce de théâtre, etc. Tout cela a un point commun : un amour et une admiration indéniables pour le King of Comics. Point non négligeable : l’ensemble des bénéfices sera reversé à Hero Initiative, une association américaine venant en aide aux créateurs de comics en difficulté, mais on va y revenir plus tard.
Quelle est la genèse de ce projet ?
Mickaël : L’origine de Kirby&Me remonte à une session d’interview que l’on avait réalisée à Paris Manga & Sci-fi Show, un salon dans lequel nous avons croisé plusieurs artistes dont la plupart était fan de Jack Kirby, dont un certain Mauricet d’ailleurs ! Sur le chemin du retour, on a échangé des idées et les bases de Kirby&Me étaient nées.
Alain : Mauricet avait réalisé un joli dessin de Jack avec ses fameux « Kirby Crackles » autour des poings. Dans la voiture, j’ai dit que ce serait cool d’avoir une sorte de grande vente d’illustrations de Kirby en tant que sujet, d’hommages… Et les choses ont vite dégénéré !
La vision de Mauricet de la couverture de Thor #251
Un gros pavé, non ? Vous n’avez pas fait les choses à moitié…
Mickaël : Dès le départ, on voulait que l’ouvrage marque les fans par ses dimensions et le nombre de pages. On voulait que les souscripteurs en prennent plein les yeux et ressortent de la lecture de Kirby&Me ravis, un peu comme s’ils avaient passés un super moment à évoquer leur Dieu en compagnie d’artistes qui le vénèrent également. Et très vite, nous avons eu de nombreux artistes qui nous ont dit oui, certains n’ont finalement pas eu le temps mais globalement plus de 150 ont déjà envoyés leurs contributions. Le dernier d’entre eux ? Paul Pope ! Comme nous avons un contenu varié et qui n’est pas composé que de dessins, 300 pages c’était le minimum.
À quel moment, Jack Kirby est-il entré dans votre vie ? Le virus du comics qui ne s’est jamais démenti chez vous, c’est grâce à lui ?
Mickaël : D’une certaine façon, Jack Kirby a conditionné nos esprits de lecteurs de comics et de BD tout court. Si, plus jeune, j’appréciais les histoires ou les personnages, je n’ai vraiment domestiqué l’approche visuelle du King qu’au fil des ans. Tout ça pour qu’il ne sorte jamais de ma vie depuis !
Alain : À mesure que l’on a reçu les témoignages, je me suis rendu compte que nombre d’entre nous n’ont pas immédiatement été séduits par le style de Jack. Pour la bonne et simple raison que lorsque nous étions enfants ou adolescents, ses comics n’étaient déjà plus en kiosques et le style du moment avait carrément changé. Pour tout dire, je trouvais ça assez moche, quand j’étais petit.
Puis, au fur et à mesure, comme pour tout, d’ailleurs, on s’est fait une culture et on a commencé à trouver des défauts à ce qu’on lisait et de plus en plus de qualités à ce que faisait Jack. Donc non, Jack Kirby ne m’a pas amené à aimer les comics mais c’est plutôt le fait d’aimer les comics qui m’a graduellement amené à admirer Jack Kirby.
Plus précisément, avez-vous le souvenir d’une planche, d’une case qui vous a fait comprendre que Jack était bien le « King » ?
Alain : Oui, deux à vrai dire. La première, c’était la confrontation entre Thor et Hercule. Comme pour l’autre exemple, c’était grâce aux Strange Spécial Origines des éditions Lug (ça ne nous rajeunit pas !). Les types avaient vraiment l’air d’en baver, on sentait la force qui débordait de chaque case.
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L’autre exemple, c’était Iron Man vs Namor. Un combat d’anthologie. Le pauvre Tony en a pris plein la tête, dans celui-là. Namor était alors pour moi une sorte de pauvre type qui passait son temps à essayer d’emballer Sue Storm mais là, avec cette histoire, il avait gagné en galons !
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Mickaël : Impossible de répondre pour moi car cela dépend du moment où l’on me pose la question. En ce moment, je pourrais te citer du Fantastic Four et demain te redire que Captain Victory c’est génial ! Peut-être le moment où Galactus apparaît pour la première fois… ça me fait toujours autant vibrer.
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Ainsi, il a participé à la renommée du comics tel qu’on le connaît actuellement ? Il a imposé des codes ?
Mickaël : Sans lui, plus de 90% des super-héros n’existeraient pas. Donc oui, il a participé à la renommée du comics mainstream mais n’a jamais eu le succès populaire d’un Stan Lee, un parfait communiquant et éditeur visionnaire… mais pas un pur créatif selon moi. La narration de Kirby a influencé des générations entières, ses découpages étaient d’une efficacité redoutable. On retrouve son influence chez des artistes majeurs comme Frank Miller, Mike Mignola etc. De nombreux auteurs français de bande dessinée ont grandi en lisant les revues des éditions Lug dont ont bénéficié eux aussi des bienfaits du génie de Kirby.
Alain : Il a su insuffler les codes de la mythologie classique dans les comics. Les super-héros sont devenus des dieux hyper puissants et tourmentés alors qu’ils n’étaient que des justiciers gadgetisés. On est passé de l’ère de Zorro (que j’adore) à celle du surhomme.
Verra-t-on encore un jour l’émergence d’un monstre comme Kirby ? Ou est-il justement arrivé au bon moment, quand tout (ou quasi) restait à faire ? Comment expliquez-vous qu’il soit passé de main en main, de génération en génération ?
Mickaël : Non, il n’y aura probablement jamais de génie comme lui. Déjà, il était capable de tomber 80 pages par mois et l’a fait durant quasiment toute sa carrière. Qui le peut aujourd’hui ? Je pense que la force de Kirby venait de sa personnalité et de son parcours. Il a grandi dans un quartier difficile, a participé à la seconde guerre mondiale… Il y a forcément une part de chance mais c’était surtout un travailleur acharné et un vrai passionné du dessin en général. Ses nombreux personnages ont toujours des comics en cours de parution et sont même devenus des héros de films. Cela permet à la jeune génération et au grand public de voir un nom « Jack Kirby » et s’interroger sur qui est ce type…
Alain : Pour ça, il faudra que cette personne invente ou réinvente un genre et se l’approprie entièrement. Est-ce que ce sera possible sur le plan des super-héros ? Je ne sais pas. Une bonne part de l’admiration des fans pour Jack vient du fait qu’il était à la fois auteur et illustrateur de ses histoires. Aujourd’hui, l’industrie est tellement compartimentée qu’un tel exploit paraît difficile. La majeure partie des lecteurs sont très très exigeants sur les deux plans et les rythmes de production sont tels que le prochain Kirby devra certainement être une intelligence artificielle. Brrr…
Quel est votre personnage emblématique créé par Jack Kirby ? Pourquoi ?
Mickaël : En ce moment, je dirais Ben Grimm alias la Chose. C’est celui qui symbolise le plus Jack Kirby et sa propre personnalité. Une apparence rude mais une générosité immense.
© Laurent Lefeuvre
Alain : Captain America. Pas de compromis possible avec Cap’. Même des géants comme Brubaker, s’ils ont complexifié le personnage et l’ont inscrit dans la modernité, n’ont pas fondamentalement changé ce qu’il était, ce qui le définissait. C’est quasiment le deuxième drapeau américain.
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En demandant à des dizaines d’auteurs de s’approprier l’univers de Jack le temps d’un hommage, avez-vous été étonné des choix de certains ? De voir des personnages plus prisés que d’autres ?
Mickaël : Oui, évidemment. Le Silver Surfer et Galactus sont largement plus présents que les X-Men par exemple. Il y a eu de vraies surprises et, la majeure partie du temps, des excellentes !
Alain : J’avoue avoir été surpris par la popularité du Surfer qui ne m’a jamais vraiment branché, comme personnage. Je l’ai toujours vu comme une sorte de chouineur intergalactique avec la poisse collée aux baskets ! Galactus, par contre, rien à dire. Imaginez voir Galactus pointer le bout de son casque à travers les nuages alors que vous regardez par la fenêtre. Wow.
On ne compte plus les noms qui s’ajoutent à ce projet. Comment avez-vous fait pour convaincre tout ce petit monde ? D’autant plus qu’il ne se limite pas à la francophonie, on croise des Sienkiewicz, des Victor Santos et, en dernière minute, Paul Pope… Certains sont venus d’eux-mêmes ?
Mickaël : Nous non plus, on ne sait plus combien il y a d’artistes d’ailleurs ! Il y en a du monde entier, en effet. Pour convaincre, je pense surtout qu’il faut un bon projet et montrer que nous sommes sérieux. Je pense le faire au quotidien sur Planète BD, cela m’a permis de rentrer en contact avec plein d’auteurs. Du coup, j’ai pu rapidement inviter plus d’une centaine d’auteurs à nous rejoindre, pour peu que Kirby leur parlait. D’autres sont venus parce qu’un participant l’avait averti ou grâce à l’aide de personnes bien intentionnées. C’est néanmoins plus d’un an et demi de travail, de relance et de fatigue cumulée, de joie, etc.
Alain : On a procédé graduellement en commençant par les auteurs que l’on connaissait personnellement et ensuite on a remonté la pelote, graduellement. Le fait est qu’on serait presque près à se donner une année supplémentaire pour en décrocher encore plus mais je crois qu’on peut être fiers de ce qu’on a réussi à accomplir. Depuis quelques mois, oui, on a des participants et pas des moindres qui nous ont contactés directement et ça, ça fait sacrément plaisir.
Avec des anecdotes de certains auteurs ayant eu la chance de côtoyé Kirby?
Mickaël : Oui mais là, on va laisser les lecteurs les découvrir dans le livre.
Votre activité de chroniqueurs en toute objectivité n’a pas été un frein auprès d’auteurs peut-être froissés ? (rires)
Mickaël : Franchement, on ne me l’a jamais reproché. En même temps, comme je suis quelqu’un de courageux, j’ai contacté uniquement les artistes que j’aime (rires). À ce jour, je n’ai jamais froissé personne, en tout cas pas volontairement et ce n’est pas le but lorsque l’on écrit une critique. C’est juste un avis indiquant si l’on conseille ou non la lecture, si l’on a trouvé du plaisir à lire l’ouvrage etc.
Alain : J’ai tout fait avec un pseudo. Non, c’est pas vrai ! On n’a jamais eu en tous cas de quelconque remarque vis-à-vis d’une de nos critiques.
Puis, j’imagine que, comme lorsqu’on doit faire un discours de remerciements, on passe toujours à côté de certaines personnes… qu’on regrette, par après, de ne pas avoir contacté ?
Mickaël : Evidemment ! Mais globalement, il faut dire que je n’ai pas fait de mails groupés pour proposer le projet. Je l’ai fait un par un et à chaque fois avec un message personnalisé. Parfois j’ai eu des refus, d’autres ont voulus réfléchir et souvent j’ai eu un « oui ». Et puis, il faut dire la vérité, je n’ai pas les contacts de tout le monde. Tout comme, il y a des baleines blanches, des artistes que l’on a essayé d’avoir mais c’était peine perdue d’avance.
Alain : On a toujours essayé, en tous cas. On a frappé à quasiment toutes les portes mais on n’en n’a jamais voulu à ceux qui nous répondaient non parce que pas intéressés ou par manque de temps. Il faut savoir respecter l’agenda professionnel des gens. D’autant plus que, parmi ceux ayant refusé, la quasi-totalité se démène aussi, le reste du temps, pour Hero Initiative. Mais, clairement, on va faire super attention à n’oublier personne car certains se sont démenés pour Kirby&Me alors qu’on n’avait rien demandé de plus.
Au-delà des contributions de ces auteurs, il y aura aussi du texte, la traduction de la toute dernière interview de Jack et des dessins du maîtres… dont certains rares. Comment deux Frenchies comme vous se les sont-ils procurés ?
Mickaël : Oui il va y avoir des textes. La dernière interview de Jack Kirby n’y figurera pas car elle est déjà disponible ici. Il va y avoir des témoignages des dessinateurs eux-mêmes, des moments de passion racontés, des interviews, une pièce de théâtre reproduite partiellement et oui, il y aura aussi du Kirby dedans. La majeure partie émane de nous et de nos échanges avec auteurs mais pour se procurer certains éléments comme les illustrations de Lord of Light, notre gentillesse et notre sincérité ont suffit. Nous ne sommes pas là pour paraître, on s’en fiche, on veut juste faire un livre que les fans et nous seront fiers d’avoir.
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Alain : Il n’y a pas que des dessins, en effet. On a en premier lieu les témoignages des artistes qui prennent quelques lignes pour expliquer en quoi Kirby les a marqués et aussi pourquoi et/ou comment ils ont réalisé leur contribution. Mais ce n’est pas tout, des auteurs livrent des témoignages plus longs, on a des analyses de points techniques ou sur des personnages particuliers, des photos, des tableaux… C’est un peu dingue mais hormis ajouter des pop-ups pour les enfants, je ne sais pas ce qu’on aurait pu mettre de plus.
C’est vrai que c’est incroyable mais il y a eu un effet boule de neige. Au fur et à mesure que des gens nous ont fait confiance, plus le reste c’est fait facilement. La bonne approche a été de procéder graduellement et de ne pas tenter immédiatement d’approcher les plus grands auteurs, au risque de passer pour des profiteurs. On s’est construit un socle de relations et on a aussi appris à présenter les choses, ce qui était le plus apprécié.
Vous avez eu des contacts avec la famille de Kirby ?
Mickaël : Oui avec Neal, le fils de Jack. On lui a évoqué notre projet, ce que l’on voulait faire et s’il avait dit que cela ne lui plaisait pas, on aurait arrêté aussitôt.
Alain : À quoi bon rendre un hommage si c’est pour faire grincer des dents ? C’eut été malhonnête, non seulement vis-à-vis de la famille mais aussi des participants au projet. Il fallait que chacun sache exactement dans quel cadre et à quelles fins on allait employer leur travail. Et pour graver ça dans le marbre, oui, on a établi une sorte de contrat moral avec Neal Kirby. Et on n’a pas bougé d’un iota depuis.
Aussi, vous donnez à ce projet, une dimension caritative ?
Mickaël : Dès le départ, nous aurions été malhabile de réclamer gagner de l’argent sur le dos des auteurs et in fine de Jack Kirby lui-même. Nous ne sommes pas une structure mercantile mais à but non lucratif. Notre objectif est de reverser l’ensemble des bénéfices à Hero initiative.
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Alain : Il faut savoir que, en particulier aux USA, la patrie des comics, la vie d’un créateur n’est pas simple. Payés à la planche, pas ou peu de couverture sociale, etc. Ils sont fréquemment à la merci du moindre accident de la vie : maladie, catastrophe naturelle dévastant leur maison et/ou leur studio… Hero Initiative intervient alors pour aider à payer les soins médicaux ou les réparations. Que faire quand on est dessinateur et qu’on se met à avoir de l’arthrite dans les mains ? En France, le coût moyen d’une opération pour une appendicite est entièrement pris en charge par la sécurité sociale et, éventuellement, des mutuelles coûtant 50 euros par mois. Aux Etats-Unis, c’est 10 à 60 000$, pas de sécurité sociale et une assurance santé privée (les artistes sont freelance) coûte 250$ par mois.
Ce livre a-t-il un équivalent outre-Atlantique ? Est-il du coup plus ou moins évident de séduire le public étranger ?
Mickaël : Je pense que Kirby&Me n’a pas d’équivalent dans le monde. Dit comme cela, on pourrait croire que l’on a la grosse tête mais, en fait, l’ouvrage est un hybride entre tout ce qui existe. On a mis tellement de choses dedans et trouver le moyen d’y trouver une cohésion que l’on espère l’avoir rendu suffisamment séduisant. Le public étranger est intéressé oui et pas forcément qu’aux USA d’ailleurs.
Alain : Des ouvrages collectifs du même genre, ça existe, mais avec un contenu aussi divers, des profils aussi distingués et une vocation caritative, je n’en n’ai pas vu. Il fallait surtout trouver deux malades capables de mettre autant de temps et d’énergie là-dedans, bénévolement. C’est chose faite.
Quel est votre regard sur le monde actuel du comics ? Ne se développe-t-il pas de plus en plus en France avec une volonté d’être sous influence mais aussi, désormais, de faire influence (je pense aux créations originales de Glénat) ?
Mickaël : Je vais commencer par la fin… Des créations originales ont déjà été tentées par d’autres éditeurs par le passé. Delcourt ou Panini s’y sont essayés avec plus ou moins de succès, on espère juste que la qualité soit là avec les titres Glénat Comics, c’est l’essentiel pour un lecteur (et un chroniqueur comme moi) !
Concernant l’univers des comics, il y a malheureusement un effet de loupe et certains personnages ou titres vampirisent l’ensemble de l’attention de la masse des lecteurs et ce, au détriment d’une véritable qualité. Bien sûr, plus il y a de lecteurs, mieux c’est, mais cela signifie aussi une offre plus large de comics en magasin et plus de choix à faire, donc des séries qui, si elles ne se vendent pas assez, ne seront pas publiées jusqu’au bout. C’est le cas chez tous les éditeurs, aucun n’échappe à cette règle. Faites preuve d’ouverture d’esprit et creusez, il y a du bon chez tout le monde !
Alain : Je trouve que le climat est un peu pesant. Tout le monde y va de son avis et souhaite décortiquer ce qu’il lit. C’est bien d’être exigeant mais il faut parfois lâcher prise et, par exemple, apprécier un Batman parce qu’on aime bien Batman et que l’histoire est efficace sans chercher à tout prix à trouver un double-sens métaphysique dedans.
Il y a peut-être une sorte de mouvement hipster qui s’est formé au détriment d’une approche bon enfant qui, elle-même, a été la source de comics plus complexes. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression d’avoir à choisir entre Deadpool qui fait des blagues scatos, Superman qui arrache des bras et de l’indé qui croule sous le poids de ses propres références. Il faut oser les choses aussi bien en tant que créateur que comme lecteur.
Un grand merci à tous les deux et vive Jack Kirby ! Rappelons que Kirby&Me sera un ouvrage exclusivement disponible pour ceux qui le financeront sur Ulule. Plus d’informations sur la page Facebook du projet et sur son site officiel. Preview disponible ici.
Rajoutons aussi que quelques libraires tout aussi passionnés se sont joints au projet. En Belgique, à Andenne même, Atomik Strip promet d’ores et déjà que « Kirby&Me » sera l’un des événements de la prochaine Fête de la BD, les 11 et 12 novembre prochains.
Propos recueillis par Alexis Seny
©BD-Best v3.5 / 2024 |