Faire bande à part, ça peut être un inconvénient. Sauf qu’ici, c’est un sérieux avantage. Depuis quelques années, l’éditeur hennuyer David Canion (également auteur de BD) a lancé sa propre maison d’édition. Petit à petit, l’oiseau fait son nid et compte désormais douze publications, tous azimuts. Lors de la dernière Fête de la BD d’Andenne, les Éditions Bande à Part étaient fidèles au rendez-vous, l’occasion de vous les présentez un peu plus.
© David Canion aux Éditions Bande à Part
Bonjour David, a priori, vous êtes dessinateur mais assez loin des planches de BD, non?
En effet, au départ, je suis dessinateur industriel. Des plans de tuyauterie, de gainage. Aussi et surtout pour des industries pharmaceutiques comme Baxter, pour Engie Axima aussi. Au rayon des insolites, j’ai également réalisé des plans pour la base où a été propulsée la fusée Ariane et des grandes banques en Pologne.
Qu’est-ce qui vous a mis sur la trace du Neuvième Art, alors?
Gaston, c’est lui qui m’a donné envie d’en faire quand j’avais 15 ou 16 ans. Par son humour puis par sa distraction. Distrait, je l’étais, certains de ses gags auraient très bien pu m’arriver.
Hommage à Franquin © David Canion
Puis, je suis tombé un peu plus dans la BD quand mes parents se sont séparés. Je me suis enfermé dans ma chambre et j’ai passé le temps en dessinant et en reproduisant les planches de certains auteurs qui m’inspiraient. Comme Goffaux ou Foerster. Plus tard, j’ai suivi les cours aux Arts et Métiers de Jemappe. Parmi mes profs, un certain Sabri Kasbi, que j’ai retrouvé pour éditer ses albums. Après quoi… je suis resté dix voire quinze ans sans rien faire en BD. Je travaillais à Bruxelles, je n’avais plus le temps. Jusqu’à ce que je revienne à Manage, non loin de chez moi. Un peu plus de temps libre et ça m’a redonné goût à la BD.
Plutôt papier ou palette?
Je vais laisser tomber la palette pour le troisième tome des Poêleurs. Le papier me manque. Après, la palette, c’est nickel, les traits sont nickel.
© Bruno Catry et David Canion aux Éditions Bande à Part
L’idée de créer vos éditions est venue de suite?
Bien sûr, j’ai tenté d’approcher des éditeurs avec mes projets. Notamment avec les poêleurs, ma BD sur les personnes qui font de la détection. J’ai présenté la série partout, sans succès. Du coup, pourquoi ne pas créer mes propres éditions? Les Éditions Bamboo ont bien commencé en éditant des cartes postales, aujourd’hui, elles rachètent Fluide Glacial. Moi, je suis un grand éditeur… d’1m88 (rires). Mais non, de un, je ne joue pas dans la même cour que les éditeurs de premier plan; de deux, je ne me veux pas être un éditeur au sens où on l’entend. Je veux éditer avec le coeur malgré le coût. Je reçois une centaine de projets par an, du bon, du mauvais. Je fonctionne au coup de coeur tout en essayant de favoriser l’originalité. Je veux que mes auteurs se lâchent, qu’ils fassent leurs albums comme ils le veulent. Il n’y a ni délai, ni pression, si ce n’est celle qu’on se met toujours inévitablement.
Du coup, je me suis lancé en mars 2013, poussé par mon épouse et suscitant un énorme prêt. Les débuts sont durs, mais peu à peu, on commence à en parler. Dans les salons, certains râlent sur le fait que je sois présent, tenir est ma petite fierté. Je n’ai pas de distributeurs mais les gens qui vendent nos albums nous soutiennent bien. Dans le cas des Poêleurs dont Bruno Catry [encore un que j’ai rencontré à Jemappe] imagine les gags, cette BD est un peu devenue la BD officielle des fans de détection, présentes dans les magasins jusqu’à… Marseille! Mais c’est assez comique, j’ai été invité au salon de détection de Paris, j’y étais comme une star. Il y avait une file devant ma table de dédicaces. On m’a même offert un appareil de détection. Je ne suis pas un acharné mais je fais quelques sorties. Puis, c’est quand même assez réglementé.
© Bruno Catry et David Canion aux Éditions Bande à Part
Autre aventure, celle avec l’humoriste et comédien Renaud Rutten!
Oui! Au plus, j’entendais ses blagues à Radio Contact, plus je me disais que je les verrais bien en BD. Je lui ai lancé un appel et il a accepté qu’on travaille à deux sur une bande dessinée. C’est un gars super, on ne sait jamais quand il est sérieux. Dans cet album, nous avions innové et glissé des codes-barres que le lecteur pouvait scanner pour ainsi entendre la blague telle que racontée par Renaud.
Dans votre « Bande » ici présente à Andenne, on retrouve aussi Sabri Kasbi.
Oui, un auteur complet, il m’a proposé son projet à un moment où je ne pouvais pas le réaliser? Son aventure a mis neuf ans pour être publiée et, au final, elle est parue pile-poil en lien avec l’actualité puisque Le roi de la mer aborde la réalité des migrants et des passeurs. Sabri, c’est un passionné de la Ligne Claire. Il m’a appris la mise en page, la narration, les règles.
Dans ma « Bande », il y aussi le scénariste Derache et Gao, le dessinateur d' »Éternellement Vôtre ». Un super dessin qui n’est pas donné à tous. Je suis un peu jaloux, j’avoue (rires). À côté de ses deux premiers albums, il adore l’héroïc fantasy! Il peut tout dessiner.
Puis, il y a Grégory Lange qui dessine Ernest. Je lui avais fait la promesse que je le ferais. Je n’ai pas de limites, en tant que dessinateur, je suis de toute façon dans le même bain qu’eux.
Quels sont les projets, du coup?
Les P’tits poêleurs viennent de sortir. C’est une récréation, deux enfants qui arrivent dans le monde de la détection, gags à l’appui. Après avoir vendu 4000 tomes 1 et 2 des Poêleurs, je vais m’attaquer au troisième tome.
Puis, il y aura Thomas « Tom » Borgniet et Walter Genius, les aventures d’un savant fou, plus pour les enfants.
Faz prépare la suite de Lili et Crok, cette petite fille qui vit avec un monstre… pas comme les autres.
Enfin, il y aura aussi une série avec des sorcières, les Chauspailles. Trois soeurs sorcières, une série de gag en continuité. Le tout dessiné par Didot, un gars des Ardennes, un ami de Gao qui en fera les couleur.
Puis, c’est la bonne nouvelle, nous aurons peut-être enfin un diffuseur pour la Belgique, de quoi nous retirer une épine du pied. On verra mais il y a de l’espoir. En tout cas, on avance. Avec douze publications à ce jour, nous sommes plus sérieux que quand nous n’avions que deux albums.
Gageons qu’il y en aura de plus en plus, merci David et longue vie à Bande à Part.
Pour tout savoir sur les Éditions Bande à Part, rendez-vous sur: www.editions-bap.com et sur Facebook
Propos recueillis par Alexis Seny
©BD-Best v3.5 / 2024 |