Dessinateur, comédien, réalisateur, le touche-à-tout Hugues Hausman est au cœur de l’actualité culturelle avec l’album Calembredaines et le film Mad in Belgium.
Bonjour Hugues
On ne parle bien que de ce que l’on connaît bien. Avez-vous déjà mangé des chèques-repas ?
Non, je dois bien l’avouer. Je n’ai jamais essayé.
Quelle est la plus grande distance que vous ayez parcourue dans une liste de courses ?
Je pense que ce doit être 250 mètres haies.
© Hausman – La surprise du chef
Comment avez-vous réagit quand vous avez vu une poule dans la salle d’attente de votre dentiste ?
J’ai tout de suite pensé à une broche au barbecue.
Vous faites-vous suivre par votre médecin dans la rue ?
Là, par les temps qui courent, à 1 mètre 50.
© Hausman – La surprise du chef
Avez-vous du chinois dans votre congélateur ?
Ça m’arrive.
Redevenons sérieux, ou pas, qu’est-ce qu’une calembredaine ?
C’est une plaisanterie, un vain propos, une carabistouille comme on dit en Belgique. Une carabistouille, c’est plutôt un mensonge. Une calembredaine, c’est plutôt une blague qui n’est pas méchante et c’est un mot qui sonne bien !
Emmanuel Macron a utilisé le terme de « Carabistouilles ». Craignez-vous qu’il vous pique Calembredaines » ?
Non, je ne pense pas. Il est trop auto centré pour regarder ailleurs.
Et s’il proposait un poste de conseiller à un belge ?
Il faudrait un ministère de l’absurde alors. Mais tous les ministères sont déjà un peu absurdes.
© Hausman – La surprise du chef
Vous aviez déjà publié un livre intitulé Calembredaines chez Lamiroy il y a quelques années. L’album édité aujourd’hui chez La surprise du chef est une réédition ou y a-t-il des nouveautés ?
Il y a une vingtaine d’années que j’ai commencé à faire des calembredaines, mais chez Eric Lamiroy, l’album est paru il y a à peu près quatre ans. Le livre comportait une centaine de dessins. C’était un format vertical, mais il n’y a eu que 50 exemplaires qui se sont très vite vendus. Pour la petite histoire, on travaillait avec un imprimeur français qui pouvait faire des petits tirages. Comme cela, Eric Lamiroy ne prenait pas trop de risques financiers. Quand l’album a été épuisé, on a voulu le rééditer mais cet imprimeur était décédé et hélas personne n’a repris sa succession. Vu l’engouement sur les réseaux sociaux pour mes petites bêtises, on a décidé de refaire un album beaucoup plus fourni. Il y a 330 dessins, si je ne me trompe pas. J’ai demandé à Philippe Geluck si je pouvais réutiliser la préface qu’il m’avait faite. Il a accepté. On a sorti un bel album grâce à un crowdfouding.
On peut voir sur votre site que vous avez plusieurs centaines de Calembredaines en stock.
Je suis à plus de 1800 dessins. Je vous donne un scoop : la mise en page du tome deux est déjà faite et je travaille sur celle du tome trois, l’idée étant d’en sortir un pour la fin d’année à chaque fois. On ne va pas en faire quinze non plus, mais j’aimerais bien en faire trois ou quatre.
Qui sont vos maîtres à penser dans le dessin d’humour ?
Il y a Gary Larson, Piraro, … J’aime beaucoup les livres d’Emmanuel Reuzé (Faut pas prendre les cons pour des gens) et de Yannick Grossetête (Merci l’amour, merci la vie). Un album qui m’a fait hurler de rire, c’est Salade César de Josselin Duparcmeur et Karibou paru dans la collection Pataquès chez Delcourt. J’aime aussi beaucoup Calvin et Hobbes de Watterson. J’adore ce que fait Tébo (Captain Biceps, Raowl), Geluck bien sûr et bien d’autres…
© Larson
Je me demandais pourquoi il n’y avait pas eu depuis vingt ans ou presque d’autres tentatives de réédition en Français de Gary Larson, après la série publiée par Dupuis de 1997 à 2002 dans la collection Humour Libre. Est-ce que l’humour est traduisible ?
Tout n’est pas traduisible. Ce qu’ils ont fait sur Humour Libre était très courageux. C’était relativement bien traduit. Mais il y a beaucoup de choses qui ne sont pas traduisibles, comme Piraro, car ça joue sur des mots, des situations typiques anglo-saxonnes. C’est pareil pour les Calembredaines. J’en avais traduit une vingtaine en anglais et les avais envoyées à Dan Piraro qui m’avait répondu d’ailleurs. C’est un mail qui m’a beaucoup touché. Mais tout n’est pas traduisible, c’est comme ça. Inversement, il m’arrive d’écrire des Calembredaines en anglais qui ne sont pas transposables en français.
© Piraro
Et en chanson ? Quelqu’un comme Bobby Lapointe aurait pu chanter vos calembredaines ?
C’est marrant que vous parliez de ça, car moi j’ai la chance d’être tombé dans une famille qui m’a fait découvrir très jeune Bobby Lapointe. La première chanson que j’ai apprise très jeune quand j’étais gamin c’est “Ta Katie t’a quitté". Oui, il y a certainement une filiation.
Dans les chanteurs contemporains, j’adore Oldelaf avec, entre autres, La Tristitude. C’est un sacrément bon musicien en plus.
© Bobby Lapointe
Dans le domaine du nonsense, avez-vous des influences au cinéma, comme Harold Lloyd par exemple ?
J’ai toujours été un fan de Buster Keaton. Je connais moins Harold Lloyd bizarrement. J’adore Chaplin, Laurel et Hardy, plus récemment Les Monty Python's, et je vous conseille Casablanca Driver, film Français pas très connu de Maurice Barthélémy, qui faisait partie de la troupe des Robin des Bois.
Oui, j’aime bien l’absurde mais je n’aime pas que l'absurde. Généralement, j’aime moins les comédies françaises que je trouve un peu plus lourdes, plus faciles. L’esprit belge se rapproche un peu de l’esprit anglais, du fait qu’on ait beaucoup d'autodérision et qu’on aime le décalage et l’absurde.
Vous êtes vous-même comédien. Qu’avez-vous fait dans ce domaine ?
Je suis comédien et réalisateur. Je viens d’une famille d'artistes. Mon père était dessinateur de BD (René Hausman), mon grand-père du côté de ma mère était dessinateur de BD et sculpteur (Noël Bissot) et ma mère s’est remariée avec un autre dessinateur de BD (Didier Comès). Je suis né avec un crayon dans la main.
Mes parents étaient aussi comédiens et musiciens. A dix ans, un ami de mes parents, réalisateur, faisait un long métrage et il avait besoin d’un gamin de mon âge. J’ai donc joué dans ce film. Après, ma mère m’a demandé si cela m'intéresserait de faire des études de théâtre. C’est là que j’ai appris pas mal de trucs sur mes parents que je savais plus ou moins, qu'effectivement, ils avaient fait du théâtre et des tournages. Pour moi, c’était assez vague. Quand on est petit, on ne s'intéresse pas trop à ce que nos parents font.
Je suis rentré au Conservatoire de Verviers. Ça a été une révélation et j’ai décidé d’être comédien. A côté de ça, je n’ai jamais arrêté de dessiner.
Est-ce qu’au départ vous avez essayé de dessiner comme votre père ou êtes-vous délibérément allé dans un style complètement opposé ?
Ce n’est pas une question de volonté. Je n’ai pas le talent de faire ce que mon père faisait. Petit, j’étais très sensible à ce que mon grand-père, Noël Bissot, faisait. C’est un dessinateur oublié qui a fait entre autres des dizaines de mini-récits pour Spirou. Quand on regarde son trait, son humour, il était assez précurseur. Il n’a, hélas, pas été compris à cette époque-là.
© Bissot - Dupuis
On ne peut pas terminer sans un mot à la mémoire de votre papa René Hausman, que j’adorais et que j’ai interviewé deux fois. Vous avez travaillé une seule fois ensemble, dans ce qui rassemblait vos deux univers opposés : le personnage de Zunie.
C’est la maison d'édition Noirs dessins qui a demandé à mon papa de reprendre Zunie. Mon père était occupé. Il n’avait pas vraiment l’esprit à faire tout ça, c’est pour cela qu’il m’a demandé de plancher dessus. J’avais plus cette facilité-là de faire des trucs sans parole, des trucs visuels avec très peu de texte, pour l’efficacité du gag. Je faisais les croquis et le découpage. Je lui proposais. Je crois qu’il n’y a pas un seul gag qu’il a retravaillé. On a avancé comme ça pour faire l’album.
C’était une collaboration idyllique.
Oui. Et ce qui a été génial, c’est qu’à la sortie de l’album, on a fait pas mal de séances de dédicaces à deux. C’est un de mes plus beaux souvenirs : dédicacer avec son père un album qu’on a fait ensemble. Ce qui était très drôle, pour la petite histoire, dans les dédicaces qu’on faisait, c’est qu’on se donnait un peu une ligne de conduite : soit mon père dessinait Zunie et moi je faisais un animal et imaginais à chaque fois un nouveau gag pour la personne, soit je dessinais Zunie et mon père devait faire un animal et trouver le gag. C’était génial.
© Hausman
Quels sont vos projets ?
Il y a un grand projet que j’ai depuis des années. J’aimerais reprendre les personnages de mon grand-père, Le Baron et Juju. J’ai fait tout le découpage d’un album de 44 planches qui est prêt, sauf que graphiquement, je ne suis pas content. Donc je bosse dessus depuis une bonne quinzaine d’années. Je suis un peu le gardien du temple. Au moment où je vous parle, j’ai tous les originaux de mon grand-père ici dans mon bureau.
Vous êtes un artiste multicartes. Qu’est-ce qui vous fait courir ?
C’est ce que je dis toujours: la vie est trop courte pour ne faire qu’une seule chose. Il faut être curieux. Je peux autant faire du one man show, jouer au théâtre tout autant dans des comédies, du vaudeville, que dans du théâtre plus engagé. Ce n’est pas antinomique. L’un nourrit l’autre. C’est comme le dessin qui nourrit l’écriture et l’écriture qui nourrit le jeu. Le jeu nourrit la réalisation. Il y a un ping-pong entre les diverses disciplines que j’essaie de faire et c’est cette richesse-là qui est intéressante. Avec peu de moyens mais avec la ligne de conduite que ça ne devait pas ressembler à un film fauché, j’ai récemment réalisé et joué dans un film qui s’appelle « Mad in Belgium ». N’ayant pas trouvé de distributeur, on a décidé de le mettre en ligne gratuitement sur YouTube (et en meilleure qualité sur Viméo: https://vimeo.com/293406596). C’est l’histoire d’un kidnapping qui tourne mal. J’ai eu la chance d’être entouré de comédiens magnifiques et d’une excellente équipe technique. C’est un film dont je suis très fier.
Merci Hugues.
Propos recueillis par Laurent Lafourcade
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