Décidément, Dargaud semble bien décidé à révolutionner le monde des croque-morts de la BD. Il est vrai que celui-ci était plutôt dépeuplé entre l'actuel vedette Pierre Tombal et C. Formol, le mythique croque-mort de Lucky Luke. Bon, on le concède, on en oublie quelques uns dans Blueberry et d'autres albums. Mais sinon, les bédéphiles n'avaient que peu de professionnels à se mettre sous la dent, qui soit capable d'enterrer ces charmants héros de cases et de dessin.
Et puis 2015 sonna le glas de ce vide mortifère et funéraire. Du moins, dans le milieu du western. Undertaker est arrivé en premier, et voilà maintenant Stern (pure coïncidence avec la sortie du premier cité), par les frères Maffre. Et ça augure du bon! Tous à vos pioches.
Kansas, 1882; une charrette emmenée par un cheval s'approche de la ville de Morrison. À son bord, le triste valet de la mort, Stern. Elijah, c'est son prénom, mais peu importe pour les habitants de cette ville aride et hostile, shérif en tête. On se contentera donc de Stern. Un homme en noir, pas des plus beaux, dont la profession fait l'austérité et la solitude. Pourtant Stern est cultivé, aidant. Par dessus tout, c'est un as de la mise en bière. Un esprit vif aussi.
Et son petit doigt lui dit que le mort auquel il a affaire cette fois, retrouvé au lit d'une prostituée, a quelques secrets à lui confier. Dans son coin, Stern va mener l'enquête et de sa pelle, il va s'aider pour mieux défoncer les scellés d'un dossier trop vite classé sans suite, revolver pointé vers le ciel pour réclamer silence et imposer la version officielle.
Nous le disions, pour leur cru 2015, les Éditions Dargaud frappent fort pour décomplexer un des personnages les plus sous-exploités que l'univers du western ait connu. D'autant que la figure du croque-mort est riche, encore plus lorsque celui-ci est sorti de son "espace de confort". Ainsi, les frères Maffre, Frédéric au scénario et Julien au dessin et à la couleur (nous l'avions déjà vu dans les deux premiers tomes de La Banque) s'emparent du personnage pour lui imposer leur champ créatif, revendiqué des Coen, du Eastwood des hautes plaines et du Deadwood de la chaîne HBO (excusez quand même du peu!).
Leur croque-mort, ils le stylisent, lui donnent une aura (malgré son peu de charisme auprès des habitants de Morrison, vous l'aurez compris). Ils l'isolent pour le rendre attachant et l'asseoir en tant que héros d'une série singulière qu'on verrait bien durer. Car elle est originale, qu'elle balaie un peu la poussière que tout le Kansas peut contenir et qu'elle tire profit de toute l'ambiguïté de son personnage: entre la noirceur des morgues improvisées et la lumière pétante du soleil torride qui baigne les efforts de Stern dans l'inhumation de ses clients.
Dessin grandiose (le trait de Julien Maffre a ceci d'incroyable qu'il nous immerge dans son histoire et donne une impression de profondeur, vertigineuse parfois), enquête loin de jouer la facilité et personnages westerniens ne manquant pas de psychologie font de ce premier tome un bon cru. De ceux, avec Undertaker, capable d'anoblir l'une des plus improbables professions pour un héros de BD. Un premier opus en grande pompe... funèbre, forcément.
Série: Stern
Tome: 1 - Le Croque-Mort, le clochard et l'assassin
Scénario: Frédéric Maffre
Dessin et couleurs: Julien Maffre
Genre: Western, Enquête
Éditeur: Dargaud
Nbre de pages: 64
Prix: 13,99€
Date de sortie: le 28/08/2015
Par Alexis Seny
Quelques mois après le premier tome d’un diptyque très sombre (L’insurrection), Marzena Sowa revient avec une histoire ensoleillée, qui sent bon le marché traditionnel et les jolis soucis d’enfants encore préadolescents. Un album qu’elle nous avait présenté comme une histoire à la Jacques Tati, elle ne s’était pas trompée. Et le dessin d’Aude Soleilhac ne fait que renforcer la beauté mignonne de cette histoire ordinaire de charme. Ça s’appelle Histoire de poireaux, de vélos, d’amour et autres phénomènes… Un titre à rallonges et enfantin pour une aventure très sympathique.
Chaque semaine, c’est pareil, il est plus tôt que l’aurore dans la ferme de Vincent et ses parents. Mais comme chaque jour de marché, l’heure est au réveil et, sans tarder, Vincent va devoir aider à charger le camion de son maraîcher de papa, pour ensuite gagner, avec les premiers rayons du soleil, le marché de la ville. Est-ce que Vincent y rechigne? Pas le moins du monde, le marché c’est l’occasion d’une parenthèse: bien sûr, il aide ses parents à la vente des poireaux de saison; mais il rejoint aussi, le temps de pauses plus ou moins longues, ses camarades, sous les regards amusés des marchands. Et parmi ces camarades, il y a aussi Marie, belle comme une fleur cajolée par son papa, fleuriste. Marie, ça a tout l’air d’être le premier amour de Vincent. Mais dans l’affaire, il y a aussi ce « fils de riches » et trop confiant, Andréa. En plus, lui, il a même un vélo…
Histoire de poireaux, de vélos, d’amour et autres phénomènes… c’est une autre manière de voir l’amour entre des enfants, diamétralement opposée aux Titeuf, Petit Spirou et autres Cédric, un premier amour dans la cour du marché. Une histoire entre souris des villes et souris des champs, entre gamins champêtre et d’autres citadins qui se mêlent dans la joie colorée de marchés comme on n’en fait plus ici (vous avez déjà vu les marchés de Belgique? On y retrouve bien quelques vendeurs de légumes traditionnels et autres bouchers mais sinon, que viennent faire des vendeurs de breloque et de biloko. On est bien loin de la saveur des marchés anciens et si beaux, ceux chantés par Bécaud).
Car oui, ce marché n’est pas loin d’être un des personnages principaux de cet album. Littéralement, il prend vie grâce au trait et aux couleurs très vivants d’Aude Soleilhac. Ce marché comme une oasis au cœur de la ville, lieu de tous les accents et de tous les possibles le temps de quelques heures, où tous se connaissent et où la mixité se crée entre les bourgeois et leurs petites exigences et insolence et insouciance des gosses. Avec un réalisme presque documentaire, Marzena Sowa signe une histoire qui n’a l’air de rien mais nous conquiert, d’autant plus qu’il semble y a voir eu symbiose entre les mots et les dessins de Marzena et Aude. Un bien bel album, au cœur de l’enfance, des marchés oubliés et d’un humour tendre et poétique.
Alexis Seny
Histoire de poireaux, de vélos, d’amour et autres phénomènes par Marzena Sowa, Aude Soleilhac, Bamboo.
80 pages, 15.90 €
ISBN : 9782818933787
Une autobiographie d’un homme qui se retrouve éditeur un peu par hasard. On va suivre l’évolution de sa structure où lui-même se rend compte que la frontière entre sa vie professionnelle et sa vie privée est quasi inexistante... Un ouvrage parfois cru et dur mais qui donne pour la première fois la vision du côté éditorial.
Que se passe-t-il dans la tête d’un être humain lorsque celui-ci décide de partager son autobiographie avec le commun des mortels ? Est-ce par voyeurisme, par défi où une remise en question de son propre parcours ? Pierre Paquet ose où certains auraient hésité à franchir le pas. Mais qui est réellement Pierre Paquet ? Vous découvrirez à la lecture de ces 256 pages le parcours chahuté d’un homme que rien ne destinait à être à la tête de la plus grande des petites maisons d’édition. Une autobiographie parcourue à travers une course contre la mort de son meilleur ami et confident « Fiston ». A la vision des vingt années évoquées, Pierre partage ses difficultés humaines afin de trouver le véritable amour mais aussi les différents conflits pouvant naître lorsque l’on est confronté à d’autres personnes qui vous prennent pour un escroc. Mis sur la touche par certains, il évoque les entraves à se relever après chaque coup reçu. Incapable de reporter son amour et sa vie affective sur des relations humaines, il trouve le réconfort auprès de son chien. Beaucoup de personnes se reconnaîtront au travers des expériences partagées par Pierre. Le titre peut paraître choquant mais à l’intérieur de l’ouvrage, on retrouve un humain confronté à ses joies et à ses peines. L’autobiographie est pour moi un exercice dont on ne sort jamais intact car en partageant une partie de sa vie intime avec le grand public c’est violer son propre jardin secret. Pierre a confié les illustrations de sa vie à un dessinateur espagnol (Jésus Alonso) qui réussit à captiver les lecteurs au moyen d’un dessin moderne respirant la fin de l’adolescence et le passage à l’âge adulte. Un ouvrage qui trouvera écho auprès d’un public composé majoritairement d’adulte.
Alain Haubruge
P.D.M par Jesus Alonzo & Pierre Paquet, Éditions Paquet
256 pages, 25 €
ISBN : 9782888904755
Les 3 fruits, c’est un conte macabre et noir, décalé dans un temps médiéval et fantasy lointain, mais aussi calé dans les plus bas instincts de l’homme, d’hier… ou d’aujourd’hui. Ainsi, se retrouve-t-on plongé dans l’histoire de ce roi qui, non content de garder pouvoir et paix sur son royaume, voulait s’approprier la vie, la contrôler. Vivre à jamais en somme. Non parce qu’il rêvait de jeunesse éternelle, mais parce qu’il craignait trop la mort que pour la subir. Décadent et en pleine folie obsessionnelle, le roi eut tôt fait de trancher la gorge à ses plus proches et fidèles savants, parce qu’ils n’avaient pas la réponse à sa question: « Que dois-je faire pour ne pas mourir?« . Se présenta alors, lorsque le royaume fut dépeuplé de ses hommes de savoir, un mage obscur quiPage 4 proposa un marché au souverain. En échange du mariage de sa fille, l’homme donna la solution au roi vieillissant. Pour s’assurer la vie éternelle, le roi devra manger la chair du plus valeureux de ses trois fils. Leur faisant miroiter l’accession au trône et à la couronne, le fou envoya donc ses fils aux 3 coins du royaume affronter d’invincibles monstres pour prouver leur robustesse.
Énième variation du pacte avec le Diable? Oui, Les 3 fruits l’est certainement, mais avec l’inventivité et l’originalité qui nous font dire que le contes de nos jours peuvent faire bien plus que répéter ceux du passé. Et que les fables de La Fontaine peuvent sortir de leur jour enfantin pour revêtir leurs atours humains et glaçants. Encore plus lorsqu’elles sont rendus par le style unique du dessinateur Oriol. Encore plus flou, plus étiré, plus fantomatique, plus pictural et plus « ambiancé » que dans sa précédente collaboration avec Zidrou (le surprenant et excellentLa peau de l’ours). Et si le lecteur est pris à revers par le genre de cette bande dessinée, il est plongé, immergé complètement dès les premières des 78 pages de cette BD fantastique. Fantastique parce que contemporaine aussi, traitant de l’habituel thème de la peur de la Page 11mort, mais également du mariage forcé, de la lâcheté et de la volonté d’assouvir ses désirs les plus cruels à n’importe quel prix. Bref, ce royaume n’est pas si loin de celui que nous contemplons chaque jour, qui est à notre porte… non, bien plus, qui est chez nous, en chacun de nous. Et que Zidrou et Oriol sont redoutables pour conter nos démons! C’est élégant, menaçant, identitaire, ultra-sombre mais d’une grande beauté et diablement emballant. C’est loin d’être kitsch et Monstrueusement conseillé, donc.
Alexis Seny
L'avis de Jean Jacobs :
L’immortalité
Un Roi se dirige vers la fin de sa vie après quarante ans de règne dans un royaume florissant. Il est fier de lui. Aimé de ses sujets, il a épousé la femme qu’il aimait. Ils ont eu quatre enfants. Mais, le Roi est terrifié à l’idée de mourir. Il ne pense qu’à cela. Il demande à son fou de l’aider. Ce dernier lui dit qu’on a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Il lui faut apprivoiser la mort. Le Roi invite les plus grands sages pour en savoir plus. Aucun d’eux ne sait comment échapper à la mort. Le Roi les décapite et tue son fou. Plus tard, un mage se présente au Palais et dit au Roi qu’il sait comment devenir immortel. Un marché est conclu avec ce personnage diabolique.
Un conte cruel
Zidrou et Oriol nous avait délectés avec « La peau de l’ours ». Ils reviennent dans un registre différent mais aussi puissant. Le scénariste Zidrou nous offre un conte cruel, classique et moderne. Comme dans tout conte, un élément va perturber la paix d’un royaume et envoyer trois princes dans une quête insensée. Zidrou respecte la structure de la fable, mais nous livre une histoire surprenante. Quoi qu’il se passe la conclusion sera négative. Graphiquement, Oriol se déchaine et change de registre. Il joue sur les ombres avec des cases sombres et des formes qui font penser aux fantômes. Les ombres sont associées aux faits graves. Les décors et les personnages sont sombres.
Un one-shot fabuleux…
Les 3 fruits par Zidrou & Oriol, Dargaud.
16.45 €, 80 pages
ISBN : 9782505019411
Louis de Funès fut un acteur avec un grand A. Son génie était proportionnel au talent qu'il avait de faire rire ses contemporains. Il a fasciné le public pendant des années. Sa pugnacité et son perfectionnisme poussé à leur paroxysme font qu'encore de nos jours il parvient à faire s'esclaffer tout un panel de générations. Mais derrière le comédien se cachait un être doux et discret, à la timidité extrême et à l'anxiété prononcée. Un être d'une personnalité complexe...
Une biographie à la hauteur du maître.
Il s'agit d'une vie narrée via une biographie romancée que François Dimberton raconte avec passion et admiration. Le scénariste de Taxi Molly et du célèbre "le dessinateur" explique rigoureusement et chronologiquement les moments cruciaux de la vie de cet acteur emblématique du cinéma français. Nous découvrons l'enfance de Louis et ce qu'il l'a mené à se diriger vers cette profession tellement décriée à l'époque, considérée comme un travail de saltimbanque par ses ainés. Nous apprenons aussi avec quelle angoisse il appréhendait le fait de ne plus avoir de succès, se forçant ainsi à se dépasser sans arrêt, se poussant dans ses retranchements avec les ennuis de santé qu'on lui connaîtra plus tard. Alexis Chaber nous propose un belle illustration de De Funès, un trait léger agrémenté des couleurs de Magali Paillat qui s'accordent parfaitement au graphisme. Voila donc un biographie très plaisante à lire, instructive, sans lourdeur sur un être d'exception. Une réussite qui aurait plus à ce cher Louis de Funès... sans aucun doute.
B.Gilson
Louis de Funès, une vie en bande dessinée par Dimberton & Chabert, Delcourt.
128 pages, 16.95 €
ISBN : 9782756052342
« La malédiction des furies est partout autour de nous… Je la sens. » Entre complots et politique, manigances et trahisons, Alix et Auguste s’affrontent dans une joute aussi dangereuse que perverse. Qui va sortir grand vainqueur de ce duel qui ne se joue pas qu’à deux ? Bien malin qui pourra le deviner.
Alix n’est plus le jeune homme fringuant que l’on a connu, mais son caractère est reconnaissable. Les années ont passé mais le gaulois reste fidèle à ses valeurs. Il faudra qu’il soit poussé dans ses moindres retranchements pour devoir prendre une décision irrévocable.
Les auteurs nous proposent une tragi-comédie antique. On est là où l’œuvre de Racine prenait ses racines, quelques siècles après Sophocle et Eschyle. Les auteurs jouent avec les personnages pour les amener vers un coup de théâtre final, un grand bluff. Ce terme n’aurait pas été si moderne, l’album aurait d’ailleurs pu s’appeler ainsi.
Valérie Mangin a ingéré, digéré et s’est approprié toute l’œuvre de Martin, les grandes tragédies romaines, ainsi que les codes des meilleures séries télévisées. La génération « jeux de rôles » est aussi passée par là. Elle prend et surprend le lecteur à son propre jeu. Les dialogues théâtraux donnent une dimension à la fois classique et véridique au récit. Après avoir été surpris par Les aigles de sang, après avoir été rassurés par Le dernier Pharaon, cette Conjuration des rapaces confirme la position de la scénariste dans le groupe des maîtres en la matière. Cet album donne envie d’aller jeter plus qu’un coup d’œil sur les autres productions de Valérie Mangin.
Thierry Démarez semble prendre de plus en plus de plaisir, en particulier dans les décors et monuments. Outre Jacques Martin, la lumière d’un autre spécialiste de l’époque plane sur son travail. En effet, un des coups d’éclat de la carrière de Gilles Chaillet ayant été une reconstitution gigantesque de la ville de Rome dans l’Antiquité, il pourrait être fier du travail de Démarez.
Denis Bajram enrobe le tout dans une maquette magnifique. Dès la page de titre, aux effets « pierre gravée », le lecteur est amené dans un voyage dans le temps dont il ne reviendra qu’une fois l’album terminé.
Alors que dans les remises de prix, il n’y en a malheureusement quasiment plus que pour les one shots, ce troisième épisode d’Alix Senator a tout pour intégrer la liste des meilleurs albums de cette fin d’année.
Laurent Lafourcade
Alix Sénator tome 3 par Mangin, Démarez & Martin.
48 pages, 13.50 € édité chez Casterman
ISBN : 9782203078581
À bord de sa goélette, David Grief voyage entre les îles Salomon où il a établi son négoce. Homme d'affaires impitoyable mais honnête, il n'exige que ce qu'on lui doit, quitte à risquer sa vie lorsqu'il réclame une dette impayée ! Une mystérieuse vente de perles le conduit vers l'île de Hikihoho, où vit le vieux Parlay, roi autoproclamé d'une communauté indigène. C'est là que des hommes aux prises avec leurs passions vont être confrontés à la violence dévastatrice d'un ouragan.
Un homme droit
Les Salomon, une mission de 13 semaines pour le capitaine Herring. Le but, rassembler les plus importants négociants du pacifique à savoir les Francini, Jacobsen, Isaac et autres pontes... tous sauf David Grief alias le Fils du soleil, un sobriquet attribué par les indigènes locaux et à qui tout réussi...ce qui à le don d'agacer, en toute logique. Grief est un aventurier très astucieux, à l'esprit vif et irréprochable. Tiré d'un roman de Jack London paru en 1912, voici donc cette aventure adaptée en BD par les non moins talentueux Fabien Nury et Eric Henninot. Ils nous deservent une aventure en one-shot à couper le souffle. Rythme et action sont au rendez-vous agrémentée de situation très tendues qui ajoutent toute la saveur d'un récit admirablement bien mené par le scénariste. Une histoire de vente de perles aux enchères aux implications innatendues. Quelques flash-Back judicieux sont ajouté afin de parfaire le compréhension de la lecture. Vous vous surprendre à prendre parti pour le héros tellement le récit est bien ficelé. Graphiquement Eric Henninot, connu pour les XIII mystery, Carthago ou encore les chroniques de Légion est toujours aussi incroyablement doué et nous offre un dessin impeccable, des traits fabuleux et un sens du découpage et du dynamise des personnages poussé à son paroxysme. Une adaptation qui mérite de figurer dans le top 10 des sorties de l'année 2014. Un des matre achat du moment sans aucun doute.
Denis Pirlet
Fils du soleil par Nury & Henninot, Dargaud
80 pages, 19.99 €
ISBN : 9782205070477
Humiliée, Isabelle n'a de cesse de se venger de ses tourmenteurs. Tiraillée par ses propres sentiments, elle laisse son amour pour Roger Mortimer prendre des proportions démesurées au risque d'aggraver les tensions avec son époux et son peuple. Les conséquences de ses actes vont mener les couronnes de France et d'Angleterre vers une guerre fratricide de plus de cent années.
Quand un scénariste de talent et rigoureux collabore avec son épouse passionnée d'histoire , on ne peut qu'exceller .
C'est le cas dans ce deuxième tome clôturant l'histoire passionnante de cette reine qui subit tant de revers face à son mari homo notoire qui se servit d'elle à son avantage. Cela forgea un caractère très fort et sans concession lorsque son heure arriva.
Le scénario retrace la vie de cette femme qui eut un destin extraordinaire dans les joutes politiques que se livrèrent la France et l'Angleterre . Fortement bien construit par leur connaissances de l'histoire , ce deuxième tome tient parfaitement ses promesses. On ne se lasse pas de voyager dans la trame de ces intrigants d'extraction noble que de profiteurs de cours.
Nous revivons au travers de cette histoire dans le moyen âge, les cruautés et les manœuvres pour s'arroger le pouvoir ou le maintenir à tout prix.
Mention très bien pour le caractère historique de ce tome.
Quand à Jaime Calderón, pas de surprises pour ce très talentueux dessinateur hyper perfectionniste et très doué. Certainement un des dessinateurs actuels les plus forts dans son art, avec ce petit plus, qui réside en la faculté à pouvoir changer de style, sans être attaché à un type de dessin ou d'époque. Son talent atteint déjà des sommets, que nous donnera t 'il dans quelques années ? Je n'ai aucun doute sur la progression de son art.
Ses dessins sont de hymnes au détail, des traits nets et clairs, (comme on dit dans le jargon des collectionneurs) il réalise de véritables prouesses graphique. Il dessine comme vous feriez un cliché photo. Un régal.
Une question me taraude, pour petit clin d'oeuil sur la petite histoire de la BD : Jaime, aurais tu pris comme modèle Fabrice Le Henanff pour la case centrale de la page 11 ???
Ressemblance assez troublante n'est-ce pas cher ami !!!
En quelques mots, je me suis bien régalé sur la valeur historique et la valeur graphique de ce magnifique diptyque.
Erick Dewit
Isabelle la louve de France Tome II par Thierry Gloris, Marie Gloris & Jamie Calderon
Glénat, 56 pages, 15,50 €
ISBN : 9782756054186
Un épisode qui suscite encore beaucoup d'interrogations et de sentiments très divers de la part des Français.
"Les événements d'Algérie" pudiquement dit, un pan très colonialiste qui opposa les Français estimant ce territoire comme faisant partie intégrante de la métropole Française. Les pieds noirs à cheval entre leurs origines mélangées et les Algériens indépendantistes qui lutaient pour l'Algérie libre. Ceux-ci s'opposant à toute une frange de la population estimant être des Français à part entière dont les anciens combattants de la seconde guerre mondiale, fiers de leur devoir accomplis sous le drapeau tricolore.
Richelle nous raconte un peu l'histoire de cette période noire qui se déroule non pas en Algérie mais bien en France, où vivait une large population Algérienne partagée entre les pro-nationalistes qui pratiquaient le racket de leurs congénères, afin de financer la guerre contre l'occupant français en Algérie et les Algériens "Français" dans l’âme qui ne souhaitaient pas participer à ces financements occultes qui profitaient au terrorisme aveugle.
Tout le monde, ou une grosse partie du public, a déjà vu et revu des films comme "les centurions" évoquant la guerre sur place, avec tout ce que comporte l'humain de triste et de mauvais, s'est rependu par des actes comme la torture généralisée sur les populations civiles comme partisanes. Les attentats aveugles, les massacres d'innocents, les vengeances malsaines... Certains noms se sont illustrés de manière modeste à cette époque mais sont devenus beaucoup plus connus actuellement, et pas toujours de la plus belle des manières comme par exemple Jean marie lep..... du front national.
Il y eut aussi pas mal de dissensions entre généraux français et gouvernement métropolitain sur la conduite à adopter pour définir la marche à suivre face à ces événements. Il fallut mater certains renégats Français de haut rang.
Une frange de la population qui était pro-française s'est retournée contre la métropole à cause du manque de jugement et de discernement des autorités par rapport aux traitements honteux sur les populations. L'usage généralisé de la "gégène" , les emprisonnements arbitraires...
Ici, Richelle nous dispense un cour sur le travail des infiltrés en France qui étaient en lutte contre les Harkis qui eux travaillaient pour le France contre les éléments révolutionnaires indépendantistes. Bel exercice historique ou l'on nous montre que la guerre ne se déroulait pas seulement dans les territoires nord Africains mais bien en France.
Une belle série historique qui trouve ici un très bon exemple des mentalités racistes et injustes qui poussèrent une bonne partie des Algériens à vouloir leur indépendance face au racisme primaire d'une partie de la population Française pure souche .
Bien charpenté, ce récit nous fait prendre conscience que la guerre se déroule de diverses manières et dans divers territoires, pas toujours ceux ou explosent les bombes et les grenades.
Le dessin de Favard style ligne claire est très bien en phase avec le récit, il nous plonge dans cette période sans que l'on puisse identifier un dessin trop moderne. Il est en parfaite harmonie avec le thème et la période.
En bref, une bonne BD de la part de deux bons auteurs, l'un dans le récit historique et l'autre dans un dessin adapté à celui-ci.
E. Dewit.
Les mystères de la 5ème république tome 2 - Octobre noir par Richelle & Ravard, Glénat.
56 pages, 14,50 €
ISBN : 9782723496650
Enfin la voila cette BD tant attendue. Un mélange à la fois historique et romanesque mêlant crimes sexuels sordides aux relents d'antisémitisme et passé historique de notre bonne vielle Belgique.
Gihef et Renaud, un improbable tandem qui a vu le jour, une association qui nous a tous surpris . Et pourtant, cela marche parfaitement. Un binôme associant deux générations totalement différentes.
Au scénario, Gihef nous a sorti un polar nous faisant passer de manière anachronique entre Belgique et Autriche dans un terroir ou l'antisémitisme était très ancré. Dans l'Autriche d'avant guerre, le sentiment anti-juif était fort à la mode. Allemands comme Autrichiens attribuant tous les maux de la défaite de la première guerre mondiale et les réparations de guerre aux seuls juifs qui pourtant ont combattus dans les rangs des teutons.
Rappelons qu' Hitler était bien Autrichien et pas allemand.
Katja notre héroïne amoureuse d'un juif autrichien avant l'Anschluss (annexion de l'Autriche par l'Allemagne Nazie) voit la chasse aux juifs battre son plein. Elle est recrutée par un réseau de résistance et envoyée en mission en Belgique pour approcher Léon Degrelle,"grand commandeur" de la légion SS WALLONIE, composée de volontaires Wallons farouchement opposés au bolchevisme. La Waffen SS WALLONIE fut une des multiples légions de volontaires européens comme la division Charlemagne en France et bien d'autres dans toute l’Europe. Dergrelle était chef du parti Rex, organe d’extrême droite politisé à outrance. Adolphe Hitler a dit de Degrelle que s'il eut eu un fils, il aurait voulu que ce soit lui.
Plongés dans la Belgique sous l'occupation, nous découvrons les méandres de la presse Belge sous l'occupation. La propagande Allemande dirigée par les services de Goebels tient sous sa main de fer les écrits de journalistes et directeurs de presse acoquinés à l'occupant.
Le point central du récit tourne autour de l'édition du faux soir , et de crimes sadiques à caractères sexuels.
Le faux soir fut un acte de bravoure et un haut fait de résistance.
Pour les passionnés d'histoire, il faut savoir que la rédaction du faux soir fut en partie réalisée dans les caves du restaurant 'le vieux pannenhuis " à Jette, endroit qui depuis des siècles a vu défiler des grands de notre monde comme napoléon et le roi Léopold. Un exemplaire original du faux soir est à la disposition des clients dans l'établissement.
Gihef nous fait ressentir l’atmosphère de cette époque ou l'on passait du jour au lendemain, du côté du canon du fusil vers lequel pointait la direction et donc... la politique.
La fin du règne des Allemands a vu nombre de personnes aimant les occupants retourner leur vestes au gré de la reconquête des villes par les alliés.
Aborder une telle période en mêlant l'histoire et le roman noir est assez complexe. Gihef assume très bien ce défi.
Renaud quand à lui nous offre une apothéose de maîtrise de son art. Il a excellé dans son style de dessin si reconnaissable et si particulier. On ne saurait se tromper. Je sais que son appréhension était de coller à la réalité uniformologique dans ses dessins et le pari est relevé. Renaud avec ses 78 ans nous offre un florilège de planches ou il nous livre son art au sommet. Voir en particulier les pages 38-39-45 entre autre, on ne s'y trompe pas. Qui ne reconnaît pas l'abattoir d'Anderlecht avec son taureau qui trône actuellement devant le "Mozart".
Belle expression de notre Belgitude, bel hommage aussi pour notre pays magnifique. Renaud en toute grande forme avec ses dessins typiques et sa colorisation reconnaissable entre tous.
Les représentations de Katja et du chef de Rex sont magiques.
Renaud signe ici son apothéose. Nous attendons le tome 2 avec impatience et nous inclinons devant une telle vigueur dans son trait.
E.Dewit
D'encre et de Sang par Gihef & Renaud, Sandawe
48 pages, 15 €
ISBN : 9782930623269
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