Coyote et lui nous reviennent en grande forme, et en couleurs ! Heureusement que, dans cette famille de bikers, on n’est pas du genre à chipoter ! Parce qu’après plus d’un million d’albums vendus, il y aurait de quoi revenir en grande pompe, champagne et petits fours inclus. Mais, dans l’univers de Coyote, les pompes, on les colle plutôt au c… des importuns ! Litteul Kévin, sa famille et ses potes ont su rester les mêmes, et c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on les retrouve, six ans après leur dernière apparition sur les rayons des libraires. La grande nouveauté, c’est bien évidemment la couleur, qui fait ici une apparition remarquée. Jusqu’ici cantonnée aux seules couvertures, elle envahit maintenant toutes les pages de ce nouvel album qui fera date ! Coyote y poursuit cette saga familiale qui lui ressemble, qui porte haut et fort ses valeurs. Et prouve une nouvelle fois que peu importe le look, pourvu qu’il y ait de l’amour ! Litteul Kévin et sa famille Litteul Kévin Cette graine de biker n’a pas la langue dans sa poche ! Il faut dire qu’il a eu de sacrés modèles. Heureusement pour lui, il a hérité de la gouaille de son père comme du bon sens de sa mère. Et il faut bien ça pour gérer ses potes psychotiques ou ses gamins de « tontons » ! Chacal Il est grande gueule, pas trop malin, volontiers hypocondriaque, mais tellement adorable ! Quand il ne sillonne pas les routes sur sa Harley ou qu’il ne fait pas jouer ses muscles au service d’ordre d’un groupe de rock, Chacal passe le plus clair de son temps au club avec les « frangins », des durs au cœur tendre, comme lui. Sophie La sculpturale femme de Chacal n’est pourtant pas le genre à jouer les potiches, loin s’en faut. Si elle a depuis longtemps renoncé à inculquer deux doigts de bon sens à son mari, elle veille à l’éducation de son fils avec tout le soin qui convient. Et, si la gentillesse ne suffit pas, elle peut se révéler bien plus effrayante que les bikers sauvages de la grande époque. A bon entendeur ! Mamie La maman de Sophie a toujours traité Chacal comme toutes les belles-mères du monde traitent leur gendre. Mais, avec l’âge, elle devient plus coulante : une histoire de thérapie à base de plantes… Coyote nous raconte l’histoire vraie de Litteul Kevin Il dit volontiers de lui qu’il « fait du McDonalds, du Friends de la bande dessinée, là où un Loisel fait de la grande cuisine et du grand spectacle ! » N’allez pas en conclure que Coyote aurait une tendance à l’autodépréciation ! Il est simplement bien dans ses bottes, toujours prêt à combattre les clichés.
Qui a dit qu’on ne pouvait pas être biker et papa, ou que Litteul Kévin serait toujours en noir et blanc ? Certainement pas Coyote ! Pourquoi avez-vous attendu six ans pour réaliser ce nouvel album ?
Parce que je faisais autre chose, tout simplement ! Les Voisins du 109, par exemple. J’ai la prétention de me considérer comme un artiste, plutôt que comme un artisan. Je n’ai pas envie de faire la même chose toute ma vie. J’ai besoin d’essayer des choses nouvelles. Je ne voulais pas m’enfermer dans Litteul Kévin. J’avais des envies, comme travailler en collaboration avec d’autres gens. Ça n’a pas toujours été évident, mais je le voulais !
Du coup, pourquoi êtes-vous retourné sur Litteul Kévin ?
Tout le monde attendait que je refasse du Litteul Kévin et du dessin de moto en général. Cela dit, son retour a toujours été prévu dans mon parcours. La plupart des histoires de ce nouvel album ont été écrites il y a plus de 6 ans. J’en ai même encore quelques-unes de l’époque pour les albums suivants ! Soyons clairs : j’avais envie d’y retourner, mais les choses se sont accélérées avec la création du journal « Le Strip », bimestriel de BD humoristique édité par Le Lombard. J’aurais aimé le faire un peu plus calmement. Ne serait-ce que parce que Litteul Kévin demande de rentrer dans une dynamique familiale. Or, ma famille n’est plus là et mon fils a grandi. Pour cette raison, ce n’était pas facile d’y retourner…
Etait-ce ce qui, au départ, vous avait motivé à créer la série ?
En 1990, je suis entré au magazine « Fluide Glacial ». Il était hors de question que j’y continue Mammouth et Piston que j’avais créé pour un autre périodique. J’avais commencé Bébert, Clochard et Philosophe. Mais, parce qu’il voyait bien que c’était mon truc, Jean-Christophe Delpierre, le rédacteur en chef de l’époque, m’a demandé de dessiner des motos. J’étais alors déjà un peu connu dans le milieu des bikers. Mon fils Kévin venait, lui, d’avoir 3 ans et j’avais envie qu’il existe, même si c’était à travers moi. Je voulais qu’il soit celui qui m’avait inspiré cette série. J’ai voulu le mettre en avant, tellement je l’aimais… Et c’est toujours le cas ! Évidemment, contrairement à ce que beaucoup ont voulu y voir et même si je me suis servi de mon vécu, je n’ai jamais raconté notre vie dans Litteul Kévin. J’ai idéalisé la famille que je voulais avoir et le père que j’aurais voulu être. Finalement, la moto ne tient qu’un rôle secondaire dans la série… Oui. Litteul Kévin, c’est avant tout une histoire de famille. Je ne voulais pas faire le Joe Bar Team de la Harley. Évidemment, c’est leur moyen de transport parce que je ne le voyais pas autrement. Je n’ai cependant pas truffé les murs de posters ou autres. Je ne voulais pas entrer dans le côté fanatique ! Après, j’aimerais avoir plus de temps pour dessiner des motos. C’est très dur et très long à dessiner, une moto. Il faut en connaître la mécanique, savoir que le caoutchouc des pneus n’a rien à voir avec celui des poignées. Bref, plein de choses de ce genre. Le cahier des charges est énorme. Lorsque c’est dessiné uniquement d’après photo, on le sent tout de suite ! Malheureusement, je ne suis pas l’Abbé Pierre. Les factures s’accumulent et je ne peux pas me permettre de passer un mois sur une page !
Et pourtant, c’est une de vos plus anciennes passions, non ?
Oui, la moto, ça m’a pris très tôt ! Mes parents ont assisté à une compétition de moto-cross quelque jours avant que ma mère n’accouche. D’où, peut-être ?! Quand j’étais gamin, il n’y avait pas de magazine « Harley-Davidson », juste deux ou trois photos. Quand j’ai eu 12 ans, il y a eu le film Easy Rider ! Les cheveux dans le vent, la liberté… Je ne me reconnaissais pas dans le mouvement hippie que j’aimais pourtant bien, mais là, c’était des hippies à moto : encore mieux ! À 13 ans, j’ai acheté une 50 cc. La première chose que j’ai faite a été d’y installer un dossier à l’arrière et un guidon « corne de vache » ! Et puis, je ne sais pas pourquoi, j’aime le look motard. La moto prolonge, en quelque sorte, le tableau qu’offre le mec. C’est pas de la frime, c’est de la générosité ! C’est offrir une carte postale aux gens ! Vous n’avez pas l’impression d’entretenir un cliché ? Tout le monde ne vit pas comme ça, c’est certain. Quand j’ai commencé, je ne me suis même pas posé la question. Il y a beaucoup d’anecdotes réelles dans Litteul Kévin. C’est mon quotidien… Jusque dans le look rock’n’roll ! Je voulais aussi dire que ça n’est pas incompatible avec une vie de famille et des valeurs saines. On peut être rebelle à l’échelle d’une famille, comme on peut vivre un quotidien normal en tant que punk ! Cela dit, il n’y a pas de message dans Litteul Kévin, juste mes valeurs. Si vous voulez un message, lisez Les Voisins du 109 ! En revanche, j’essaie de rester actuel, de me renseigner pour être dans l’air du temps. Certains dessinent toujours les gendarmes avec un képi parce qu’ils ont appris à dessiner les gendarmes avec le Longtarin de Franquin. Mais, ça fait vingt ans qu’ils n’en portent plus ! Personnellement, je n’écoute pas exclusivement la musique de ma jeunesse ; j’essaie de voir un maximum de nouveaux films, etc. Ce nouvel album fourmille effectivement de références récentes, comme Naruto ou South Park… Parfois, la modernité, c’est simplement une coupe de cheveux ou un PT Cruiser au premier plan. Mais, je place des clins d’œil qui parleront à ceux qui regardent les mêmes choses que moi. South Park, par exemple, fait partie des choses qui me nourrissent quotidiennement. Ils mettent souvent des mots sur des idées que je partage, tel mon refus d’aller voter tant que mon vote blanc ne sera pas pris en compte ! Vous parlez des idées. On a souvent mis en avant votre travail graphique, mais ce serait oublier un peu vite votre vie de scénariste. Vous semblez, par exemple, affectionner les jeux de mots et autres phrases musicales… Les idées me viennent assez facilement. Je les note dans des carnets qui fournissent la matière première de gags que je retravaille jusque dans les planches. Il m’arrive souvent de modifier le texte à l’étape du dessin, parce que je fais en effet très attention à la musique du texte, voire à l’équilibre des lignes dans une bulle. Par moments, vous avez un sens dialogue assez proche de celui d’un Goscinny… C’est le moment de rendre à César ce qui lui appartient ! Je me suis toujours réclamé de Gotlib. Mais avant lui, j’ai appris à lire, seul, vers l’âge de 4 ans, en feuilletant des Astérix. Un jour, un collègue m’a fait remarquer qu’avec ses cheveux blonds et ses gros sourcils noirs, mon Litteul Kévin, c’était Astérix ! Le nez de Chacal et ses pommettes sont « obelixiennes ». Et puis, mes bikers, avec leurs barbes et leurs cheveux longs, c’est un village gaulois ! Ce nouvel album est également l’album du passage à la couleur, une révolution pour la série ! En fait, c’est prévu depuis 1995 ! Je me souviens, au cocktail des 20 ans de « Fluide Glacial », je leur ai dit que la prochaine révolution du magazine serait, en l’An 2000, le passage à la couleur. Et j’avais raison ! J’en avais envie, ne serait-ce que parce que les jeunes d’aujourd’hui ont été bercés à la couleur. Je cite toujours l’exemple du cinéaste Henri Verneuil qui était ravi de la colorisation, pourtant grossière, de son film La Vache et le Prisonnier, parce qu’il aurait voulu le réaliser comme ça à l’époque. C’est pareil pour moi. Litteul Kévin a démarré en noir et blanc parce que c’était la règle à « Fluide Glacial ». Les derniers albums ont toutefois été faits en pensant à la couleur. Lorsque je me suis lancé sur Les Voisins du 109, j’ai fait des couleurs directes parce que je voulais me prouver quelque chose. Soyons néanmoins honnêtes, c’est très mal payé ! Et, si mon trait est inimitable, il est possible d’arriver à quelque chose d’approchant de mon travail en couleurs. J’ai donc travaillé avec un coloriste sur Litteul Kévin. Mais, comme il y a des aficionados du noir et blanc, on a pensé à eux : on sort aussi l’album sous cette forme. Par contre, certaines histoires leur paraîtront bien « blanches », parce qu’elles ont été dessinées pour être mises en couleurs.
Little Kevin, tome 8, décliné en deux version ( une couleur et une noir et blanc) ) à paraître chez Lombard le 2 octobre 2010.
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