« Un blog peut proposer une dose d'humour quotidienne, mais ce n'est pas suffisant pour en faire une BD »
C'est à quelque jours de la sortie de son premier album, le tome 1 de « le Chômeur et sa belle » que nous avons interrogé Jacques Louis. Une interview placée sous le signe des « premières » : premier tome d'une série, premier album pour l'auteur et premier bouquin paraissant chez Dupuis financé et porté par le label « My Major company ». Et puisqu'on parle du financement, là aussi on peut évoquer une « première » puisqu'en 5 jours seulement la somme nécessaire à la concrétisation du projet était atteinte!
Bonjour Jacques. Comment vous sentez-vous à quelques jours de la sortie en librairie de votre premier album ?
Ouh la, je suis à la fois très content mais aussi, je l'avoue, un peu angoissé. Quelle sera la visibilité du bouquin ? Est-ce que les gens le trouveront facilement ? Est-ce qu'on le repèrera bien parmi les autres albums sortant à cette période ? Voilà autant de questions qui me tracassent un peu... Ceci dit, l'aventure vécue avec My Major Company, la confiance placée dans le projet par MMC et Dupuis, les bons retours déjà obtenus, l'aide reçue sont des éléments rassurants, et puis c'est tout de même l'aboutissement d'un gros boulot !
Chronologiquement, quelles sont les étapes du projet ? « le Chômeur et sa belle » avait bien été publié dans Spirou, non ?
Oui, la pré-publication a débuté en 2010 et s'est arrêtée vers juillet-août 2011, et c'est en octobre que le projet a été inscrit dans la dynamique de My Major Company. Lancer un premier tome est très compliqué, plus qu'un problème de budget il faut que le projet attire, suscite la curiosité et, idéalement, l'engouement. My Major Company occupe une bonne place sur le web et a déjà son public, c'est donc un avantage certain. Ils recherchaient des auteurs qui débutaient, ou presque, des jeunes projets, en tous cas, et la pré-publication dans Spirou constituait déjà un atout non négligeable, avec un public de ce côté-là aussi...
Résultat : un financement extrêmement rapide. Vous vous y attendiez ?
Pas du tout, j'espérais y arriver grâce à mon public sur internet, puisque c'est sur un blog qu'est né « le Chômeur et sa belle », et a priori, ce qui m'intéressait avec My Major Company, c'était la visibilité du projet. J'espérais y arriver en quelques mois, d'autant que les édinautes se situent généralement dans une tranche d'âge allant de 20 à 30 ans qui correspond au public auquel s'adresse, selon moi, la série... Et là, en 5 jours, la somme nécessaire était atteinte, sans que je puisse réellement vous dire à quoi c'est dû...
Vous parlez d'une série, le tome 2 se réalisera dans les mêmes conditions ?
Oui, ce n'était peut-être pas prévu à la base, mais vu la manière dont ça s'est déroulé pour celui-ci, on devrait fonctionner suivant les mêmes principes pour le 2. Ca permettra aux lecteurs de découvrir l'album avant son apparition en magasins et j'aimerais bien associer de manière plus importante les édinautes au processus de création... On démarrera ça avec MMC d'ici quelques semaines.
Vous avez déjà des pistes pour ce second album ?
Oui, l'idée de la série est celle d'un couple qui dure malgré ses différences, donc les personnages devront évoluer en tant que couple, en passant par différentes étapes... La belle va croire qu'elle est enceinte, ce qui va remettre pas mal de choses en question. Le chômeur n'est vraiment pas prêt à cela, il n'a pas évolué dans sa recherche d'emploi et il a même arrêté de peindre, mais beaucoup d'amis et de connaissances vont intervenir dans ce tome 2, et le thème de l'amitié y sera très présent...
Quelle est réellement la part autobiographique dans « le Chômeur et sa belle » ?
C'est difficile à définir précisément mais elle est toujours présente. Je pense que dans certaines circonstances j'ai sans doute réagi comme mon personnage, et je pourrais encore le faire. Par contre, je le présente comme un glandeur, ce qui n'est pas possible pour quelqu'un qui cherche à percer dans la BD, comme c'était mon cas, mais il y a des choses qui me ressemblent, hein... Je dirais que je ne peux pas faire quelque chose que je ne comprends pas sans y croire moi-même... Et ça correspond à une période de ma vie où ma Belle m'a laissé tout faire pour concrétiser ma passion, la BD. Dans l'album, il s'agit de peinture...
Avec ce titre et sur ce thème, vous auriez facilement pu basculer vers quelque chose de lourd, caricatural ou correspondant aux clichés tenaces du chômage, mais vous conservez une distance, un équilibre qui fait que tout passe très bien...
Je voulais éviter ces clichés négatifs, et je crois que justement la part autobiographique m'y aide. Je ne décris pas un chômeur qui profite du système, qui profite des autres... Mon personnage a un certain état d'esprit, peut vivre de peu, ça le caractérise très fort... Mais ce premier album expose surtout une situation de couple à une période de sa vie. Le chômage n'y est pas mis à l'avant-plan, et c'est quelque chose qui, pour moi, s'est construit naturellement quand j'ai commencé à travailler sur le projet. Mais mon chômeur devra aussi honorer des rendez-vous avec les services de placement, recevra des rappels et court toujours le risque de perdre le droit à ses allocations! On a beaucoup hésité sur le titre, mais actuellement je me rends compte que, justement, les gens ne s'attendent pas à ça et sont surpris positivement. Donc ce titre amène quelque chose de chouette !
Le Chômeur et sa belle est né sur un blog, c'est aussi le cas du « Maki » de Fabrice Tarrin ou des « Autre gens » pour ne citer que des séries Dupuis. Le blog est-il devenu un espace privilégié de création ?
Je ne parlerais pas vraiment d'espace de création, mais encore une fois j'en reviendrais à la visibilité des auteurs. Un blog amène des retours rapides, et ça peut être un énorme élément de motivation, ce qui n'est pas vraiment le cas quand vous envoyez un dossier à différents éditeurs et que vous attendez des mois pour obtenir une réponse quand vous en obtenez une... Pour ma part, j'ai fait plusieurs fois le déplacement à Angoulême pour présenter mes travaux, sans résultat...jusqu'au jour où j'ai rencontré Benoît Fripiat qui est devenu mon éditeur chez Dupuis. Sur un blog, on débute, on évolue, on apprend une petite part du métier, mais ce que l'on met sur un blog nécessite un gros travail pour en arriver au stade d'une BD. Le blog peut proposer une dose d'humour quotidienne, mais ce n'est pas suffisant pour en faire un album...
Vous avez participé au Téléthon avec vos collègues de MMC BD, hier j'ai découvert sur leur blog que vous aviez passé la journée à Paris pour une promotion spécifique aux édinautes, fonctionner avec My Major Company entraîne aussi des obligations différentes ?
Ne parlons pas d'obligations, il y a beaucoup de plaisir surtout ! En fait, les fondateurs de My Major Company viennent de la musique, ils ont ça en eux et ont reconnu dès le départ, en s'associant avec de gros éditeurs, qu'ils ne maîtrisaient pas totalement le domaine de la BD. Mais on ressent qu'au niveau de la promotion, de la médiatisation, leurs méthodes sont plus proches de celles utilisées dans le domaine musical, et ils le font très bien. Moi ça me surprend, j'ai l'impression de découvrir deux univers à la fois, mais je mesure aussi que derrière cette grosse machine il y a des gens qui bossent énormément et qui sont passionnés par ce qu'ils font. Certains responsables m'ont dit être incroyablement émus de découvrir leur label sur un album BD !
Quelles sont vos relations avec vos collègues du label ?
On se rend compte que l'on vit un truc particulier et que ça bouge autour de ça, mais on verra dans 10 ans ce que ça donnera, et si c'était la bonne solution pour sortir de l'anonymat. Personnellement, j'ai l'impression que ce genre de structure va se multiplier. Il y a déjà Sandawe aussi... De mon côté, j'ai eu une autre grande chance avec Dupuis et Spirou, mais je crois aussi, et j'espère, que l'on découvrira de vrais talents sur le Web. Les deux secteurs vont être de plus en plus complémentaires.
Interview © Graphivore 2012-Pierre Burssens
Images © Dupuis-Jacques Louis-MMC 2012
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