Rencontre avec Alex Barbier
Flux RSSFlux RSS

         Toute l'actualité

 

Œuvre de jeunesse d’Alex Barbier, Le Dieu du 12 était depuis lors épuisé. Par ailleurs, le sort semblait s’acharner sur le travail de cet auteur français car les originaux disparurent, brûlés dans l’incendie qui ravagea son atelier ! Mais, avec patience, un lent et important effort de recherche et de restauration réalisé par les éditions Frémok, voici que le Dieu du 12 renaît de ses cendres !

A l’occasion de la nouvelle publication du Dieu du 12, Christian Missia a rencontré Alex Barbier au Centre Belge de la BD, ou se tenait l’exposition racontant la genèse du projet. L’auteur a répondu aux questions de notre journaliste, tout en réglant au passage ses comptes avec ses anciens collaborateurs…

 

Quelle était l’idée de cette exposition ?

Alex Barbier : C’est à l’occasion de la sortie de la réédition du Dieu du 12, qui était paru en 1981 chez Albin Michel dans des conditions « douteuses ». A savoir qu’à la première lecture du livre, toutes les pages s’envolaient. Cela avait été fait en dépit du bon sens. On avait mélangé les histoires. Bref, une vraie cata ! Je n’étais pas content du tout mais c’était resté comme ça.

Entretemps, peu après la parution, dans le village ou j’habite encore parfois, j’avais un atelier qui a brûlé ! Le feu à été mis par un incendiaire et tous mes originaux ont disparu en fumée ! Heureusement que tout était déjà paru, y compris le livre du Dieu du 12.

L’exposition qui est là retrace ça parce que le papier, lorsqu’il est entassé sur lui-même, même si l’incendie est très violent - comme cela a été le cas avec mon atelier puisque la maison a été détruite entièrement - ne brûle pas si vite que ça ! Ce qui fait que l’on expose ici les résidus et vous pouvez constater qu’il y a de beaux restes ! De plus, il n’y a pas eu que le feu qui a fait des dégâts, il y a eu aussi les pompiers, n’est ce pas ? C'est-à-dire qu’il y a eu l’eau ! Finalement, il restait quand même des choses. Cela a résisté !

Justement, comment avez-vous fait pour récupérer les originaux ? Est-ce que l’ancien éditeur, Albin Michel, avait fait des copies de vos planches ?

AB : Non, non et non. On n’a plus aucuns rapports ! Et puis d’abord, on ne s’est pas adressé à eux, c’est inutile !

Le travail admirable qui a été fait a été réalisé à partir de deux sources : le livre et peut être ou surtout les prépublications qui ont été faite dans Charlie Mensuel, qui existait encore à cette époque là. Au fond, les reproductions étaient assez fameuses. Je pense bien qu’ils ont travaillé à partir de ces deux sources. Je suis épaté du résultat parce qu’il n’y a quasiment aucune différence par rapport à l’édition originale !

 

 

Alex Barbier


Ce constat est-il valable au niveau de la restitution des couleurs ?

AB : Tout à fait ! C’est incroyable, ils ont fait un travail extraordinaire. Je ne pensais pas que c’était possible à ce point !

 

Quel est votre parcours ?

AB : On va dire que j’ai toujours voulu faire de la bande dessinée. J’ai commencé comme tout le monde à dessiner sur un coin de table lorsque j’étais jeune. J’imitais Hergé d’une manière maniaque. Je dessinais dans les mêmes formats que les publications. C’était vraiment un travail de zinzin !

Après, lorsque j’ai vraiment voulu passer à l’action, je me suis rendu compte que ce que j’avais à dire ne pouvait pas être dit avec les moyens traditionnels de la BD franco-belge, alors que c’était ma principale source d’inspiration à l’époque ! D’ailleurs, c’est resté. Je lis toujours avec autant de bonheur Franquin, Tillieux, etc. Mais je me suis rendu compte que ce que j’avais à dire ne pouvait pas passer par ce moyen là. J’avais beaucoup de choses à dire, notamment sur la sexualité. Il a donc fallu que je cherche un autre moyen, qui est venu à force de recherches.

A l’époque, je fréquentais beaucoup les salles des ventes en province, ou j’habitais. Il y avait parfois n’importe quoi qui était vendu. Notamment une fois, je suis tombé sur un lot d’encres très anciennes. Des encres noires mais qui tournaient au bleu ou au violet. C’étaient des encres très spéciales et ça m’a plu de tremper mon pinceau là dedans et c’est comme ça que c’est venu petit à petit. J’imitais le style des cartes postales anciennes qui dataient de 1900. Je n’employais de l’encre que d’une seule couleur avec du blanc.

S’il fallait présenter votre style, comment pourrait-on vous définir?

AB : Ce n’est pas la première fois que l’on me pose la question en réalité. Par exemple, quand je dis aux gens que je fais de la BD, ils pensent tout de suite aux Schtroumpfs alors que c’est différent. Je ne sais pas définir ça.

Je ne sais pas quoi dire. Je ne voudrais pas dire par exemple que ça ressemble à de la peinture, comme certains le pense car quand je fais de la peinture, c’est de la peinture ! Bien entendu, c’est quand même des styles proches.

Au fond, on va dire que ça ressemble beaucoup à de la peinture classique. Ce qui ne veut pas dire que je fais de la BD classique ! Après, il y a autre chose. Il y a la structure, le découpage, ce que je raconte. Mais c’est vrai qu’au fond, je suis un classique, picturalement parlant. Et encore, un classique du 19ème siècle !

Actuellement, vous êtes publié chez Frémok, qui est une maison d’édition spécialisée dans de la BD d’avant-garde. Est-ce aussi ce type de public que vous visez généralement lorsque vous publiez une nouvelle BD ?

AB : Evidemment ! Mon public ne va pas de 7 à 77 ans ! 77 ans, d’accord. 7ans, surement pas !

17 ans, peut être ?

AB : Voilà, ça va déjà mieux !

Je ne m’adresse à personne en particulier. Je sais très bien que mon public est plus réduit que celui d’Astérix mais je ne cherche pas à courir après. Ce n’est pas un hasard si je suis chez Frémok. J’ai commencé au Square, qui est l’éditeur d’Hara-kiri et Charlie Mensuel. Après, j’ai fait un petit stage chez Albin Michel mais qui n’a pas été extrêmement triomphant. Puis après, j’ai été chez Delcourt… Au fond, c’est là quoi. Frémok était le choix le plus logique.

Bien entendu, ma BD n’est pas destinée à tout le monde et il se trouve que ça n’intéresse pas le grand public. Peut être à cause des thèmes abordés. Ou parce qu’ils sont désorientés et qu’ils ne comprennent pas mais cela ne fait rien.

Hormis la sexualité que vous avez brièvement évoqué, quels sont vos thèmes favoris ?

AB : Il y a d’abord une grosse partie de sexualité. Ensuite, ce sont les thèmes existentiels. Il est beaucoup question de solitude et d’enferment. Donc dans l’ordre : solitude, enferment et sexualité, sous toutes leurs formes.

Animalité, quatrième thème de prédilection. Là, on a à peu près tout.

Je ne m’intéresse pas qu’aux corps, j’aime aussi faire des paysages et aussi et surtout, des paysages intérieurs en BD. Pour moi, les paysages ont autant d’importance que les personnages. Mais ce qui m’intéresse par-dessus tout, c’est la restitution de l’atmosphère ! Je voudrais submerger les lecteurs dans une atmosphère, une ambiance qui est mienne. C’est mon intimité que je mets sur la place publique. Je sais que c’est impudique, c’est vrai mais il me semble que je commence à y arriver.

 

Interview : © Graphivore-Christian Missia  2011

Photo : Christian Missia 2011



Publié le 06/07/2011.


Source : Graphivore

        Toute l'actualité

©BD-Best v3.5 / 2025