Octobre 1934. Assise sur un banc, noyée dans un immense couloir du Palais de justice de Paris, Violette Nozière, 19 ans, toute de noir vêtue, a les yeux perdus dans le vide. Elle attend que son procès reprenne et songe à ce qui l’a conduit ici. Celle que l’on surnomme alors « l’empoisonneuse de la rue de Madagascar » ou la « parricide monstrueuse » laisse ses pensées remonter le temps… Issue d’un milieu populaire, Violette rêvait d’une autre existence. Mais, rétive au travail comme aux études, elle préférera la vie facile. Prostitution, fêtes, mais aussi mensonges à répétition, manipulation et vol de ses propres parents, jusqu’au point de non-retour : elle finit par les empoisonner.
Une redoutable mytho
Fait divers scandaleux, le crime de Violette Nozière a secoué la France des années trente, et son procès retentissant est resté l’une des plus célèbres affaires judiciaires de l’époque. Pour traiter de ce parcours de vie exceptionnel, déjà évoqué au cinéma par Claude Chabrol ou en littérature par les surréalistes, le tandem Camille Benyamina / Eddy Simon a préféré laisser de côté l’aspect policier et judiciaire pour se concentrer sur un étonnant portrait de jeune fille, parfois poétique, parfois mystérieux. De quoi nous rendre presque attachante cette personnalité pourtant volage, frivole, inconséquente, manipulatrice, et poser la question du poids de la psychiatrie dans les parcours criminels
L'affaire Violette Nozière dépasse le simple qualificatif « fait divers ». Par sa médiatisation et son impact jusqu'à nos jours, les controverses suscitées, la naissance d'un mythe, ce fait divers devient fait de société. Anne-Emmanuelle Demartini de l'Université Paris VII - Diderot, précise « que c'est aussi par la petite histoire que s'engouffre la grande ». Nous pourrions intituler « l'affaire Violette Nozière, sans Violette Nozière ». Les surréalistes voient dans cette affaire, l'occasion de fustiger la société et soutiennent Violette Nozière. Le réalisateur Claude Chabrol avec son film « Violette Nozière », perpétue cette image de muse se dressant contre une société bourgeoise.
Eddy Simon prend donc le parti de l'adaptation en BD de cette affaire qui défraya la chronique dans les années 30. Il nous décrit cette mythomane assassine mangeuse d'hommes avec justesse. Le récit proprement dit est prolongé par un dossier de 8 pages illustré de photos d’archives.
Graphiquement cet album est agrémenté du dessin velouté de Camille Benyamina. Et en parlant de velours, la couverture de l'album n'est pas en reste et offre justement une sensation de douceur feutrée au toucher. Mis à part ce détail technique, Violette Nozière est l’agréable surprise de ce début 2014 et sera fort probablement et je dirais sans nul doute l'un des best of de cette année.
F.Matagne
VIOLETTE NOZIERE - VILAINE CHÉRIE par Eddy Simon & Camille Benyamina, 96 pages au prix de 20 € paru chez Casterman
ISBN : 9782203038547
Max Vier, jeune auteur Suisse autodidacte ayant un parcours atypique qui passe par le cinéma en Grande Bretagne nous livre ici une BD qui au départ me semblait banale. Que nenni, pour ma part je considère ce livre comme une très belle œuvre très proche d'idéaux que nous avons tous eu un jour en nous.
Le rêve d'Icare !!!
Qui n'a jamais eu envie de voler, se rapprocher du ciel ou des étoiles et réaliser le fantasme de tous les enfants et des grands enfants que nous sommes ?
Icare ce fils de Dédale, architecte et d'une esclave crétoise nommée Naupacté dans la mythologie Grecque, nous savons tous qu'il se brula les ailes en se rapprochant trop près du soleil.
L'adaptation de Max Vier est assez géniale parce-que tellement étonnante et différente de ce qu'on nous sert habituellement. Une adaptation sur le thème d'un homme estropié tant sur le plan physique que moral et n'ayant qu'un désir obsessionnel, faire évoluer le monde de l'aviation en construisant un appareil par tous les moyens possible, même en passant par l'ennemi .
Il va tout rater. De sa vie sentimentale en passant par tellement de passages ubuesques que cela en devient un monsieur guigne.
La fin du récit n'est pas une fin en soi mais une belle interrogation sur l'idée du "mal acquit ne profite guère",b asé sur l'aspect moral de l'équilibre fragile entre bien et mal.
Techniquement, j'aime bien le découpage et la colorisation. Les personnages manquent un peu d'égalité et de traitement sur le plan du dessin entre les femmes et les hommes. Peut être que Max Vier a beaucoup de propension à dessiner une femme plutôt qu'un homme et cela se ressent. Les femmes sont plus fouillées et plus gracieuses mais les hommes ont des expressions bien marquées.
J'apprécie beaucoup les cases ou l'auteur mêle Icare et les rêves du personnage central. Les visions délirantes qui mènent le "héro" malheureux vers son handicap et sa perte de contenance face à la réalité sont assez prenantes .
Nous vivons dans un "no man's land " du début à la fin de ce récit.
Les éditions Paquet ont misé sur un excellent "cheval" en la personne de max Vier. Un récit divertissant, attachant et prenant.
Décidément, l'aviation inspire beaucoup cette maison d'édition avec un choix très fin pour ma part.
E. Leblanc
King Richard par Max Vier, 112 pages au prix de 16.50 € édité chez Paquet. ISBN : 9782888906049
François Schuiten est une référence dans le monde du neuvième art. Connu pour avoir crée les Cités Obscures avec Benoît Peeters et d'être aussi l'instigateur du renouveau de la Maison Autrique. Le journaliste de la RTBF spécialisé en bande dessinée, Thierry Bellefroid, nous propose un étonnant voyage qui nous emmène des Cités Obscures aux collaborations cinématographiques les plus variées de l'auteur. Plus de 400 pages et 500 illustrations dont un nombre non négligeable de dessins inédits composent cet écrin décliné en version classique et de Luxe.
Cet imposant recueil nous explique en détail la technique de mise en scène de Schuiten et ce sur autant de disciplines aussi antagonistes les unes par rapport aux autres. Il est un de ces artistes aux multiples talents et méritait donc que l'on y consacre un important volume.
En résumé, ce grand album propose un panorama complet du travail de François Schuiten : scénographie, architecture, peinture, interventions urbaines, travuax d'opéra, spectacle de musique contemporaine, etc.
Depuis quarante ans, François Schuiten construit une œuvre singulière et polymorphe. Elle s’est d’abord déclinée en bande dessinée, culminant avec succès dans la série Les Cités Obscures en compagnie de Benoît Peeters. Mais cet horloger du rêve a très vite tissé des liens avec le cinéma, les arts de la scène et la muséographie.
Architecte de l’événement, intervenant dans la ville autant que dans la vie, Schuiten a réalisé d’immenses scénographies comme A planet of visions à l’Exposition Universelle d’Hanovre (cinq millions de visiteurs en 2000), du design urbain (la station de métro des Arts et Métiers à Paris, la Dentelle Stellaire à Lille), de la conception de décors et de costumes pour l’opéra comme pour le cinéma, ou encore l’aménagement de lieux prestigieux (la Maison Autrique et le futur Train World à Bruxelles, la Maison Jules Verne à Amiens).
Quant aux projets qui sont restés des utopies de papier, ce livre les révèle dans toute leur ampleur…
François Schuiten, l'horloger du rêve
Par Thierry Bellefroid
Collection : Univers d'auteurs
400 pages
Prix : 59,00 € en version classique et 150 € pour la version Luxe augmentée de 32 pages (avec 30 pages de bd et de dessins inédits).
EAN : 9782203063051
Le soir tombe sur la ville basse. Comme de coutume, les enfants du pensionnat et leurs animaux se retrouvent sous un grand arbre pour écouter les histoires que leur racontent les pies… Mais, ce soir Nel refuse de les entendre parler de Circé la magicienne. Cette histoire-là, elle la connaît ! Avec Ulysse, son sanglier blanc et Electre, sa meilleure amie, elle réclame quelque chose de nouveau, quelque chose qui sorte de l’ordinaire…Tout à coup, une louve se met à grogner et à mordre un enfant. Elle s’enfuit. Et, cette fuite annonce la venue du chasseur. Lequel viendra enlever les enfants qui finiront de grandir dans la ville haute, au royaume de Circé. Nel est capturée et le chasseur tire une flèche sur Ulysse. Que vont-ils devenir ?
La dramaturgie
Auteure complète, Daria Schmitt s’est adjoint les services du scénariste Vincent Zabus. Il s’est emparé de son univers avec finesse pour créer une dramaturgie particulière. Ce one-shot raconte la résistance de Nel qui refuse de devenir adulte. Mais, c’est avant tout l’histoire d’un retour impossible. Schmitt a voulu que ce récit emprunte à l’univers des contes, une dimension graphique et visuelle, avec l’emploi de couleurs tendres et douces comme dans un livre d’images, ainsi que des références mêlées (l’Odyssée, Pinocchio, Blanche-neige), réinterprétées, comme dans un souvenir, mais qui s’estompent dans une atmosphère fantastique et un climat d’inquiétude permanent. Après Aqua Alta où la ville tenait le premier rôle, elle a eu envie de travailler à une échelle différente. Ici, l’héroïne est la mesure, et le récit est construit autour de ses émotions et de sa subjectivité. Le graphisme est superbe tant pour les décors que pour les personnages.
Un conte fabuleux qu’on lit d’un trait…
Jean Jacobs
L’Arbre aux Pies Schmitt Zabus Casterman
72 pages 13,75 ISBN : 978220305295
Sortie aujourd'hui 16 octobre 2013 chez Vent d'Ouest d'un recueil éducatif sur un des mystères les plus enigmatiques de l'histoire de l'humanité : l'envie de faire pipi des filles.
Les toilettes et les filles… une grande histoire !
Que ce soient les files d’attente horriblement longues, les dames pipi pas très aimables ou la musique d’ambiance kitsch à mort… entre les toilettes et les filles, c’est une grande histoire ! Avec ce Livret éducatif pour les filles qui ont toujours envie de faire pipi, Marie-Périnée Goguenot - latrinologue de renom et spécialiste en pipitologie - nous éclaire, entre textes et illustrations, sur ce fléau que constitue l’envie pressante chez la gent féminine.
Astuces, anecdotes croustillantes et analyses pertinentes composent ainsi cet ouvrage hilarant pour un hymne aux WC et à la vessie pleine. Un album qui pourra également intéresser les garçons (si, si) et peut-être répondre à la question qu’ils se posent TOUS : mais que font les filles aux toilettes pour être aussi longues ?
Il y a la pipiteuse occasionnelle, la fréquente, la multirécidiviste, la véritable passoire, autant de facette à explorer que l'auteur nous délivre avec une précision chirurgicale. Attention, ce livre risque de vous faire pisser de rire et ce, dans ce cas de figure que vous soyez une fille ou un garçon. Prévoyez donc des vêtements de rechange. Du parc de Versailles au concert classique, haut lieux à risque... des files d'attente au road flip, tous vous est détaillé sur ce phénomène urinaire. Des tableaux comparatif entre l'homme et la femme, contribuent à l'analyse pertinente et souligne souvent le désarroi de nos contemporaines. Marie-périnée Goguenot en connait un rayon et partage son savoir. Vous en rêviez et bien le voila. Le livre éducatif pour les filles qui ont toujours envie de faire Pipi ! ... est né !
Si vous n'êtes pas encore convaincu de l'extrême necessité à vous procurer ce manifeste, regardez-donc la bande annonce ci-dessous.
Bernard Simon
Le livre éducatif pour les filles qui ont toujours envie de faire Pipi ! Édité chez Vent d'Ouest, 88 pages pour le prix de 10.50 €.
Né dans le pire endroit que l'univers ait connu, un enfant a grandi parmi les monstres, avant de devenir le pire d'entre eux. Leader, combattant, bourreau, tyran... Devenu homme, l'enfant est devenu conquérant, le plus terrible qui soit. Depuis, il écume les cieux insondables répondant à un appel que lui seul connaît. Khaal est à présent aux commandes du vaisseau alien qui a tenté d'envahir la prison dans laquelle il avait toujours vécu et écume les planètes qui croisent sa route. Un seul choix est laissé aux créatures intelligentes : se soumettre ou être intégrées à son vaisseau monde. Écoeurés par leur frère, les jumeaux de Khaal le quittent, partant à la découverte de cet étrange engin gigantesque sur lequel tous vivent à présent. Le danger est permanent, tapi dans l'ombre, et si l'un des frères meurt, alors, ce sont les deux autres qui mourront dans l'instant, et cela, Khaal ne peut l'accepter !
Il est des séries qui marquent les esprits, il est des séries si passionnantes qu'on en regrette qu'elles soient seulement un diptyque... car il s'agit bien ici du deuxième tome de cette incroyable série consacrée à Khaal, l’Attila du Cosmos. Un maître de guerre dont la folie n'a d'égal que son appétit de conquête. Dans ce deuxième opus, Khaal est devenu le maître absolu de l'univers. Au moyen du vaisseau Xenopsyllien, le vaisseau « Ogre », Khall soumet planètes après planètes et fait régner la mort. Louis, le scénariste, nous plonge dans les tréfonds du personnage mégalomane. Il nous offre des scène fortes, des combats fantastiques, une violence sombre, une homogénéité dans la narration.
Accompagné par le talentueux Valentin Sécher, virtuose qui nous offre une véritable claque graphique avec une technique de coloration étonnante. Sans nul doutes, ils constituent tout deux le duo parfait d'auteurs pour ce space opéra. Aucun détails n'est laissé au hasard et aucun doutes ne s'empare du lecteur qui avide de découverte tournera certainement les pages avec frénésie. Khaal est une série sans failles, au découpage minutieux qui mériterait une adaptation cinématographique. Un des maîtres achats de cet automne 2013.
Khaal, livre second, par Louis & Sécher, 48 pages au prix de 13.95 € édité chez Soleil.
Une collection dirigée par Istin !!!
Encore une BD de qualité. Reprendre les poncifs concernant le Panthéon des dieux Vikings n'est certes point chose rare mais encore moins facile lorsqu'il s'agit de choses que l'on pense connaître.
Tout l'art du scénariste réside dans la manière de transmettre au dessinateur sa vision de l'histoire. Ne pas copier les autres, innover dans un domaine ou tout a déjà été raconté ou presque. C'est une gageure que Péru a le grand mérite d'avoir relevée. Le contrat est rempli. On aime, on s'amuse à vouloir tourner la page suivante. J'aime beaucoup ce genre quand il nous emmène vers les horizons glacés des terres ou se croisent dragons, elfes, nains et autres personnages de la mythologie Nordique. Asgard, Ragnarök, Odin et Thor, voila qui nous suffit pour avaler les deux tomes d'affilée sans temps morts.
Un grand coup de chapeau à Péru pour ce deuxième tome, on ne s'ennuie pas du tout.Une sacré mention particulière à Goux pour la qualité de son coup de crayon, il donne au récit toute la grandeur que réclame les espaces lointains et le charme des personnages. Un bestiaire ou dragons, nains et elfes se côtoient avec une parfaite harmonie. Je note une évolution très positive du dessin du premier album au deuxième. Déjà très admirateur du premier, je suis étonné par l'évolution très franche et positive dans le second. J'aime et je le dis.
Eric Le blanc
Mjöllnir "Ragnarok" tome 2, 56 pages, 14.50 € edité chez Soleil productions.
Dans les toutes premières années de sa vie, Joseph Carey Merrick ne diffère en rien des autres petits garçons de son âge. Mais progressivement, une maladie inconnue va infliger à son corps entier de terribles déformations, le rendant hideux et repoussant. Personne extrêmement sensible, douce et assoiffée d’amour, le garçon devenu monstrueux va être mis au ban de la société : à peine toléré par sa famille, le reste du monde va le rejeter violemment. Son seul moyen de subvenir à ses besoins sera de s’exhiber dans les foires comme monstre, ce qui pousse Joseph plus loin encore dans la marginalisation et l’isolement. On le présente comme « l’Homme-Eléphant », du fait de ses difformités…
Les regards et l’image
C’est une étonnante biographie de Joseph Carey Merrick que Sandawe et sa tribu d’édinautes viennent d’ajouter à leur catalogue. Nous écrivions, au sujet de Corpus Christi, qu’à chaque nouvelle sortie, la petite maison d’édition marquait des points, force est de reconnaître que cette fois c’est un véritable bijou que nous dévoile Patrick Pinchart. Denis Van P a, il y a plus de 20 ans, remporté le prix du meilleur espoir et une 12ème place au regretté festival BD de Charleroi. En 1998, il obtient un master en sciences commerciales et financières mais se remet inconsciemment à écrire puis à dessiner. Et s’il travaille comme cadre au sein d’une grande institution financière française, l’auteur réussit un véritable coup de maître avec ce premier album, épaulé au scénario par Serge Perrotin. Il fallait oser se lancer sur un tel sujet, et il fallait oser l’aborder graphiquement sur un mode semi-réaliste… A l’arrivée, une incontestable réussite. Il y a du Will dans le dessin de Denis Van P, mais plutôt que de s’orienter vers la féerie, c’est vers la noirceur de Londres, d’une époque et des sentiments que l’auteur se dirige. On connaît le destin d’Elephant Man, on connaît son histoire essentiellement grâce au film de David Lynch. Si on ne peut parler de phénomène déclenché par cette destinée tragique, on se souviendra d’une pièce de théâtre interprétée par David Bowie et des tractations d’un certain…Michael Jackson en vue du rachat du squelette de Joseph Carey Merrick.
Ce destin titille nos consciences. Qui se cache derrière l’apparence du monstre ? Qui sont ces gens « normaux » capables d’une telle cruauté ? Denis van P joue sur ces questionnements, entourant parfois son « monstre » innocent d’une foule de visages grimaçants et aussi laids que le sien, mais… « normaux », et on pense parfois à certains masques peints par James Ensor en découvrant ces cases. Qu’est-ce que l’image accolée à quelqu’un. Qu’est-ce que l’apparence et qu’y-a-t’il derrière ? Et puis il y a les regards, tantôt cruels, au mieux dédaigneux, ou innocents et interrogatifs comme ceux de Joseph enfant. Des regards, des silences qui en disent beaucoup. Denis van P fait de son dessin le langage premier de cet album. Les textes sont courts mais certaines cases et leur succession sont d’une puissance évocatrice extraordinaire. On croit connaître Joseph Carey Merrick et son histoire, mais on les redécouvre ici, en y accordant peut-être plus de temps et d’attention que sur grand écran. Encore une fois on est ému, et secoué, et on peut s’interroger sur soi, sur les autres, sur les regards et sur l’image. Denis van P était inconnu, son premier album recèle une émouvante richesse et s’inscrit, pour le moins, parmi les indispensables de l’année. On l’aurait aisément imaginé parmi une collection prestigieuse, c’est un éditeur modeste mais passionné qui nous le révèle, et c’est très bien ainsi !
Pierre Burssens
Après des années de crise politique, la Belgique s’est finalement séparée en deux états. Afin que l’étoile de la République Démocratique de Wallonie brille au firmament des nations, son nouveau président décide d’acheter au gouvernement Chinois la dépouille de Mao Tsé-Toung. Ludmilla et Manon, deux jeunes adolescentes, membres de Fauves de Hesbaye, une formation scoute, sont de ferventes supportrices du président Delcominette. Un président qui lorgne sur les méthodes de Mao Tsé Toung pour diriger son pays et qui pour cela, n’hésite pas à acheter aux chinois la dépouille embaumée du Grand Timonier. Et cela tombe bien, la Chine, qui a basculée dans l’économie de marché, souhaite se débarrasser de cet encombrant symbole d’un temps révolu. La vie de Ludmilla va être bouleversée par différentes rencontres. Elle est blessée accidentellement par Antoine, un jeune garçon fougueux, très critique envers le régime. De son passage en prison (ou plutôt en camp de rééducation par le travail), Antoine fait la connaissance de Frank, l’assassin présumé d’un jeune scout. À leurs sorties respectives, Frank et Antoine cherchent à revoir Ludmilla, mais pour des raisons bien différentes. Car tous ne sont que les pions d’un complot qui se referme inexorablement sur eux.
Et si … La Wallonie devenait une dictature sous les ordres d’un président admirateur de Mao. Que dire de ces formations telles que les fauves de Hesbaye et les combattants de Liège semblables à certains mouvements de jeunesses ayant existé en Allemagne dès 1933. Jean-Luc Cornette plonge le lecteur dans un scénario qui semble plus que surréaliste. Et pourtant, qui peut deviner les conséquences d’une Belgique victime des adeptes du séparatisme. Il tire la sonnette d’alarme tout en appelant à l’intelligence de chacun d’entre nous avant qu’il ne soit trop tard. Les illustrations de cette « future » utopie sont confiées à Michel Constant. Sous un dessin ligne claire, il nous fait découvrir une république Wallonne confrontée à plusieurs problèmes tels que la crise économique, un réseau routier chaotique, une hausse du pétrole incontrôlable et une pénurie alimentaire. Coup de cœur pour ce récit original, inattendu et surprenant délivré par nos deux compères qui au travers de ces divers éléments nous (re)trace la montée d’un système autoritaire et répressif, alimenté avec la complicité des médias par un sentiment d’insécurité instaurant le nid des extrêmes au point d’en devenir un instrument de mise à mort de toutes oppositions politiques.
Niala S.
Le Sourire De Mao par Jean-luc Cornette et Michel Constant, 72 pages au prix de 16 € paru chez Futuropolis.
Le Secret révélé !
Vous aimez Dan Brown, Steve Berry, James Rollins et leurs nombreux confrères bâtisseurs de thrillers ésotériques ? Cet album va vous intéresser. Vous avez horreur des thrillers ésotériques à la Dan Brown, Steve Berry ou James Rollins ? Cet album va vous intéresser.
Le Secret des Papes avait été bien gardé. Il fut même dit que le contenu pour le moins sulfureux de cet album intitulé Corpus Christi empêcha quelques vaillants journalistes d'aller plus avant dans sa découverte... d'autres, en réaction à tant de mystères, avaient même envisagé un appel aux Femen, et pourtant ! Pourtant tout avait bien commencé, avec des gens sérieux, un scénariste connu, un dessinateur appliqué, des érudits, amateurs d'archéologie, un éditeur qui y croyait dur comme fer, entraînant à sa suite son innocente tribu d'édinautes. Et puis...et puis le Secret des Papes se révéla peu à peu. En commençant à tourner les pages de l'album, passé son impressionnante couverture, un dossier narrait l'épique rencontre des différents acteurs de cette production... Et puis, et puis...le doute s'installa et les choses dérapèrent petit à petit... Et si tout cela était à prendre au second degré ?
C'est en effet un véritable ovni dans le petit monde du 9ème art que viennent de publier les éditions Sandawe, selon leur mode participatif. A priori, Corpus Christi a tout d'une aventure ésotérique, mais comme le clamait le slogan d'un célèbre soda, il en a la couleur, la saveur, les allures mais...ça n'en est pas une, ou plutôt si, avec un petit quelque chose en plus, un humour dévastateur et ici, quasi littéralement, joyeusement iconoclaste !
“Thomas Bellec découvre le corps momifié du Christ à Pétra (Jordanie). Une plaquette en araméen semble authentifier ce corps. Mais la preuve finale se trouve depuis 2.000 ans dans un coffre du Vatican. Chaque pape, au moment où il accède à la magistrature suprême, se voit révéler le secret ultime. Le Vatican essaie de persuader Thomas de ne pas diffuser l'information de cette découverte, afin de ne pas perturber des millions de croyants. Pendant que Thomas hésite, Nena Kirsten, qui a appris la nouvelle par Bruno, révèle la trouvaille à quelques personnes. Blake Brennet, un richissime prédicateur, est prêt à offrir une fortune à Thomas pour récupérer le corps, et en faire le clou de sa “nouvelle Rome”. Mais devant le refus de ce dernier, il charge un mercenaire, le major Berry (!), de lui ramener le corps par n'importe quelle méthode, légale ou illégale… » Voilà un “pitch” qui promettait une aventure au suspense haletant !
Et il y en a bien une, d'aventure, mais dans laquelle on pense parfois à Indiana Jones, à Tintin ou même, en ce qui concerne les relations entre certains des personnages principaux, à de vieux films avec Terence Hill et Bud Spencer ! En tous cas, on ne s'y prend jamais au sérieux. François Maingoval et Eric Albert s'en sont visiblement donnés à cœur joie avec ce très décalé Corpus Christi rempli de clins d'œil et de parenthèses décapantes, et, sous des dehors très classiques, avec un dessin réaliste, on s'y amuse de la première à la dernière page, d'autant plus que Maingoval y fait même référence à la récente actualité du Vatican. Son blog (http://maingoval.blogspot.be/ ) est d'ailleurs tout-à-fait dans le ton de ce livre (maudit !) qui pose quand même de grandes questions : le Christ était-il tellement grand que l'on ait envisagé de le couper en morceaux ? Quelle est la solidité réelle des téléphones satellite ? Et puis, l'essentiel, qui va s'envoyer Nena Kirsten en premier ? Ajoutons-y des gendarmes jordaniens tout droits sortis de Tintin, des exploits de varappe dignes de Patrick Pinchart et une nouvelle énigme en suspens : qui était donc la deuxième momie ? Et on tient là un cocktail unique qui fonctionne à merveille. Sandawe marque des points avec chaque nouvel album mais ce que le petit éditeur réussit ici avec cet inattendu Corpus Christi ressemble à un véritable coup de maître. On imagine aisément le battage qu'aurait organisé un mastodonte de l'édition autour d'un tel bouquin... Sandawe a, de son côté, fonctionné à sa manière et a très joliment mené sa barque jusqu'à cette étonnante révélation du Secret des Papes. Quant aux auteurs, ils nous livrent ici un album bien plus marrant que nombre de séries clairement étiquetées “humour”. Tiens, vous avez remarqué, le crâne, en couverture, il a l'air de sourire... Et si la seconde momie était Mona Lisa ? Et si Corpus Christi était la vraie “aventure humoristique” se déroulant à Petra et pas à Marcinelle ? Et si...ben non, pas d'interrogation ni de conditionnel : c'est un coup de cœur ! Amen !
Pierre Burssens
Corpus Christi, « le Secret des Papes », Eric Albert, François Maingoval, 46 p., 11, 95 €, Sandawe
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