Tout le monde connaît Mary Shelley grâce à son célèbre roman Frankenstein. Mais qui se rappelle des frasques de sa jeunesse ? De la vie débridée du poète Percy Bysshe Shelley, qui lui offrit son nom et qui demeure pour les Anglais beaucoup plus célèbre qu'elle ? Ou encore de la vie incroyablement intense que mena leur ami Lord Byron, le plus grand poète que l'Angleterre ait jamais connu ? Si ces trois-là ont donné leurs lettres de noblesse à la littérature romantique anglaise du début du XIXe siècle, il ne faut pas oublier que les destinées de ces immenses poètes furent encore plus exaltées que leurs écrits.
Il est étonnant de constater combien la littérature anglaise, derrière ses écrits, compte de « personnages » dont les vies auraient elles-même pu donner lieu à des romans. Lewis Carrol, James M. Barrie ou encore ceux que l'on retrouve dans le premier volet de « Shelley », diptyque de Daniel Casanave et David Vandermeulen sont de ceux-là. Percy Bysshe Shelley n'invite-t'il ceux qu'il rencontre à « vivre leurs vies comme un roman » ? Et on se laisse très vite entraîner par cet écrivain et poète fantasque et insouciant, au gré de ses aventures littéraires et amoureuses, dans une existence très éloignée des conventions sociales de son époque et qui le fit à la fois haïr et aduler. S'attaquer à un tel sujet était risqué.
Il aurait en effet été facile de tomber dans une évocation purement biographique, lourde et surchargée de textes et de références. David Vandermeulen évite cet écueil en nous livrant un portrait léger et immédiatement accrocheur. On se place dans les pas de Percy, on rit de ses excès et de ses provocations comme on est touché par sa sensibilité, et on ne s'ennuie pas une seconde tout au long de cet album. Très typé « bd moderne », le dessin de Daniel Casanave répond merveilleusement au scénario par son dynamisme et son mouvement, sans oublier quelques cases particulièrement belles qui ne peuvent qu'évoquer, sous un trait pourtant très actuel, les gravures de l 'époque. La physionomie de certains personnages est amusante dès le premier coup d'oeil, on se régale ensuite de leur expressivité. Après avoir lu cet album, il est d'ailleurs très difficile de l'imaginer avec un autre dessin, tant l'alchimie scénario/images fonctionne bien. Sur un sujet inattendu, et loin de tout esprit « cours de littérature », c'est une petite perle que l'on découvre là, dans un bien bel écrin qui plus est, puisque c'est dans un petit mais séduisant format 20 x 27 cm que se décline « Percy ». Le second volet, « Mary », plutôt dédié à l'auteure de « Frankenstein » est annoncé pour le printemps. Sans avoir à « vivre sa vie comme un roman », les albums dont on sort un rien plus cultivé, léger et peut-être même un peu plus heureux ne pullulent pas dans les vitrines des libraires ces temps-ci. Ce premier « Shelley » en fait assurément partie. Vivement le printemps !
Pierre Burssens
Shelley "Percy" tome1 par Casanave & Vandermeulen, 72 pages au prix de 14.99 € édité par Lombard. Sortie le 10 février 2012
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