« - Jusqu’à votre arrivée tapageuse, j’exerçais une petite influence dans la région. Certains bruits courent encore jusqu’à moi… Ils peuvent s’arrêter au rez-de-chaussée. Pour d’autres, je les laisse monter jusqu’à l’étage… Enfin, jusqu’à vous.
- Et vous me suggérez d’y prêter l’oreille ?
- Nous n’écoutons pas les mêmes hymnes, peut-être pouvons-nous nous accorder sur les bruits. Qu’en pensez-vous ?
- Que pour votre âge vous avez l’oreille fine… Méfiez-vous que, dans d’autres circonstances, elle ne vous mène au poteau d’exécution.
- Vous croyez me faire peur, et vous me faites rêver.
- C’est le propre des révolutions. »
Septembre 1936. On retrouve Mattéo dans une Espagne en proie à la guerre civile. Franco, le généralissime, s’est auto-proclamé chef de l’état nationaliste. Mattéo vit chez Don Figueras, riche vieillard propriétaire de la villa squattée par les rebelles. Amélie étant prisonnière des franquistes, Mattéo propose de l’échanger avec le curé du village. Mais si la guerre contre les fascistes laisse des traces, un autre conflit perturbe le clan : Aneschka ne semble pas prendre si bien que ça le retour d’Amélie.
La guerre d’Espagne est complexe. L’armée a tenté de renverser le gouvernement de Front populaire. Les extrêmes, gauche et droite, commettent des attentats. Le gouvernement arme le peuple. Communistes et anarchistes mènent leurs combats. Comme aurait dit quelqu’un, c’est la chienlit. Mattéo ne se contente pas de l’observer. Il y participe. Comme quoi, on peut être un héros et mouiller sa chemise. Gibrat se sert de l’Histoire pour raconter son histoire, ce qui lui donne encore plus d’intensité.
On savait Jean-Pierre Gibrat dessinateur de grande classe. On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi il n’est pas cité plus souvent dans la liste des « grandprimables » d’Angoulême. On le savait aussi maître de la couleur directe. On le connaissait scénariste minutieux. On l’apprécie de plus en plus comme un dialoguiste exceptionnel. Chaque parole est écrite comme un échange théâtral, mais sans la grandiloquence de cet art qui est un spectacle vivant sur scène, tout simplement avec une justesse et une finesse percutantes, comme dans les grands films de cinéma. Preuve en est l’introduction entre Mattéo et Don Figueras. Ou encore celui-ci : « La guerre se déchirait un peu plus loin… L’aviation nous la raccommodait. ». Paradoxalement, Gibrat est aussi adepte des planches muettes. L’échange des prisonniers de guerre se fait dans un silence tendu.
Il reste une époque pour clôturer la saga Mattéo. Que va-t-il lui arriver en Mai 1940 ? L’homme aura traversé tous les conflits européens du XXème siècle à travers l’Europe qui brûle.
Pour la suite, Gibrat prévoit une suite au Vol du corbeau dans laquelle Jeanne suivra François en Indochine. Il se pourrait même qu’il y ait des liens avec l’univers de Mattéo. Des jalons seront posés dans le sixième et dernier volume de cette série.
Laurent Lafourcade
Série : Mattéo
Tome : 5 – 5ème époque (septembre 1936-janvier 1939)
Genre : Histoire
Scénario, Dessins & Couleurs : Gibrat
Éditeur : Futuropolis
Parution : 20 Novembre
Nombre de pages : 64
Prix : 17 €
ISBN : 9782754807463
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Jeudi 13 mars 2025 - 10:32:08
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