« - Bonjour, gentlemen. Agent Sparks, station de police de Bishopsgate Street. Dr Watson, cet olibrius bien mal en point affirme être votre confrère… S’il dit vrai, je ne serai pas mécontent de vous le laisser…
- Diantre, Herbert !! Votre clavicule est fracturée ! Que diable vous est-il arrivé ?!
- Vers trois heures du matin, nous l’avons trouvé, hagard… Il courait dans Wentworth Street, en plein Spitalfields, vêtu de façon peu orthodoxe, prétendument incapable de se remémorer sa soirée. Il a été placé en cellule au poste jusqu’à ce qu’il parvienne à convaincre mon supérieur, qui connaît la réputation de Mr Holmes, ainsi que la vôtre, Dr Watson.
- Eh bien, « officer », je vous certifie qu’il s’agit bien du Dr Herbert Fowler, qui occupe mon précédent cabinet dans Paddington.
- Ouch ! Ma déchéance est totale, Watson !!! Il faut que vous m’aidiez ! »
Un bobby londonien amène chez Holmes et Watson un quidam qui errait dans la rue. Celui-ci prétend connaître Watson. Le docteur approuve, il s’agit bien d’un confrère à lui. Victime d’une amnésie de quelques heures, il ne sait pas ce qui lui est arrivé. Analysant indice sur indice avec une précision scientifique, Sherlock Holmes remonte le trajet de l’individu. Le ticket de spectacle d’un « Amazing Magician » un certain Wu-Jing, va les entraîner dans une enquête complexe que le fin limier va tenter de démêler avec tout son savoir-faire.
Cyril Liéron signe un scénario méthodique que n’aurait certainement pas renié Sir Arthur Conan Doyle. Loin d’une enquête conventionnelle, les différents rebonds font du mystère une impressionnante toile dont le scénariste se tire avec rigueur. L’ambiance londonienne, brouillard du soir et lune éblouissante, immerge le lecteur dans ce polar fin XIXème. Holmes y est dépeint sans concession, avec les failles qu’on lui connaît concernant la consommation de stupéfiants. Watson, la tête sur les épaules, suit son modèle qu’il idolâtre.
Le graphisme anguleux de Benoît Dahan rappelle l’époque cinématographique dans laquelle le personnage était incarné par le grand Basil Rathbone. L’homme qui endossa onze fois le trench coat du détective, plus une douzième avec la voix de Basil détective privé dans le dessin animé des studios Disney, restera à jamais le meilleur interprète du résident de Baker Street. Sans vouloir copier ses traits, Dahan donne à son personnage l’âme de l’acteur. Les décors minutieux de la capitale anglaise sont aussi fins et précis que l’est l’enquête d’Holmes.
Outre un scénario en béton et un dessin pointilleux, c’est par un remarquable découpage hors du commun que se distingue cette série. Tout est dit dans le titre : Dans la tête de Sherlock Holmes. Ce n’est pas une métaphore. Quand Sherlock réfléchit, le personnage navigue de case en case dans une planche cadrée dans sa tête. La collecte des informations se fait dans son esprit comme s’il était une machine dans laquelle on entre des données qui en ressortent une fois analysées. Quand Sherlock est sous l’effet de la cocaïne, son rêve est une maison déstructurée.
Aucune planche ne ressemble à une autre. Les mises en scène mettent en avant les indices que trouve le détective et à partir desquels est construite toute l’architecture de la double page. Les déplacements dans les différents quartiers s’effectuent sur fond de cartes de la ville.
Cette « affaire du ticket scandaleux » nous laisse en plein suspens dans l’attente d’un tome 2 pour conclure l’enquête. Elle est une des grandes bonnes surprises de l’année. Comme quoi, il est encore possible d’étonner avec un personnage et un thème battus et rebattus, tout cela grâce à un traitement complètement inédit du genre. Elémentaire !
Laurent Lafourcade
Série : Dans la tête de Sherlock Holmes
Tome : 1– L’affaire du ticket scandaleux
Genre : Polar
Scénario : Liéron
Dessins & Couleurs : Dahan
D’après : Conan Doyle
Éditeur : Ankama
Nombre de pages : 48
Prix : 14,90 €
ISBN : 9791033509721
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