Champagne, février 1357. Henri, évêque de Troyes, chevauche vers le lazaret de Lirey, pour tenter de convaincre sa cousine Lucie, dont il est amoureux, de renoncer à ses vœux religieux. Dans la chapelle où ils sont réunis, les moines font cet amer constat : les caisses sont vides, et les travaux de l’abbatiale, qui doit accueillir un morceau de la Vraie Croix, seront bientôt arrêtés, faute de moyens… « Nous avons fait le serment de bâtir une abbatiale qui accueillera la relique, et nous serons fidèles à notre parole, quoi qu’il en coûte », s’exclame Thomas, le prieur de la communauté. Les ressorts de la tragédie, tant amoureuse que religieuse, sont désormais en mouvement…
Pour débuter cette année 2018, les Éditions Futuropolis nous proposent le premier volume d’un triptyque consacré au suaire de Turin. Le récit, partagé en trois volumes, va entraîner les lecteurs sur plusieurs siècles, dans plusieurs pays, dans des milieux très différents. D’abord en France, dans la campagne de Troyes au XIVe siècle, ensuite en Italie, à Turin, au XIXe siècle, dans la grande bourgeoisie, et pour terminer en Espagne, dans le désert de la Sierra Nevada au XXIe siècle. Les trois personnages principaux traversent le temps et l’espace au sein d’une même histoire. L’histoire des trois protagonistes (Lucie, Thomas et Henri) est celle d’une passion amoureuse dont le suaire dit « de Turin » est à la fois l’enjeu et l’emblème. La rivalité des deux hommes pour la conquête de la jeune femme joue dans l’intimité ce qui se joue en public pour la conquête du suaire. Mais qu’est-ce que le suaire ? Une authentique relique de la passion de Jésus ou une habile forgerie moyenâgeuse peinte au tampon.
Le scénario de cette histoire confié à Gérard Mordillat & Jérôme Prieur (réalisateurs des documentaires Corpus Christi, l’origine du christianisme, l’Apocalypse, Jésus et l’Islam) est richement documenté et parfaitement bien ficelé. Les deux acolytes nous délivrent une histoire d’amour impossible entre les différents protagonistes.
Le premier tome se déroule en Champagne (février 1357). Dans le but de récolter des fonds pour poursuivre les travaux de l’abbatiale, un ecclésiastique (Thomas, prieur de la communauté) va créer avec l’aide contrainte d’une jeune religieuse (Lucie) un faux suaire. Son cousin (Henri), qui est également évêque de Troyes, va tenter de convaincre Lucie de renoncer à ses vœux religieux.
Côté dessin, Eric Liberge, en charge des représentations effectuées en noir et blanc, est certainement la personne la plus apte à transmettre les émotions vécues par chacun des personnages. Grace à son approche graphique, il nous plonge dans des superbes paysages enneigés. Veillant particulièrement aux divers détails, il nous délivre des personnages particulièrement bien typés.
NB : Le suaire de Turin est un drap de lin jauni d’une longueur de 4,42 mètres sur 1,13 mètre de largeur. Il montre l'image d'un homme présentant les traces de blessures compatibles avec un crucifiement. La première mention documentée de ce drap provient de Lirey, en Champagne, en 1357. L'autorité ecclésiastique du lieu, l'évêque de Troyes, y interdit l'ostension de l'objet. Cet évêque a mené son enquête sur le linceul et en a conclu qu'il s'agissait d'un faux. En 1988, la datation par le carbone 14 démontre sans ambiguïté l'origine médiévale du suaire, qui ne peut donc pas être considéré comme une relique authentique. Dès leur publication, ces résultats sont acceptés par le pape Jean-Paul II. L'Église catholique, propriétaire du linceul depuis 1983, ne s'est jamais prononcée officiellement sur son authenticité.
©BD-Best v3.5 / 2024 |