« - J’arrive d’abord à Saint-Malo, chez ma sœur qui est naturalisée française. Elle s’est mariée il y a longtemps et son mari est quelqu’un d’agréable. Au Cameroun ? J’ai validé mon bac plus 4, en droit des affaires… Et puis j’ai passé des concours mais il n’y avait pas de travail. Alors avec l’aide de ma famille, j’ai pu venir en France. Je me disais qu’avec mon niveau d’études, je pourrais trouver un emploi, payer des impôts… J’avais envie d’exister… Mais à l’arrivée, j’étais face à d’autres réalités. »
Elle sont déracinées, et pourtant elles dansent…
Elles ont tout quitté, leur pays, une partie de leur famille, et pourtant elles dansent…
On les a brisées, et pourtant elles dansent…
Certaines n’ont plus d’identité, et pourtant elles dansent…
Elles réclament le droit d’asile, et pourtant elles dansent…
Au sein de l’association Femmes en Luth, à Valence, des femmes immigrées venant de divers pays racontent à tour de rôles à Vincent Djinda, l’auteur, leurs parcours de vie.
Au travers d’un album témoignage, Djinda livre de manière brute et objective les aventures, avec tout le côté tragique que ce terme pourrait avoir, de ces femmes réfugiées en France. Leurs conditions de victimes ne les empêchent pas de culpabiliser. D’Afrique ou du Kosovo, de Tchétchénie ou d’Albanie, elles ont pris le risque de tout quitter pour un El Dorado qui n’est pas aussi rose que ce qu’elles espéraient.
Il se dégage de leurs récits dramatiques de véritables leçons de vie. Pourquoi un beau (?) jour ont-elles été contraintes de fuir ? Comment ont-elles décidé de ne pas baisser les bras, de se battre et d’aller de l’avant ?
Dans un graphisme au lavis et une uniformité de tons proche du sépia, Vincent Djinda semble mettre un filtre entre ces femmes et le lecteur. Mais il ne faut pas voir ce filtre comme une barrière. C’est une paroi poreuse qui à la fois aide à supporter les histoires violentes que l’on absorbe de plein fouet, mais aussi semble protéger les témoins face à un monde occidental qu’elles intègrent mais qui ne les accueille pas à bras ouverts.
Dans les yeux de ces femmes, la pupille et l’iris se confondent comme dans une recherche d’identité, comme si elles attendaient que la France fasse briller leurs regards et leur redonne des couleurs pour des lendemains qui chantent.
Comme un rappel à l’espoir, Gift, enfant turbulent, illumine les rencontre de son sourire communicatif symbole d’avenir.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront. » Cet extrait de Rougeur des matinaux, de René Char, chapitre un ouvrage engagé, émouvant et qui donne l’envie d’ouvrir les bras.
Et pourtant elles dansent… est un livre vecteur d’humanité.
Laurent Lafourcade
One shot : Et pourtant elles dansent…
Genre : BD-reportage
Scénario, Dessins & Couleurs : Djinda
Éditeur : Des Ronds dans l’O
Nombre de pages : 280
Prix : 28 €
ISBN : 9782374180403
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