Cela fait cinq ans que Louis Theillier travaille chez Johnson Mattey, une des plus grandes multinationales d’Angleterre, présente dans trente pays, employant près de dix mille personnes dans le monde. « JM » est le leader mondial de l’exploitation de platine et métaux précieux, fabriquant des catalyseurs destinés aux grands groupes industriels et automobiles. Le 31 janvier 2011, le directeur du site de Bruxelles annonce aux 300 employés la fermeture de l’usine, qui ne serait pas assez rentable et nécessiterait trop d’investissements. En réalité, le groupe est largement bénéficiaire mais la direction préfère simplement délocaliser en Macédoine, là où les ouvriers ne seront payés que trois cents euros par mois ! Incrédulité, colère, dégoût et inquiétude gagnent les ouvriers face aux mensonges du patronat et à la nouvelle réalité de leur situation. Dès le premier jour, Louis Theillier, à la fois acteur et témoin, tel un reporter infiltré, décide de réaliser le journal de bord du conflit social, avec le Bic fourni par son employeur ! Il relaie au jour le jour les événements au sein de l’usine, à travers un blog BD et une microédition interne, de façon à rendre compte de la situation des travailleurs, particulièrement représentative du malaise social ambiant. Des actions de blocage, en passant par les assemblées et les négociations, jusque dans l’attente du plan social, Louis Theillier met en scène les doutes, la rage, l’espérance, la fraternité et la lutte des ouvriers qui parlent ainsi au nom de tous les travailleurs victimes du libéralisme et des délocalisations d’entreprises.
Plonger dans le monde des restructurations et fermetures d’entreprises avec les différentes étapes vécues par les personnes concernées par ce divorce qu’est la perte de son emploi alors que rien ne laissait présager une telle situation. Le témoignage de Louis Theillier est criant de vérité face à une société où seul le profit est de mise. Oubliées les différentes aides à l’emploi concédées par nos politiques. Au fait, où sont-ils nos élus du peuple lorsque de tel séisme ravage toute une région ? Au début on se montre face caméra, on verse une larme, on feint d’être solidaire avec les futures victimes des réorganisations et ensuite le temps passe et l’on oublie. Combien de familles brisées par ce genre de décision ? Comme le présente le résumé de l’éditeur, Louis Theillier a été témoin intérieur d’une aventure dont je ne souhaite à aucun d’entre vous de la vivre. Il dédie son livre à ses anciens collègues de travail (que sont-ils devenus après leurs licenciements ?). Un livre que je ne peux que conseiller aux jeunes qui vont se lancer dans la vie active afin qu’ils soient mieux armés face à une telle situation. Et puis que peuvent faire nos politiques face à de grands groupes financiers internationaux qui vont les trouver en leur disant : c’est la perte de 1400 emplois dans l’espoir que la société redevienne compétitive en concurrence et face à ces autres implantations où alors ce seront 4200 emplois qui passeront directement à la trappe ! Nous avons construit une Europe ultralibérale qui génère des profits uniquement pour nos financiers aux dépens d’une Europe sociale qui a été totalement zappée par nos dirigeants. Ne croyez surtout pas certains politiques vociférant que le phénomène est dû à la paresse des personnes y travaillant. Des deux côtés de la frontière linguistiques nous avons des exemples de ce genre de terrorisme social. Oui, s’il existe un prix de la bd documentaire, mon choix s’arrête sur celle-ci qui le mérite largement.
Alain H.
Johnson m'a tuer par Louis Theillier Futuropolis
96 pages, 18 €
ISBN : 9782754810241
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