En 1948, dans la foulée de la guerre et de la découverte de la Shoah, un comité de rédaction exceptionnel dirigé par Eleanor Roosevelt et René Cassin tentait de rédiger la toute première déclaration des droits de l'homme à vocation universelle. Cet évènement s'avérera être une confrontation constante entre plusieurs visions du monde : Orientaux et Occidentaux, Américains et Européens, Nord et Sud... Cette bande dessinée revient sur l'histoire de cette équipe qui a couché sur papier un rêve commun : un monde dans lequel l'homme ne serait plus une proie pour l'homme.
Qui a eu l’idée de la création de ce livre ?
C’est David Vandermeulen, le directeur de la collection qui définit avec Nathalie Van Campenhoudt, l’éditrice, la stratégie de la collection. C’est lui qui a songé à traiter ce thème. Très vite, le nom de François De Smet a été proposé par un autre auteur de la collection. David et Nathalie sachant que j’essayais de développer péniblement et sans succès un sujet traitant de la notion individuelle de la démocratie ont pensé à moi pour illustrer le texte de François sur l’histoire des droits de l’homme.
Qu’avez-vous appris lors de l’élaboration de ce livre ?
C’est une excellente question que l’on m’a déjà posée mais j’avoue que je ne sais pas vraiment répondre car j’ai travaillé pendant dix-sept mois dans les textes et la recherche de documentation et j’admets que je ne sais plus très bien ce que je savais avant de débuter le livre par rapport à maintenant. Par contre ce que je sais, c’est qu’il y a eu des moments lumineux comme des moments extrêmement émouvants lorsqu’il s’est agi de glaner de l’information sur la période Hitlérienne et sur le génocide. C’était vraiment éprouvant pour moi de coopter les photos et de choisir laquelle dessiner, émotionnellement il faut digérer cela quand on dessine un amas de lunettes, un amas de cheveux voire des centaines de touffes de cheveux, c’est extrêmement éprouvant pour quelqu’un de sensible comme moi. Disons que l’un dans l’autre, je suis très fier d’avoir pu faire ce livre. Cela m’a permis de rafraichir ma mémoire personnelle sur la façon et les contextes dans lesquels les droits de l’homme ont été pensés et écrits, le contexte dans lequel cette charte a été négociée entre les différents pays car il y a quand même des notions différentes entre les notions occidentales et orientales. Par exemple, la place de la religion n’est pas du tout la même en Occident qu’en Orient, ce qui est très bien signalé dans le livre. C’est un vrai travail de diplomate et de philosophe que de travailler sur un aménagement pertinent de toutes ces données et de rassembler quelque chose de clairement fondateur de manière universelle afin de créer un texte qui puisse couvrir l’ensemble du monde pour qu’il soit une recommandation applicable partout dans le monde, c’est quand même une véritable avancée.
Photographie d'une planche à l'exposition (photo par Alain Haubruge).
Comment peut-on aborder ce livre ?
Je pense que cette bande dessinée est une piqure de rappel pour tout le monde. Un de nos objectifs est de trouver un moyen de fonctionner avec les écoles. Moi j’ai très envie d’aller parler de ce livre et je pense que François De Smet également. C’est important d’entretenir la conscience et l’exercice au quotidien des droits de l’homme, que les gens se rendent compte de ce que cela implique et veut dire l’exercice de la compréhension des droits, de leur respect pour chacun d’entre nous. Lorsque certains politiques aux vues étroites et simplistes cherchant surtout à gagner de l’électorat plutôt que de veiller au bien-être du plus grand nombre, la tentation est souvent très grande de raconter n’importe quoi sur l’immigration et sur ses dangers alors qu’en fait, nous ne sommes pas dans une période en Occident où l’immigration est la plus forte si on compare avec les années quatre-vingt-dix lors de l’immigration due au conflit en ex Yougoslavie ou elle était beaucoup plus importante. Cela n’a posé de problèmes à personne et je pense que l’on raconte souvent n’importe quoi par rapport à l’immigration dans des buts électoralistes discutables et il est bon que l’on rappelle avec les moyens mis à notre disposition quels sont les droits, pourquoi cela a été créé, à quoi cela sert. Finalement, c’est une notion vivante qui est un exercice permanent. Le socle est peut être gravé dans la pierre et le marbre mais à partir de celui-ci, on peut faire évoluer et développer ce texte de génération en génération. C’est un texte que l’on peut développer afin d’en faire quelque chose de plus complet pour permettre de faire face aux problèmes de notre temps. En 1948, on ne parlait pas tellement du droit des homosexuels ni d’autres grands thèmes de notre époque. Justement dans cette dynamique, je ne serais pas surpris de voir plusieurs livres sur ce thème apparaitre dans les prochaines années car c’est un besoin réel.
Thierry Bouüaert et François De Smet
Quelles sont vos attentes concernant cet ouvrage?
Mon plus grand souhait est que toute personne intéressée par ce thème puisse s’approprier ce livre.
Propos recueillis par Haubruge Alain.
« Les Droits de l’Homme » de Thierry Bouüaert et François De Smet.
Exposition au Musée de la BD à Bruxelles espace Gallery jusqu’au 05 mars 2017.
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