« Signé » : Un écrin pour grands crus
Apparue voici 18 ans déjà, alors sous une autre maquette et dans un format plus petit, la collection « Signé » du Lombard a discrètement mais sûrement gagné une jolie place dans le paysage éditorial BD. Souvent considérée comme la petite soeur d' « Aire Libre » (Dupuis), la griffe « Signé » est elle aussi devenue une référence. Ces derniers mois, elle a d'ailleurs aligné une belle série de succès tant publics que critiques : Mezek (Juillard-Yann), Le Chat qui courait sur les toits (Hausman-Rodrigue), Les Temps nouveaux (Warnauts-Raives), La Fille de Paname (Kas-Galandon), La douceur de l'Enfer (Grenson) ou encore Nocturnes (Clarke) en sont quelques exemples, illustrant à la fois la richesse et la variété du label. Des grands crus récoltés par un directeur éditorial, Gauthier Van Meerbeeck, à qui nous avons proposé une interview pour laquelle il a volontiers...signé !
Quelle est la philosophie, la ligne directrice de cette collection ?
Le principe de base est assez simple. Elle propose des albums "signés" par des auteurs reconnus dans le monde de la bande dessinée, des auteurs confirmés et talentueux qui souhaitent sortir du canevas traditionnel de la série. Il doit s'agir d'histoires complètes déclinées en un ou deux volumes.
Est-elle, au départ, issue de la collection "histoires et légendes", dont on retrouve plusieurs titres ?
Pas vraiment, en ce sens que "Signé" ne s'impose aucune limite en terme de sujet abordé. Mais il est vrai que "Histoires et légendes" était devenu une collection un peu bancale et finissante et que "Signé" a servi de nouvel écrin idéal pour des titres tels que "Histoire sans héros" et "A la recherche de Peter Pan".
Y-a-t-il un "album fondateur" ou considéré comme tel de la collection "Signé" ?
Oui et non. Il y eut surtout un "auteur fondateur" qui fut Cosey. L'idée de la collection est née avant la sortie de l'album "Zélie Nord Sud" qui allait paraître au Lombard un peu comme un OVNI, rattaché à aucune série ni à aucune collection. La collection fut donc lancée à ce moment-là, et c'est Cosey lui-même qui en créa la première maquette.
Quelle est la place de "Signé" au Lombard ?
La collection y a une place primordiale. Elle couvre une page importante de l'histoire de la maison en regroupant un bon nombre des auteurs célèbres avec qui elle a collaboré. Elle compte surtout plusieurs albums qui sont devenus de vraies références, des livres cultes. Par ailleurs, à une époque où les collections ne sont plus que rarement considérées comme de vrais labels, "Signé" est une exception précieuse. A l'instar de "Troisième Vague", la seule autre collection qui se poursuit au Lombard, elle constitue une garantie de mise en place minimum chez les libraires et elle a toujours la confiance de nombreux lecteurs.
La comparaison avec "Aire Libre" chez Dupuis est inévitable, peut-on considérer signé comme une sorte de "petite soeur" d' "Aire Libre" ?
C'est inévitable, en effet. "Aire Libre" a précédé "Signé" et regroupe également des histoires qui se déclinent en un ou deux albums. Et la situation date d'une époque où les deux éditeurs étaient des rivaux historiques et observaient avec beaucoup d'attention les agissements de l'autre partie. Du coup, il arrivait que l'on se copie un peu mutuellement...
"Aire libre" semble parfois plus audacieuse dans certains choix (avec plus ou moins de réussite) alors que "Signé" conserve un certain classicisme...
Très justement observé. Et c'est sans doute la vraie différence d'esprit qui existe entre les deux collections. "Signé" est un espace qui regroupe les œuvres d'auteurs célèbres par leur talent, mais aussi parce qu'ils ont déjà réussi à séduire le grand public par le passé. Elle ne se veut pas du tout un laboratoire pour d'éventuelles nouvelles tendances, même si cette démarche-là est indispensable aussi pour un éditeur. Au Lombard, les projets plus "expérimentaux" sont édités hors collection.
Le nombre de titres publiés annuellement sous le label "Signé" est-il défini à l'avance ?
Non, car le rythme de parution de nouveautés en son sein n'est pas une fin en soi. L'envie vient au cas par cas, au fur et à mesure des projets et des rencontres. Il se peut qu'un jour une année entière se passe sans qu'un nouveau "Signé" ne soit publié
Y a-t-il une sorte de "cahier de charges" à "Signé" ?
Les contraintes sont peu nombreuses. Elles concernent essentiellement le format, le nombre de pages qui doit se situer entre 54 et 72 planches, et la tomaison qui ne peut pas dépasser deux albums.
On peut imaginer que certains auteurs démarchent directement chez vous vers cette collection. Est-ce le cas ? Si oui, qu'y recherchent-ils et que leur offrez-vous à travers ce label ?
C'est en effet le cas. Ce que ces auteurs cherchent principalement c'est le label dont je parlais plus haut. Ils savent que la collection à une image très positive, et que leur album y côtoiera des BD légendaires. S'inscrire dans une collection permet aussi un référencement plus efficace de l'album. Le "one-shot" qui n'appartient à aucun ensemble particulier peut être plus facilement "oublié" des commandes de réassort des libraires, surtout aujourd'hui où ces derniers sont confrontés à une surproduction dantesque.
A propos de "la Douceur de l'enfer", Olivier Grenson me parlait de liberté, notamment au niveau de la pagination, et d'une dimension "roman graphique"...
Pour un auteur qui a travaillé essentiellement sur des séries, la collection offre une vraie liberté. Il peut enfin sortir de la contrainte économique du livre de 46 planches et prendre le temps de développer son récit comme il l'entend... Sans basculer non plus totalement dans le pur roman graphique dont la pagination dépasse en général les 100 pages.
Y-a-t-il, dans la collection, une réussite particulière ou un album ou une...signature dont vous êtes particulièrement fier (ne vous faites tout de même pas d'ennemis...)
Je sors lâchement mon joker. Mais, sans langue de bois aucune, je peux vous affirmer que suis fier de chaque album édité dans « Signé » à ce jour.
Peut-on en savoir plus quant aux prochaines signatures de la collection ?
Nous travaillons pour le moment sur un nouveau projet de Warnauts et Raives sur l'immédiat après-guerre, un récit d'horreur de Hermann et Yves H. - qui se passera dans un contexte très surprenant - et le futur album de René Hausman et Pierre Dubois (les auteurs de "Laïyna" paru dans Aire Libre, on y revient). Parmi les nouveaux venus, nous accueillerons bientôt Dimitri Armand qui illustre en ce moment un magnifique western basé sur un autre scénario de Pierre Dubois.
Dans 2 ans, "Signé" fêtera ses 20 ans, c'est tôt pour en parler mais prévoyez-vous quelque chose de spécial à cette occasion ?
Nous allons évidemment profiter de l'occasion pour faire parler de la collection. Cela reste à affiner, mais nous ferons de toute façon une soirée événementielle et nous prévoyons un programme de nouveautés ambitieux pour 2014.
Propos recueillis par Pierre Burssens
Images © Le Lombard
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Vendredi 28 février 2025 - 5:10:02
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