Octobre 1934. Assise sur un banc, noyée dans un immense couloir du Palais de justice de Paris, Violette Nozière, 19 ans, toute de noir vêtue, a les yeux perdus dans le vide. Elle attend que son procès reprenne et songe à ce qui l’a conduit ici. Celle que l’on surnomme alors « l’empoisonneuse de la rue de Madagascar » ou la « parricide monstrueuse » laisse ses pensées remonter le temps… Issue d’un milieu populaire, Violette rêvait d’une autre existence. Mais, rétive au travail comme aux études, elle préférera la vie facile. Prostitution, fêtes, mais aussi mensonges à répétition, manipulation et vol de ses propres parents, jusqu’au point de non-retour : elle finit par les empoisonner.
Une redoutable mytho
Fait divers scandaleux, le crime de Violette Nozière a secoué la France des années trente, et son procès retentissant est resté l’une des plus célèbres affaires judiciaires de l’époque. Pour traiter de ce parcours de vie exceptionnel, déjà évoqué au cinéma par Claude Chabrol ou en littérature par les surréalistes, le tandem Camille Benyamina / Eddy Simon a préféré laisser de côté l’aspect policier et judiciaire pour se concentrer sur un étonnant portrait de jeune fille, parfois poétique, parfois mystérieux. De quoi nous rendre presque attachante cette personnalité pourtant volage, frivole, inconséquente, manipulatrice, et poser la question du poids de la psychiatrie dans les parcours criminels
L'affaire Violette Nozière dépasse le simple qualificatif « fait divers ». Par sa médiatisation et son impact jusqu'à nos jours, les controverses suscitées, la naissance d'un mythe, ce fait divers devient fait de société. Anne-Emmanuelle Demartini de l'Université Paris VII - Diderot, précise « que c'est aussi par la petite histoire que s'engouffre la grande ». Nous pourrions intituler « l'affaire Violette Nozière, sans Violette Nozière ». Les surréalistes voient dans cette affaire, l'occasion de fustiger la société et soutiennent Violette Nozière. Le réalisateur Claude Chabrol avec son film « Violette Nozière », perpétue cette image de muse se dressant contre une société bourgeoise.
Eddy Simon prend donc le parti de l'adaptation en BD de cette affaire qui défraya la chronique dans les années 30. Il nous décrit cette mythomane assassine mangeuse d'hommes avec justesse. Le récit proprement dit est prolongé par un dossier de 8 pages illustré de photos d’archives.
Graphiquement cet album est agrémenté du dessin velouté de Camille Benyamina. Et en parlant de velours, la couverture de l'album n'est pas en reste et offre justement une sensation de douceur feutrée au toucher. Mis à part ce détail technique, Violette Nozière est l’agréable surprise de ce début 2014 et sera fort probablement et je dirais sans nul doute l'un des best of de cette année.
F.Matagne
VIOLETTE NOZIERE - VILAINE CHÉRIE par Eddy Simon & Camille Benyamina, 96 pages au prix de 20 € paru chez Casterman
ISBN : 9782203038547
©BD-Best v3.5 / 2024 |