« Il s’étaient donné rendez-vous dans dix ans, même jour, même heure, même… Rome ». Pas si facile de se débarrasser de deux personnages aussi attachants que Marie et Raphaël, Jim l’a appris, et pas forcément à ses dépens, faisant entrer ses deux amoureux d’une nuit dans la cinquantaine. Tout un programme. Se diversifiant, Jim sort aussi un premier recueil de nouvelles parlant d’amour mais surtout des petits moments chéris (ou maudits aussi parfois) de la vie. Rencontre avec un auteur qui ne s’arrête jamais en si bon chemin même s’il aime ne pas savoir forcément où il va.
Bonjour Jim, on aurait pu se retrouver à Rome, c’était un poil trop loin, nous voici donc à Bruxelles. Elle vous inspire, cette ville ?
Bruxelles, c’est Paris en plus sympa, en plus bienveillant. Si j’ai des idées d’histoires qui s’y passeraient, on verra. En tout cas, j’ai un film en projet qui devrait se tourner ici à Noël. Mais pas destiné à représenter Bruxelles en elle-même.
Cela dès que je plonge dans une ville, pour peu qu’elle me charme, qu’il y ait des bars et des quartiers où traîner, c’est comme une malédiction qui pèse sur mon cerveau : je ne peux m’empêcher d’y imaginer des histoires!
Si nous nous rencontrons aujourd’hui, c’est pour le troisième tome et nouveau cycle d’Une nuit à Rome mais également pour votre premier recueil de nouvelles : L’amour (en plus compliqué). Au détour d’un court récit, vous y abordez l’importance de se réveiller la nuit, de prendre les choses frontalement. C’est le cas pour le couple auquel vous vous attachez mais c’est généralisable, bien sûr. Et vous, vous réveillez-vous la nuit ?
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Un peu trop souvent à mon goût. Du coup, je ne sais pas si je remets ma vie en question mais je réfléchis surtout à des points de détail de mes scénarios, je dénoue et teste des pistes. La nuit, c’est l’occasion de penser au-delà des questions qui me sont personnelles. Puis, en général, c’est de cette manière que je me rendors assez vite. Enfin, touchons du bois, pour le moment, je dors assez facilement. Puis, je me suis habitué à faire une sieste d’une heure dans l’après-midi. Une sorte de méditation pour faire le point et me sortir de l’énergie de la journée.
Cela dit, j’ai pas mal écrit le soir et dans mon lit, des idées, des bouts de dialogues que je notais et m’empressais de renoter au propre, de retravailler et de faire mûrir quand mon réveil sonnait, sur le coup de 6h. Jusqu’à 9h. Après quoi, je basculais sur Une nuit à Rome.
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Ces dialogues, ces morceaux d’histoire, ils donnaient lieu à plusieurs pistes de nouvelles ou ils n’en concernaient qu’une seule ?
Oui, j’étais pris par l’excitation de mener à terme mon récit, de le peaufiner avant d’en attaquer à une autre. Je suis bien aidé par cette capacité du cerveau à s’immerger totalement et à mener une piste à bonne fin, jusqu’à boucher le vide qui pouvait perdurer sur le disque dur.
On parlait de se réveiller la nuit. Encore faut-il dormir ! Ce n’est pas vraiment le cas de Raphaël, votre personnage masculin d’une Nuit à Rome qui va encore faire des folies !
Ah, Raphaël ! Il court après l’idéal amoureux qui est aussi l’art de se compliquer la vie. C’est un naïf qui veut vivre sa grande histoire d’amour. Il a bien une vie normale mais ce besoin de grand amour l’emporte toujours vers l’inconnu.
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Vous le retrouvez donc, tout comme Marie pour un deuxième cycle d’Une nuit à Rome. Ce qui n’était pas vraiment programmé au tout début de cette histoire qui d’un cycle est devenu une saga, comme vous l’appelez. Le lecteur vous y a poussé ?
Il a sa part de responsabilité, c’est vrai, de par son intérêt pour les personnages et leur vie après Rome. Mais, Marie, c’est un personnage qui me colle à la peau et que je n’ai plus jamais lâché.
Puis, il se fait que j’ai passé le cap fatidique des 50 ans, ça m’aidait à envisager mes personnages, dix ans plus tard. J’avais la base mais j’ai avancé dans l’histoire sans savoir où elle mènerait. Une situation sans fin. C’est une position délicate pour un auteur, loin des démarches naturelles de création d’histoires. Il y a une vraie possibilité de se piéger, de retourner le problème dans tous les sens pour savoir comment finir. Car si j’ai ce besoin de ne pas savoir où mon récit va, j’aime que le récit soit structuré. Il s’agit donc de mêler la structure, la courbe du récit au danger, au déséquilibre.
Le découpage du tome 4 © Jim
Avec mon éditeur, on s’amuse à partir sur une idée de départ pour ensuite laisser le cheminement se faire et retomber sur ses pattes. En fait, c’est un jeu de tricot, pour structurer le récit, je lance des fils et il m’importe qu’ils se réunissent afin que tout se boucle. Comme si tout avait été pensé dès le départ alors qu’il n’en est rien. Les notes éparpillées dans mes fichiers en témoignent. C’est ludique et ça me permet d’échapper à la routine, j’ai besoin de ne pas savoir où je vais pour me lancer dans une histoire.
Pourquoi Rome, du coup ? Vous auriez pu changer de ville. Il y a tant de suite de films portant le nom d’une ville et qui finalement s’en échappe !
Oui, sauf que je prends Rome comme une contrainte mais aussi un moteur donné par le titre. Ça coulait de source ! La suite en elle-même, moins. Avec un tome 1, il s’agit de surprendre positivement, de réussir son coup et d’emballer le public pour qu’il vous suive un pas plus loin. Après, c’est compliqué d’imaginer une suite ; il y a une attente du public, cette nécessité de surprendre avec un cahier des charges défini : des lieux, des personnages…
© Jim
C’est ce pourquoi il m’a fallu deux ans pour élaborer le tome 3 et qu’il m’en faudra certainement moins pour le 4. Il y avait plus de pression et je ne pouvais pas m’engager dans une suite qui ne me semblait pas naturellement indispensable. D’où ce pitch : « peut-on revivre deux fois certaines choses? », c’est une question légitime mais le postulat ne va pas de soi.
L’idée est de voir comme cette histoire d’amour fantasmée a ses implications dans la vraie vie. Je voulais faire écho au tome 1 en utilisant Rome, forcément, mais aussi une fête d’anniversaire, le fait que chacun des deux personnages principaux est dans le doute et ne sait pas si l’autre viendra effectivement au rendez-vous.
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Et, une nouvelle fois, c’est ce pacte passé entre les deux personnages qui va les y conduire… ou pas. Et l’ère du mobile se fait plus que jamais sentir. Parce que dans ce tome 3, vous ne leur laissez même pas l’opportunité d’un seul moment ensemble.
Non, ils ne se voient pas, il leur fallait bien un moyen de communiquer. J’aime notre époque, aussi dure soit-elle, mais ces portables sont un moyen de communication intéressant qui n’empêche pas certaines bourdes et interprétations. Vous rendez-vous compte que certains vivent une histoire d’amour par téléphone, sans jamais se voir ?
Puis, il y a ceux qui draguent intempestivement sur les réseaux de rencontres, couchent ensemble et puis s’oublient en pensant déjà à d’autres. C’est la réflexion amenée par une autre de vos nouvelles qui se termine par une phrase choc : le coeur en mode avion.
Un téléphone, c’est froid, métallique, très cérébral. Le coeur, lui, il appelle la chair.
Dans vos œuvres, il y a souvent de grandes cases, s’ouvrant sur de grands décors ou de grandes scènes, vous aimez ça, non ? Que permettent-ils ? Ce sont des portes ouvertes pour faire croire au lecteur qu’il participe encore plus à l’histoire ?
Oui, ça aide à nous plonger dans le récit. Et puis, les petites cases je les réserve à du temps rapide ou du temps qui a moins d’importance, les grandes cases à des moments forts…
© Jim
On a parlé de Raphaël. À côté, il y a Marie. Et si vous rencontriez une femme comme Marie dans la réalité, que se passerait-il ? Seriez-vous comme Raphaël ?
Je ne sais pas répondre à cette question, et je tiens à garder la stabilité de mon couple… (Rires)
Marie truste en tout cas l’attention, comment expliquez-vous qu’elle soit devenue culte, si chère à beaucoup de vos lecteurs ? Ce n’est tout de même pas la première héroïne que vous imaginez.
Je crois qu’elle a un pouvoir spécial, qui doit rejoindre un fantasme dans l’imaginaire collectif masculin… et puis, ce côté vénéneux croisé avec l’innocence de petites tâches de rousseur, c’est souffler le chaud et le froid, non ?
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Je me suis laissé dire que ça n’a pas été évident d’accepter de la voir vieillir.
Marie, c’est un de mes personnages fétiches. Elle passe dans beaucoup de mes illustrations et j’irai jusqu’à dire que son âge n’est pas dessiné. Elle est iconique, proche de Sophie Marceau et de son physique extraordinaire. C’est une femme telle qu’on peut se l’imaginer quand on ne veut pas la laisser s’échapper, qu’on va courir après. Peut-être a-t-elle ses défauts mais on ne s’en rend pas compte. Et c’est ce qu’il m’est arrivé avec Marie. J’ai eu du mal à marquer le temps qui passe, c’était un combat pas forcément évident. Je n’ai pas encore assez de talent à ce niveau-là. Si bien que sa vieillesse oscille, plus ou moins marquée au fil des passages de ce troisième tome. Pour le tome 4, je me suis engagé à réussir à la faire vraiment vieillir. Certains lecteurs m’ont fat remarquer que Marie devait certainement faire des teintures. En tout cas, je ne me suis pas résolu à lui faire des cheveux gris.
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Ce n’est pas le cas de Raphaël.
Avec lui, c’est différent, il est inspiré d’un ami qui a accepté de poser physiquement pour moi. Dans ce cas, j’ai sa vieillesse sous les yeux. Ça aide !
Sinon, j’observe les gens et j’ai remarqué deux tendances. Il y a les quinquagénaires qui se voient comme des quadras ou même des trentenaires, refusent leur âge et sont des espèces d’ados attardés ayant des difficultés à être en phase. Ce refus passe par le physique forcément. Puis, il y a les quinquas qui font leur âge, l’ont accepté et la vie continue.
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Comme vous qui, en plus, vous donnez de nouveaux défis.
C’est excitant, non ? À 52 ans, je sors mon premier livre et deviens directeur de collection. C’est nouveau et frais. Puis, même quand je refais la même chose, je parviens à trouver des chemins différents. Il m’importe de trouver l’angle.
Le Grand Angle, en tout cas, vous l’avez trouvé. D’ailleurs, ces personnages, vous y mettez de vous aussi ? Quelles qualités ont-ils qui sont les vôtres ? Et quels défauts ?
Ils doivent avoir tous mes défauts, et quelques rares qualités. J’espère qu’ils ont de l’humour, et l’envie de parler vrai, de ne pas être dans les faux-semblants. J’espère qu’on partage la même aspiration pour la sincérité…
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Ce troisième tome est peut-être un peu moins bien accueilli par certains que la première mouture. La surprise est passée ?
Très honnêtement, je craignais que ce soit le cas, et je ne l’ai pas vraiment senti, ou en tout cas tellement moins que je pouvais le craindre. Et quoi qu’il en soit, c’est normal. Un premier tome, c’est une surprise, il y a tout à découvrir. Le tome 2 était pour certains moins bien que le tome 1, alors qu’il me semble que les tomes 1 et 2 sont indissociables. Et je pense que le tome 1 est meilleur que ce tome 3, oui. Ses interrogations ne sont pas les mêmes, et les personnages ont vieilli, ce qui casse un peu l’entrain des personnages. Et puis j’ai transpiré sur le scénario, je me suis donc efforcé d’assurer le plus possible sur le dessin. Mais le 4 – et je ne le dis pas de façon publicitaire, juste parce que c’est mon ressenti et celui de ceux qui ont lu le scénario – sera une belle façon de tout boucler, l’album sera riche et retrouvera aussi de ces grandes cases qui donnent à vivre, qui manquent un peu dans ce tome 3. J’ai vraiment hâte qu’il soit lu et découvert. Ah ah, vous allez voir ce que vous allez voir !
Pas de troisième cycle pour Une nuit à Rome, alors ?
Il pourrait, mais le moi d’aujourd’hui pense qu’il ne faut pas… et n’en a pas envie… Mais qu’est-ce que je penserai dans dix ans ? En vérité, aucune idée… mais j’espère que je serai passé à autre chose…
Ou à un film ?
Tournage printemps prochain si tout va bien, tout avance bien. Croisons les doigts !
Ce qui me sidère le plus avec vous, c’est votre amabilité, votre cordialité face à des internautes (et lecteurs ?) parfois cinglants par rapport à ce que vous faites, là où certains auteurs évitent catégoriquement les réseaux sociaux et les forums. Vous vous y répondez. Même quand les remarques ne sont parfois pas agréables, quand certains parlent de vous comme du Marc Lévy de la BD, et pas en positif. Vous comprenez ces critiques (faciles)?
Oh, mais ça a dû m’arriver tellement rarement de tomber dessus, à vrai dire. Et pourtant, j’essaie de tout lire ! Mais oui, si je peux je réponds, bien sûr. Je ne peux pas ne pas répondre. Dans ces cas-là, je me dis que c’est surtout quelqu’un qui ne m’a pas lu, ou à un rejet pour une mauvaise raison. Non que je prétende faire oeuvre exceptionnelle, mais je suis plus sombre et tordu que ce qu’on peut croire au simple feuilletage, donc je ne me reconnais pas dans l’idée d’un truc culcul.
© Jim
Mais bon, si ça en défoule quelques-uns, qu’est-ce que j’y peux ? D’une façon plus globale, j’aime beaucoup les critiques, je cherche tout, je veux savoir, comprendre, analyser comment ce que j’ai voulu faire est perçu… Et si, au final, ça peut m’aider à m’améliorer, il faudrait être idiot pour s’en priver…
Ce recueil de nouvelles, c’est une manière de vous donner l’opportunité de raconter plein d’histoires que vous n’auriez sans doute pas eu le temps de traiter sur le long cours ?
C’est venu de ce recueil d’histoires en BD, De beaux moments. Des histoires courtes qui me permettaient d’aborder plein de sujet. Ma consigne était donc de ne pas partir sur du plus long… et de me séparer du dessin. Là où ce que j’avais écrit jusqu’ici était toujours transformé : en dessin, au cinéma. Ici, je me donnais l’opportunité de garder l’idée première.
Un certain Maxime apparaît dans deux nouvelles, hasard ou même personne ?
Hasard ! Je me suis obligé à ne pas faire de pont dans mon esprit. Je suis quelqu’un de radical : si je fais un pont, je vais avoir tendance à vouloir en faire partout et tout le temps. Il y avait déjà suffisamment de contraintes comme ça. (Il rit.)
Mine de rien que ce soit dans Une nuit à Rome ou dans d’autres de vos histoires, vous aimez donner des rendez-vous. Encore plus quand ils sont mystérieux et gardent une part de mystère. Une certaine fascination ?
C’est sans doute un marqueur du récit, une façon de créer un petit suspense… je ne sais pas exactement, je n’y ai jamais pensé. Rendez-vous pris pour un psy pour réfléchir à tout ça…
© Jim/Delphine chez Grand Angle
Si Marie et Raphaël se donnent un autre rendez-vous dont vous avez le secret, il y en a aussi dans L’Amour (en plus compliqué). Et notamment dans ce rapport de force inversé entre un homme et une téléphoniste qui veut lui proposer on-ne-sait-quoi. C’est du testé et approuvé ? Vous aussi, vous avez déjà « dragué » des téléphonistes ou les avez piégées ?
J’en ai déjà piégé, effectivement, mais plus maintenant. Aujourd’hui, c’est quasi tous les jours, ça a beaucoup perdu de son charme… Le temps où c’était rare – donc précieux – est révolu…
L’amour (en plus compliqué). Ce titre, vous l’avez trouvé en collaboration avec les lecteurs, et en particulier ceux qui suivent votre blog !
Le champ artistique est tout sauf démocratique ! Alors j’essaie d’y pallier. Le titre que je préférais, dans un premier temps, c’était « Tous les soirs, on fera la java ». Ça m’évoquait les Bronzés. Force est de constater que les lecteurs n’y ont pas vu cette référence mais un côté désuet qui ne les emballait pas. Il y a des surprises parfois entre l’effet qu’on imagine sur le public et le ressenti réel de celui-ci. D’où l’importance de tester.
Je procède comme ça aussi avec mes scénarios. Ainsi, j’ai envoyé le scénario d’Une nuit à Rome 4 à certains lecteurs. C’est une manière de recenser tous les défauts, de recenser les failles. Je veux en régler un maximum avant la sortie. En bref, l’équivalent des projections-test du monde cinématographique. Au final, je n’en fais qu’à ma tête, je choisis si je suis une remarque ou pas, mais ça vaut le coup ! Je suis un vrai retoucheur. Sur ce troisième tome, j’ai passé six mois à peaufiner. Je veux à tout prix éviter la situation où par manque de temps je dois tout laisser filer trop vite.
La couverture aussi, c’est un sacré chantier. Vous en avez imaginés une trentaine avant de vous arrêter à celle qui vous semblait la meilleure.
Une couverture, c’est un bout de vous-même, c’est vital de trouver la meilleure possible, celle qui captera le potentiel lecteur et qui sera capable de vous plaire quelques semaines, voire des mois.
© Jim
On en a parlé, l’internaute peut vous suivre assez régulièrement sur votre blog. Et vous lui donnez de bonnes raisons de le faire, avec des morceaux de planches, des détails sur l’évolution de vos projets. Vous avez fait de même avec vos nouvelles. Les réactions de vos « followers » étaient-elles différentes face à ce changement de médias ?
Je pense que l’attrait du dessin reste toujours quelque chose d’un peu à part, mais j’ai la chance d’être suivi par des lecteurs pour qui le récit est important. Ils suivent donc dans l’autre camp ma nouvelle façon de raconter des histoires, et merci à eux. J’aime beaucoup le contact avec les lecteurs, que ce soit en dédicaces, via le blog, ou ceux qui ont la gentillesse de m’écrire spontanément. Il n’y a pas ce côté de l’artiste intouchable face à un public représenté par des chiffres, mais bien des échanges entre personnes. Et toutes ces rencontres sont très emballantes, je ne suis pas certain que les lecteurs se rendent compte combien ça peut compter pour les auteurs… c’est un vrai moteur !
Entre l’exercice de la nouvelle et l’écriture d’une BD dans ses dialogues, ses cartouches, qu’est-ce qui est le plus exigeant ? De même écrit-on les dialogues au sein d’une nouvelle de la même manière que dans une bulle, ou faut-il veiller à d’autres choses ?
C’est à la fois la même chose et complètement différent. Dans un scénario, on se fout du descriptif, il sera dessiné. En écriture pure, le descriptif c’est autant du dessin que du dialogue, c’est du style, de la narration, des émotions. Et ça, c’est passionnant.
En tout cas, avec ce passage au roman, sans image, vous n’avez pas perdu votre habitude d’insérer ces bonnes vieilles citations. D’où vous vient ce réflexe ? Qu’est-ce qu’une bonne citation ?
Quelque chose qu’on a envie de noter, en se disant que ça nous servira un jour prochain dans la vie, je suppose ? Et puis, parfois ça claque bien, et c’est suffisant. Une citation, ça ne reflète parfois pas du tout notre pensée, mais si joliment bien écrit que c’est formidable : « Il y a des temps où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux« . C’est du Chateaubriand, à mille lieues de ce que je pense, mais tellement bien dit !
© Jim
Le secret, c’est de toujours débuter, dites-vous. Cette fois, en tant qu’éditeur pour cette nouvelle collection de romans chez Grand Angle. Que pouvez-vous nous en dire ? Des projets sont déjà signés ? Quelle littérature attendez-vous ? Qui y trouvera sa place ?
Ceux qui ont de bonnes histoires, mais surtout celles qui me toucheront. Je veux être dans l’intime, dans le touchant, et que la forme possède la grâce ; noble ambition !
Vous avez reçu beaucoup de manuscrits ?
Ça commence, et de plus en plus. Jusque-là, c’est parfait, c’est à mon rythme.
Pour ouvrir le bal, il y a votre recueil mais aussi celui d’Ulysse. Et j’ai l’impression que vous êtes encore plus fou de joie pour lui que pour vous ?
Ah mais carrément. Je fais un pas en arrière et ce qui m’importe, c’est que son livre trouve sa place. Parce qu’il est fondamentalement écrivain, il vit dans les livres (ndlr. Ulysse est notamment libraire) et pour les livres, et parce qu’il est doué pour ça.
Parlez-nous un peu d’Ulysse ? Le virus de l’écriture et des histoires, c’est vous qui lui avez transmis ?
Je pense que c’est sa mère, surtout. Pour ma part j’insufflais plutôt le souffle des scénarios, des textes destinés à être dessinés ou filmés… et ma fille tient un blog où elle fait des critiques de livres… Comme quoi, le livre est partout dans la famille.
Il a vraiment fait sa crise de la vingtaine ?
À ce que j’ai lu, on dirait bien que oui…
Votre avis sur son livre ?
Autant demander à une mère si elle aime son enfant… (rires) Restons pudiques, voulez-vous !
Par ailleurs, si on faisait dialoguer les deux titres, Plein de promesses et L’amour (en plus compliqué), on sent la jeunesse naïve de l’un et la maturité expérimentée de l’autre non ?
C’est bien vu, je n’y avais pas pensé. Belle observation, il y a de ça ! Vivement qu’avec l’âge la sénilité me gagne, et je retrouverai un peu de l’élan de l’adolescence peut-être ?…
Dans Une nuit à Rome, tout a commencé par cette rencontre entre Marie et Raphaël. Et la jeune femme qui demandait à Raphaël s’il croyait en l’amitié homme-femme, sans ambiguïté, sans sexe… Pour le coup, c’est râpé et vous le prouvez depuis 300 planches, non ?
Vaste question. Honnêtement, je ne sais pas. Je pense qu’une amitié homme-femme est compliquée. Elle est possible mais je crois aussi que la question du sexe se posera inévitablement s’il y a la moindre attirance. Bon, moi, je reste spectateur, on fera le point en fin de vie.
À choisir, plutôt amour ou amitié ?
Pour ma part, amour, sans hésiter. Tous les avantages de l’amitié, le sexe en plus…
Comment expliquez-vous les nombreuses vies culturelles de vos personnages, eux qui sont timbrés, « puzzlés » et bientôt au cinéma ? Ils avaient un potentiel de déclinaison que vous n’aviez pas perçu ?
C’est du pur jeu. Que dire de plus ? Chaque proposition de création est une rencontre, et tant que c’est amusant, impossible d’y résister, j’avoue…
Des timbres collector avec La Ribambulle
Marie en puzzle
Et d’autres projets cinématographiques ?
Certains avancent, d’autres reculent. C’est un jeu opaque et passionnant, mais éreintant et interminable. Mais ce qui compte, c’est que certains avancent, semaine après semaine. Mais restons prudents et touchons du bois…
Notamment un projet avec un réalisateur de Los Angeles ? Alors, ça y est, vous arrivez à Hollywood ?
Ah mais vous êtes bien informé, dites donc. Là aussi, on est sur un tournage au printemps 2019.
Des coups de cœur récents (ou moins) en BD, films et que sais-je encore ?
La série Bron, La casa del papel, j’ai essayé de ne pas aimer, mais c’était très bien. En film, Mustang vu sur le tard était magnifique !
Et sinon, la suite ? D’autres projets en BD ?
Plein ! Dont Détox à sortir l’année prochaine, avec le jeune et fougueux Antonin Gallo. Nous avions déjà un projet ensemble, Journal de tes rencontres, mis de côté pour basculer sur Détox.
© Jim/Gallo
Et un autre avec Jean-Marc Ponzio ?
C’est en projet aussi, mais nous prenons du retard…
Par ailleurs, où est passé Téhy ? Reviendra-t-il un jour ? Ou la vie d’humains comme les autres, sans action testostéronée ou sans science-fiction, a votre préférence ? Pourquoi ?
Oui, elle a ma préférence, actuellement ; à part Premier Contact, le cinéma fantastique ne m’excite plus l’imaginaire au cinéma. Les Marvel proposent des pitchs d’une nullité assommante. On a remplacé les astuces de scénarios par du mouvement. Ça bouge, constamment, pour masquer la vacuité des enjeux. Et je pense que la bd fantastique a aussi un peu perdu de son intérêt : avant le cinéma ne parvenait pas à tout rendre, mais la bd le pouvait. Maintenant, l’immersion en bd est quand même nettement moins forte. Mais en réalité, c’est une question de goût, d’évolution, simplement.
Enfin, en Belgique, vous avez malheureusement fait l’expérience d’un faussaire tentant de vendre une pâle copie d’une de vos héroïnes sur un site ? Il y a ceux-là et ceux qui vendent des dédicaces tout juste obtenues. À cela s’ajoute la demande croissante d’un salaire pour les auteurs en dédicaces ou des dédicaces payantes. Quel est votre point de vue sur ce (vaste) débat ?
Un faux Jim
Je suis pour qu’on arrête de demander aux auteurs de venir gratuitement dans des salons, ce n’est plus vraiment possible. Il va falloir trouver une économie pour y palier. Pour ma part, j’ai trouvé un équilibre en proposant des dessins aux lecteurs, mais ces dessins demandent du travail en amont. Les lecteurs à présent jouent aussi un rôle primordial en soutenant les auteurs qu’ils apprécient, en achetant une case, une planche, une couverture, mais bien évidemment tous ne le peuvent pas. Ceux qui le peuvent ne se rendent pas forcément compte combien ils aident les auteurs. Mais ça crée une inégalité entre auteurs, inévitablement. J’espère qu’on arrivera plus facilement à trouver une économie pour les salons payants, et que les auteurs y seront bien représentés (et non en fonction du nombre de leurs ventes).
Merci Jim et à la prochaine, à Rome ou ailleurs !
Propos recueillis par Alexis Seny
Série : Une nuit à Rome
Tome : 3
Scénario et dessin : Jim
Couleurs : Delphine
Genre: Romance
Éditeur: Grand Angle
Nbre de pages: 94
Prix: 18,90€
©BD-Best v3.5 / 2024 |