« - En Mai 1968, il s’est effectivement passé un truc lamentable… dont je fus l’un des lamentables acteurs. Nous nous sommes réunis avec quelques dessinateurs et nous sommes tombés dans le piège de la contestation à tous crins. Goscinny est tombé dans un véritable traquenard car, à l’époque, il représentait le patron. » Jean Giraud.
Que s’est-il passé le 21 Mai 1968 et qui est resté dans les mémoires de la bande dessinée ?
Christian Kastelnik a réalisé un véritable travail d’investigation. Simple, précis, objectif, ce petit livre est un exemple de travail journalistique. Préfacé par Nikita Mandryka, il décrit avec minutie tout ce qui s’est déroulé ce jour où René Goscinny a été convoqué par des auteurs du journal Pilote dont il était le rédacteur en chef dans la brasserie de la Rotonde des Tuileries en Mai 1968. Mezières, Christin, Giraud, Le Goff, Charlier et tous les autres membres de la vie de l’hebdomadaire deviennent les personnages d’une enquête menée, minutée et décryptée par l’un des plus grands spécialistes de l’histoire du journal Pilote.
En quatre chapitres, l’« affaire » n’aura plus de secrets pour personne. Le chapitre 1 est une immersion dans l’époque et l’air du temps : Mai 1968, un mois et une année qui sont dans toutes les mémoires. Le chapitre 2 raconte la fameuse réunion. Les acteurs sont introduits un à un. La crise monte crescendo jusqu’à son paroxysme et son issue. Le chapitre 3 recense les témoignages des uns et des autres. On y descelle les caractères de chacun des protagonistes. Celui qui résume le mieux la situation est certainement Christian Godard qui résume l’événement de façon décalée, drôle et peut-être de la manière la plus proche de la réalité qu’il soit. Enfin, le chapitre 4 donne quelques clefs supplémentaires dont surtout le point de vue de Christian Kastelnik lui-même. L’auteur est un amoureux de Pilote, il le prouve, il le justifie. En deux pages, il désamorce un conflit qui n’en a été un que parce que des acteurs externes se sont immiscés dans une réunion qui ne les concernait pas.
« René Goscinny et la brasserie… des copains » : ce titre, avec ces pointillés le rythmant, n’est pas anodin. Il ne pouvait pas être mieux choisi. Depuis des années, on a entendu tout et n’importe quoi sur ce qui c’est passé ce jour-là rue des Pyramides : des vérités, des contre-vérités, des on-dit et des carabistouilles. Ce 21 mai, tout un tas de malentendus ont déstabilisé une équipe de copains. Des choses à changer, il y en avait. Des maladresses et des regrets, il y en a eu. Des blessures aussi. Mais il y avait aussi de l’amour, de l’amour pour un métier, celui d’auteur de BD, de l’amitié entre des gens qui se respectaient mais qui n’ont peut-être pas toujours trouvé les bons mots pour le dire au bon moment. Des copains, ces gens là étaient avant tout des copains et il fallait qu’ils le restent.
Ce petit livre est aussi bien fait qu’un « Que sais-je ? » de la grande époque de la collection. Il pourrait être le socle d’une nouvelle collection dans laquelle on imaginerait trouver des titres comme : Yvan Delporte de Spirou au Trombone Illustré, Hergé et les tourments blancs du Tibet, Vaillant/Pif et le communisme dans tout ça, ou bien d’autres affaires qui ont émaillé la grande histoire du neuvième art.
Kastelnik prépare un ouvrage sur la « préhistoire » du journal Pilote et on ne saurait que vous conseiller la page Facebook des Amis du Journal Pilote. René Goscinny et la brasserie … des copains est un petit livre captivant. Il aura fallu attendre 51 ans pour avoir une version réaliste des faits.
Laurent Lafourcade
One shot : René Goscinny et la brasserie ... des copains
Genre : Chronique d’une journée particulière
Auteur : Christian Kastelnik
Préface : Mandryka
Éditeur : SCUP-La déviation
Nombre de pages : 100
Prix : 10 €
ISBN : 9791096373246
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