Quatrième partie de l’entretien avec Christian Godard par Laurent Lafourcade. Godard, scénariste de Ribera, nous embarque dans l’histoire d’un homme qui sillonna l’espace jusqu’aux plus extrêmes limites de l’univers, plongea dans cent galaxies, et laboura le destin de mille planètes… Son nom résonnera longuement dans les replis du temps… Ecoutez !... Il se nomme… Axle Munshine ! Christian raconte l’aventure du Vagabond des Limbes, ainsi que toutes ses autres collaborations avec Julio.
Passons au Vagabond des limbes, comment avez-vous rencontré Julio Ribera ?
A cette époque-là, il y avait des réunions de rédaction toutes les semaines à Pilote. Toutes les semaines, il y avait un moment pendant lequel les auteurs qui avaient des idées pouvaient les proposer. Ceux qui étaient disponibles pour les dessiner se manifestaient. Un jour, une de mes idées a séduit Ribera et on a commencé comme ça. Autant que je me souvienne la première histoire que l’on a faite ensemble Ribera et moi était une histoire en huit planches intitulée « Je suis un héros de bande dessinée ».
Est-ce à cause de la concurrence avec Valérian que le Vagabond des limbes n’est pas né dans Pilote ?
Non, absolument pas. Le vagabond des Limbes est né d’une manière extrêmement simple. Un jour, Henri Filippini m’appelle et me raconte qu’il vient d’être embauché par Hachette pour créer des collections. Il me demande si ça m’intéresse et on prend rendez-vous dans un bistrot. Me questionnant sur mes envies, je lui dis que j’avais envie de faire une série de science-fiction. Je n’en avais jamais fait jusqu'à présent et j’aimerais bien m’y consacrer. Il me demande alors avec qui et je lui dis que j’avais rencontré un dessinateur qui avait l’air sympa chez Pilote pour qui j’avais écrit un récit complet. J’ai ensuite écrit un scénario, l’ai proposé à Henri Filippini qui l’a à son tour soumis à sa direction. A partir du moment où le scénario de base était accepté, on a proposé à Julio Ribera de se joindre à nous. Et voilà comment le Vagabond des Limbes est né. Ça n’a pas duré longtemps parce que Hachette n’était pas vraiment l’endroit où l’on pouvait travailler sur la longueur, c’est à dire commencer à faire une série, la cultiver, dépenser un peu d’argent pour qu’elle se développe, ... Ils étaient plutôt disposés à publier des « coups » et des projets qui démarraient tout de suite. Au bout de trois albums, ils se sont aperçus qu’ils faisaient fausse route et ils nous ont rendu notre liberté. Dargaud s’est fait un plaisir de les rééditer et de nous permettre de faire la suite.
En 1975, on le retrouve dans Circus, en 1976 dans Tintin, puis dans Pilote en 1978. Il n’y a pas que dans l’espace qu’il a voyagé.
Absolument !
« C’est l’histoire d’un homme qui sillonna l’espace jusqu’aux plus extrêmes limites de l’univers, plongea dans cent galaxies, et laboura le destin de mille planètes… Son nom résonnera longuement dans les replis du temps… Ecoutez !... Il se nomme… Axle Munshine ! ». Dès la parution du premier album chez Hachette en 1975, la maquette de la série est caractérisée par un petit texte en haut sur la couverture. Ce concept restera immuable. Est-ce vous qui en avez eu l’idée ?
Rien ne s’est fait, comme il se doit, sans l’accord du scénariste. C’est tout ce que je peux dire. La maquette a beaucoup évolué au cours du temps, a connu tout un tas de versions possibles. En général, les choses se faisaient toujours avec mon accord bien sûr.
Peut-on qualifier Le vagabond des limbes le concept de Space Opera ?
Pourquoi pas ? Oui, bien sûr.
La série est l’histoire d’amours impossibles. Axle cherche sa Chimeer, mais est-ce une bonne chose de réaliser ses rêves ?
Quand on les réalise, les rêves perdent tous les avantages qu’ils avaient avant de l’être. Il n’y a rien de pire qu’un rêve qui se réalise et qui devient réalité. C’était quand même un peu le sujet de l’histoire. J’avais mis mes personnages en situation de ne pas pouvoir réaliser leurs rêves. Il y avait d’abord Axle, qui était d’une espèce proche de celle qui est la nôtre, et il y avait en face de lui Muskie, un personnage d’une espèce tout à fait différente, qui avait une particularité, celle dont tout le monde peut éventuellement rêver, la possibilité de s’arrêter à l'âge qu’elle voulait pendant une éternité. Le fait qu’elle ait arrêté son développement alors qu’elle n’était encore qu’une gamine faisait qu’elle ne pouvait pas devenir un objet convoité par Axle en tant que tel, sauf si elle reprenait la décision de vieillir, donc de redevenir mortelle pour connaitre l’amour. Qui est capable de faire une chose pareille ?
La saga du vagabond, c’est l’amour impossible de Muskie qui s’éprend d’Axle. Mais lui la voit plus comme une enfant. Peut-on dire que Muskie est le premier personnage androgyne de la BD ?
Je ne sais pas si c’est le premier. Vous me posez une colle. J’étais un grand lecteur de science-fiction, mais pas de SF mais pas du côté de la BD, qui était « classique » à l’époque où j’ai créé le vagabond avec Julio. Elle ne cherchait pas à aborder des thèmes complexes comme cela a été le cas dans notre série, y compris des sujets insolubles. Que se passe-t-il dans la tête de personnages face à une situation qu’ils ne parviendront pas à résoudre ? C’est ça qui m’intéressait.
Enfin, la série est aussi l’histoire d’amour entre un fils Axle, et son père qu’il recherche Korian.
Oui, d’autant plus qu’on ne sait rien sur Korian. On est condamné à faire des suppositions et rien d’autre.
Est-ce que vous, vous savez ?
Mais moi je sais tout ! Pas forcément dans le départ. Il faut savoir vers quoi l’on va et le découvrir soi-même en tant que narrateur en même temps que le lecteur. La meilleure façon de surprendre le lecteur est évidemment de se surprendre soi-même.
Avec cette série, vous êtes aussi récompensés dès les débuts au festival d’Angoulême avec l’Alfred (ancêtre des Fauves d’or) de la meilleure œuvre réaliste française pour le deuxième épisode, L’empire des soleils noirs, en 1976.
Un sacré cadeau. C’est vrai que j’avais mis dans cette histoire tout un tas de trucs, qui n’étaient pas des « trucs ». La plupart des gens qui écrivent pour la BD utilisent des « trucs », c’est-à-dire des moyens qui leur permettent de recommencer à se servir des mêmes outils, des mêmes recettes. Ils l’utilisent et ils sont bien contents car ils n’ont plus besoin d’en chercher d’autres. Pour la plupart, ils font ce qu’on leur demande c’est à dire un produit. Les éditeurs ne demandent que ça, de telle manière que quand un produit plait, les gens vont l’acheter, comme pour une boîte de sardines. Faire un produit n’est pas un défaut. C’est une règle quasi-absolue. Par exemple, dans Tintin, il y a des recettes qui fonctionnent. Les mêmes personnages répètent les même embrouillaminis d’albums en albums. Les Dupont et Dupond se comportent toujours pour dire la même chose. L’un répète ce que l’autre dit en ajoutant “Je dirais même plus”. Ce truc, qui est un gag, ils le répètent inlassablement dans tous les albums. Ce sont des marqueurs. On vous raconte une histoire qui n’est pas tout à fait la même que la précédente. Parfois, elle est complètement différente, mais n’ayez pas peur, on fait la même chose pour que ça vous plaise autant que la fois précédente. C’est une pratique que je n’ai jamais appliquée. Je m’en suis toujours contre-foutu.
Après la parenthèse de l’auto-édition avec le Vaisseau d’Argent où étaient parus les tomes 16 à 21, Dargaud vous a immédiatement repris sous son aile, mais ça n’a plus été pareil qu’avant.
Je ne peux pas dire que ça a été fait sereinement de notre côté. L’aventure du Vaisseau d’Argent (cf.Interview partie 2) m’a énormément éprouvé. En ce qui concerne la reprise par Dargaud, ça a été simplissime. On a signé un contrat avec l’éditeur et puis on a continué à travailler et à produire, mais en tant qu’auteurs comme on l’avait fait auparavant. Je ne me souviens pas que nous ayons eu quelque problème que ce soit, sauf que Dargaud n’a pas pris les mêmes risques que nous prenions quand nous travaillions à notre compte. Assez rapidement, autant que je me souvienne, les tirages ont très légèrement baissé pour venir à des hauteurs qui ne nécessitaient pas de la part des éditions Dargaud qu’elles agissent au niveau de la distribution, comme cela se décide. Quand on est éditeur, il faut avoir l’œil partout, vérifier que la distribution est bien faite pour que les points de vente qui fonctionnent soient correctement achalandés. Une maison comme Dargaud ayant d’autres chats à fouetter le fait d’une manière générale et non pas personnalisée. On est donc revenus très vite, alors qu’on avait des tirages élevés, à des tirages qui l’étaient beaucoup moins.
Le stand du Vaisseau d'Argent à Angoulême
Dargaud a stoppé la série en 2003. Il paraît que le 32ème est bouclé et que le 33ème était commencé. Les lira-t-on un jour et n’avez-vous pas envie d’apporter une vraie conclusion à la saga ?
Je ne vois pas pourquoi j’apporterai une conclusion. La saga n’est pas terminée. Il n’y a pas de conclusion. Pourquoi le voulez-vous ? On s’est donné un mal de chien pour inventer un univers. Pourquoi le clore, refermer le dossier et parler d’autre chose ? Il n’y a pas de raison. Il y a une fausse rumeur qui est partie de chez Dargaud prétendant qu’un tome destiné à boucler la série était prêt. Je ne sais pas qui est le crétin qui l’a lancée. Si demain on me demande de reprendre le Vagabond des Limbes, j’ai plein d’idées en tête.
Pour répondre plus précisément à votre question, en ce qui concerne le 32ème, il a été fait par Julio mais les méthodes de fabrication avaient complètement changé. Il avait quitté Paris où l’on travaillait ensemble dans mon atelier avec une équipe composée de pas mal de monde. Outre nous deux, il y avait pas mal de monde dont Claude Plumail qui se chargeait des décors, un dessinateur remarquable, capable de se sortir de n’importe quelle complication. Dans une certaine histoire une civilisation lointaine découvrait la terre et volait la tour Eiffel, l’emportant pour faire un parc d’attractions. Plumail a été capable de prendre à bras le corps cette difficulté monstrueuse, montrant la tour Eiffel sous tous les angles exactement comme elle est. Il en a fait autant avec Notre-Dame. On avait également plusieurs coloristes qui travaillaient avec nous. Pendant longtemps, c’était les Chagnaud. Nous avions une méthode de travail. On avait de la place et du matériel. C’était place de Clichy. Tous les jours, on arrivait à peu près tous à la même heure et on produisait de cette manière-là. Notre équipe était solide. Du jour au lendemain, Julio pris sans prévenir la décision de partir et d’aller habiter chez sa femme en province. Il s’est retrouvé obligé de tout réaliser, alors qu’il n’en faisait que le quart avant. Ce tome 32, j’ai considéré qu’il n’était pas publiable.
Le 33ème est resté à l’état d’ébauche. Julio avait de gros problèmes de santé. Il s’était fait opéré du dos. Pour le 31ème, il avait déjà été aidé par un spécialiste qui travaillait sur informatique pour faire les couleurs. Il se sont séparés pour des raisons que j’ignore. Entretemps, Julio avait appris à faire les couleurs par ordinateur mais tout ça est resté inachevé.
Il y a eu une adaptation en comédie musicale du vagabond des limbes. Surprenant.
Oui, absolument. Elle s’est jouée assez longtemps avec une compagnie de danse qui appartenait à la ville de Cadenet. Ça a tourné pas mal.
Axle Munshine et Musky dansant dans la comédie-ballet
Le Vagabond des Limbes par la compagnie Avalena
Votre complicité avec Julio Ribera ne se résume pas au Vagabond. Il y a eu Les chroniques de la vallée des Ghlomes, une histoire gentiment érotique. Votre désir était-il de vous adresser à un public plus franchement adulte ?
Non pas vraiment, ce n’était pas l’idée. C’était simplement le plaisir de travailler sur une série différente, quasi humoristique. Les Ghlomes nous permettaient de faire des choses qu’on ne pouvait pas faire avec le Vagabond.
Il y a eu aussi deux séries pourtant prometteuses arrêtées après seulement un album : Je suis un monstre, chez Glénat, et La jeunesse d’un inconnu célèbre, chez Soleil. Comment expliquez-vous ces échecs ?
Vous savez que si j’étais capable d’expliquer mes échecs, j’aurais fait en sorte qu’ils ne se produisent pas. Alors là, je ne sais pas répondre. Ce n’est pas difficile de faire quelque chose de différent quand vous changez de partenaire. A partir du moment où vous changez de partenaire, il apporte avec lui, ses possibilités, ses impossibilités, son style et sa personnalité. Vous débouchez alors dans un travail qui se révèle à vous même au fur et à mesure.
Annoncées comme des séries à suivre, dont vous aviez, je pense, imaginé toute une bonne partie de la suite, vous avez dû ressentir cela comme un gâchis.
Oui, c’est douloureux évidemment, surtout quand on a un sujet qu’on a choisi parce qu’il était porteur, parce qu’il débouchait sur un tas de possibilités, de développements, etc… et qu’on les entrevoit à peine au cours d’un album. Oui, bien entendu, s’arrêter au premier album est absolument insupportable.
Puis il y a eu en 1994 votre meilleure série réaliste, toujours avec Ribera, Le grand scandale. C’est l’histoire d’Al Jackson, dessinateur de presse, recruté pour relater des affaires politiques au travers des aventures de bande dessinée de « Little Anny Candy ». Mais quand on fricote avec la politique, on se retrouve rapidement avec la mafia sur le dos. Vous réalisez là une mise en abîme façon thriller.
Vous avez tout compris...
Quand j’ouvre une fenêtre sur mon imaginaire, c’est à chaque fois une aventure personnelle. Si vous faites de l’athlétisme et si vous demandez à un spécialiste du 1500 mètres courant autour d’un stade de 400 mètres, il s’habitue à l’endroit où il court, se chronomètre tour par tour. Prenez à présent le même coureur qui compare les temps qu’il fait quotidiennement sur 1500 mètres sur des terrains différents qu’il découvre chaque jour. Quand vous imaginez une histoire, vous faites exactement la même chose qu’un coureur qui change d’endroit pour courir. Vous vous surprenez à chaque fois.
La mode de l’époque est aux séries télévisées. Avec sa construction, ses rebondissements, Le grand scandale en ferait une excellente.
C’est gentil. Je vous remercie du compliment. Mais je ne peux pas adhérer à votre remarque parce que je ne regarde pas la télévision.
Dans votre carrière, vous n’avez jamais pensé à écrire pour la télévision ?
J’ai à peu près pensé à écrire sur n’importe quoi. Ça m’aurait bien sûr beaucoup intéressé.
J’ai eu quelques courtes expériences avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, des duettistes très en vue à l’époque. J’ai participé également à l’écriture du Magasin des accessoires avec Angelo Rinaldi, une expérience passionnante. Mais tout ça n’a pas eu beaucoup de succès.
Là encore, au bout du quatrième album, l’éditeur Dargaud abandonne son lectorat en plein suspens. La suite (ou la fin) était-elle bouclée ?
On ne nous a pas laissé le temps. On nous a arrêté trop tôt, au quatrième album, alors qu’à cette époque les séries commençaient vraiment à décoller au cinquième. Le fait que chaque tome se déroule dans une ville différente à chaque fois permettait de durer. C’est une série qui est restée, comme plusieurs fois dans ma carrière, à l’état d’ébauche, étant entendu que, en ce qui concerne le Vagabond des limbes, nous avons eu le temps, Julio Ribera et moi, de développer une série sur la longueur, à savoir une trentaine d’albums. On a eu le temps d'épuiser tous les aspects potentiels des personnages que l’on animait. On ne pouvait pas rencontrer une série qui permette de se renouveler à chaque album aussi facilement que le permettait le Vagabond des limbes. Ce n’était pas aussi simple, aussi évident et aussi facile qu’avec d’autres séries dans un cadre réaliste. On restait tributaire de l’éditeur qui pouvait se faire une idée trop rapidement sur une série débutante.
La chance qui a été celle du Vagabond des limbes, c’est que nous nous sommes aperçus que l’éditeur ne faisait aucun effort pour développer la série et de faire monter les tirages. Nous avons fait remarquer à la personne qui était en charge chez Dargaud du tirage des albums, qu’en ce qui concerne le Vagabond des limbes, le tirage était stagnant de titre en titre, alors que nous avions un retour sur publication qui faisait qu’on nous parlait de plus en plus de notre série et de la faveur du public à son égard. Nous avons donc demandé pourquoi il ne forçait pas sur la distribution et la mise en place. Nous sentions que l’on pouvait monter les tirages. Le personnage assis derrière son bureau, qui avait à gérer je ne sais combien de titres et de séries différentes et qui n’en avait strictement rien à faire, nous a déclaré de manière élégante : “Mais pourquoi voulez-vous que l’on prenne des risques en augmentant les tirages alors que le tirage auquel on tire le Vagabond des limbes se vend tout seul ?” Nous nous sommes donc dit avec Julio Ribera que si ça se vendait tout seul, nous n’avions pas besoin d’eux. C’est la raison pour laquelle, en s’auto-éditant, on s’est chargé nous même de faire grimper les tirages. On est monté jusqu'à 70 000 exemplaires quand nous étions nous-mêmes nos propres décideurs, nos propres éditeurs.
C’est une situation que tous les auteurs connaissent quand on a à faire à un éditeur qui s’occupe d’une écurie d’auteurs. Quels sont ceux disposés à être considérés comme des chevaux qui n’ont qu’une ration d’avoine très régulièrement comptée ?
Pour devenir éditeur, il faut prendre des risques et beaucoup travailler, se bagarrer, cavaler dans les coins, aller là où ça coûte le moins cher à l’impression. J’allais en Hollande faire le réglage sur machines rotatives moi-même. Au bout de celle-ci, les cahiers tombaient les uns derrières les autres pendant que je modifiais le rouge ou le bleu sur le clavier. Ça rendait fou les employés car les pages imprimées entre temps partaient à la corbeille. On avait des albums qui avaient enfin la gueule qu’on avait envie qu’ils aient. Il fallait ensuite se battre avec les libraires, convaincre tout le monde. On ne peut pas tout faire quand on est une société modeste. C’est la raison pour laquelle, quand j’en suis arrivé à un point où je ne marchais plus sur mes pieds mais sur mes genoux qu’on a décidé d’arrêter.
De nos jours, de nombreux albums sont envoyés au casse-pipe par leurs éditeurs. Ils sont publiés sans aucun soutien ni défense, ni diffusion.
Les éditeurs ne courent pas après une idée préconçue de ce qu’il faut faire pour vendre. Quand on veut vendre des albums, il faut réfléchir à ce qui peut éventuellement plaire à un certain lectorat. Il faut se poser des questions et prendre des initiatives. Etant donné que les auteurs aujourd’hui sont beaucoup trop nombreux, ils sont prêts à travailler comme des malades pour simplement toucher un montant dérisoire. Pour les éditeurs, si le public réagit, c’est très bien, sinon ils passent à l’album d’un autre auteur qui ne demande que ça, qu’on fasse l’expérience avec lui aussi. Tout a changé parce qu’aujourd’hui les auteurs se ramassent à la pelle. A mes débuts, la situation n’était pas la même. Les journaux et les hebdomadaires permettaient d’expérimenter. Il y avait instantanément un rapport auteurs-lecteurs. Nous étions peu nombreux, à peu près 300 contre plus de 10 000 aujourd’hui, voire le double, je ne sais même pas. Les journaux n’existent quasiment plus. Il n’y a plus ce baromètre qui permettait de faire des essais, de se former et de trouver un lectorat.
(à suivre…)
Entretien réalisé par Laurent Lafourcade
Les dessins sont © Christian Godard/Julio Ribera
La photo de titre d’article est © Laurent Mélikian
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