Si un album de BD peut favoriser un dialogue...

 

Belle actualité pour Christian Darasse et Tamara : un dixième album qui vient de sortir (« Maman, je rigole ! » Dupuis) et un quasi dixième anniversaire pour la série, la couverture et une présence bien affirmée dans le « Spirou » publié cette semaine, et, pour le dessinateur, une aventure scénique à venir avec « Perceval, la légende rebondit » en compagnie de l'ensemble musical la Cetra d'Orfeo et du comédien Bruno Georis...

Ca valait bien un petit entretien, non ?

 

 

 

Bonjour Christian, un dixième album, ça représente un cap particulier ?

Je suis toujours content quand un nouvel album sort, mais ici, oui, d'une certaine façon c'est encore plus agréable. C'est un premier compte rond, c'est aussi une décennie passée en compagnie de Tamara, c'est un album qui clôt la « saga Diego »... Une sortie d'album c'est toujours une petite fête, ça se marque un peu plus cette fois.

 

Il y a dix ans, vous imaginiez l'orientation qu'allait prendre la série ?

Non, ça a fortement évolué. Le septième album (« La première fois ») a véritablement constitué un tournant, et ce à la demande de Dupuis qui nous a suggéré d'aborder ce sujet, ce qu'on a accepté après réflexion car ce n'était pas évident du tout. Même le choix du titre a vraiment été pesé, et c'est tout à la fin qu'on s'est décidé pour « La première fois »... Cet album a ouvert une porte, a permis de communiquer là-dessus. C'était un pari et j'espère qu'on l'a réussi, je le pense... maintenant, certains parents me demandent s'ils peuvent le donner à lire à un enfant de 8 ans, c'est un peu exagéré, je dirais que la moyenne de notre lectorat se situe dans la tranche 12-13 ans...

 

Avec « Maman, je rigole ! » vous allez, avec Benoît Zidrou, au bout de votre propos...

Oui, puisqu'on attire l'attention sur le danger d'être enceinte à 15 ou 16 ans, une situation catastrophique qui se présente encore beaucoup plus souvent qu'on l'imagine... Or, c'est vraiment le type de sujets que les parents ne savent pas aborder avec leurs enfants, qu'ils continuent à voir comme de petites têtes blondes innocentes. En creusant un peu, on mesure qu'il y a ainsi tout un tas de sujets à aborder, et si un album de BD peut favoriser un dialogue sur ce genre de thème...

 

Tamara est une série cataloguée « humour », or elle est bien plus que ça... Comment, vous, la caractériseriez-vous ?

Je pense qu'il s'agit d'une série qui porte un regard sur le monde qui nous entoure, une série familiale qui montre une réalité, avec humour, mais avec un message aussi sur les différences en général, et les manières de les assumer et de les rencontrer. C'est ainsi qu'on a abordé la problématique des familles recomposées, des différences d'origines et de couleur de peau. Le onzième album sur lequel je recommence à travailler actuellement verra la famille se rapprocher mais se confronter à ce que j'appellerais le « racisme ordinaire », qu'on a tendance à banaliser mais qui n'en est pas moins insidieux et dangereux !

 

 

 

 

Tamara est aussi en couverture de Spirou cette semaine, et bien présente dans le magazine...

Avec « enceinte ? » en couverture, qui représente tout le noeud de l'histoire de ce 10ème album... je vous avoue que je n'ai pas encore vu le magazine...mais il comporte quelques planches réparties dans le numéro. Cette forme de découpage a également représenté une réorientation importante, puisqu'on est passé d'une série à gags à une série où on attend la suite... C'est un chemin qu'on a d'ailleurs pris en même temps que « les Nombrils », dont le dernier album nous laisse d'ailleurs sur un fameux suspense...

 

Avec les sujets abordés dans Tamara, on imagine aisément qu'il y a pas mal de clichés et de pièges à éviter pour ne pas basculer dans le facile, voire le vulgaire. Comment abordez-vous cela ?

On doit absolument conserver un équilibre, prendre une forme de recul en étant en permanence conscients du public auquel on s'adresse. Ce public, je le vois, je le rencontre en séances de dédicaces et ça m'impressionne toujours de constater sa jeunesse, des filles de moins de 15 ans qui arrivent à peine à la hauteur de la table...euh, enfin, non, j'exagère un peu...(rires)

 

Ou vous dédicacez sur une table très haute !?

Ca arrive...(rires). En fait, plus sérieusement et pour répondre à votre question, Benoît Zidrou écrit de manière très libre, sans vraiment se censure, et après, je passe derrière lui pour arrondir les angles si nécessaire. Avant d'aborder un album, il me propose ses pages de scénario et on en discute vraiment beaucoup beaucoup. C'est un accord, notre manière de travailler. Et c'est très agréable de travailler avec Zidrou. C'est un rapide, et si quelque chose doit être réécrit, je ne dois pas ronger mon frein pendant des semaines avant d'avoir la nouvelle matière.

 

 

 

 

On évoquait Tamara en couverture de Spirou, récemment c'est le Gang Mazda qui a fait une apparition dans un numéro « revival »...

Au départ, je trouvais ça très bizarre, l'idée de ressuciter le Gang Mazda après 20 ans, et puis c'est venu très très facilement. Après un premier croquis j'ai senti que je « tenais » ces personnages plus âgés, et ça a vraiment été très gai de réaliser ces planches, au point de me donner envie d'en refaire un bouquin, de ce Gang Mazda plus vieux. Mais je pense que je me dirigerai plutôt vers une histoire d'une quinzaine de planches dans l'intégrale...

 

Il y a donc une intégrale en vue ?

Une intégrale ou un florilège, on en discute depuis un certain temps mais ça traîne un peu...on attend !

 

Votre autre actualité, c'est « Perceval, la légende rebondit » sur scène le 25 mars à Charleroi, avec les musiciens de la Cetra d'Orfeo ( voir www.lacetradorfeo.com ) et le comédien Bruno Georis...

Oui, et là je commence vraiment à y penser. Je pense que ça sera une expérience intéressante mais c'est un peu flippant aussi... Je vais sans doute me diriger vers quelque chose de semi-réaliste, je ne sais pas encore vraiment. En plus ils m'ont programmé au palais des beaux-Arts de Charleroi et c'est une salle immense ! L'aspect « scène » ne m'inquiète pas trop, j'ai déjà fait partie de choeurs, mais ici, je vais devoir, en dessinant, calquer mon travail sur le jeu de l'acteur... J'essayerai d'être à la hauteur du projet !

 

 

Le papa de Tamara est musicien, j'imagine que pour vous la musique est importante ?

Très important. Je suis pianiste, j'ai fait partie de plusieurs groupes et mes goûts sont très éclectiques, et j'écoute en permanence de la musique... Mais l'alchimie à trouver pour ce spectacle est particulière, j'espère trouver mes marques. La musique de la Cetra d'Orfeo est très très belle...Je pense que je vais aller voir comment Janry se débrouille au sein du même projet, j'ai hâte de voir ça ! 

 

Propos recueillis par Pierre Burssens

 

 

Interview © Graphivore 2012

Images © Dupuis-Darasse 2012

Photo © Jean-Jacques Procureur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié le 06/03/2012.