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Série : American born Chinese Auteur : Yang Prix : 18 € Date de sortie : 24/08/2007 Nombre de pages : 240 Catégorie : Divers Type de reliure : Album broché Éditeur : Dargaud Publié le 15/08/2007 |
Raconté dans un style mi-manga mi-ligne claire, American born chinese est un roman graphique drôle et émouvant, une réflexion éblouissante sur les apparences, la recherche d’identité et les pressions internes ou externes que subissent les minorités. Destinée aux enfants et aux adultes, cette bande dessinée a reçu toutes sortes de récompenses aux Etats-Unis, dont le Prix Michael L. Printz, habituellement attribué à des romans jeunesse.
Voilà deux livres qui sont sortis le même trimestre, à un mois d’intervalle à peine. Deux livres qui comportent des ressemblances frappantes et pourtant toute une foule de différences essentielles.
Laissons d’abord parler les ressemblances. Ils parlent bel et bien d’un même problème : comment s’intégrer et se constituer une identité viable, dans un environnement culturel qui vous fera toujours sentir que vous êtes autres ? Dany de American Born Chinese et Jung de Couleur de peau : miel ont tous les deux une culture d’origine vis-à-vis de laquelle ils ne se reconnaissent pas tout à fait, qui leur parait éloignée et gênante, et une culture dans laquelle ils tentent de vivre, mais qui, elle, ne les reconnaît pas toujours.
L’un est immigré de la deuxième génération, qui n’a de contact avec son pays d’origine qu’en seconde main, de la part de ses parents; l’autre un enfant coréen adopté par une famille belge, qui n’a que de vagues souvenirs de cet endroit lointain abandonné depuis longtemps.
Deux exemples d’un même problème, donc, mais bel et bien deux réalités au fond totalement différentes.
Plus que ça, les méthodes que les auteurs ont choisies pour raconter cette réalité rend la lecture comparée de ces deux livres d’autant plus enrichissante.
American Born Chinese vise l’épure. Son trait est simple, le format carré (en tout cas le format d’origine). L’histoire, pourtant, suit trois fils conducteurs en parallèle. Mais c’est pour mieux raconter avec brio une même parabole qui se trouve du coup universalisée. Sous forme de conte, on suit le Roi Singe, qui cherche à ressembler aux autres dieux parce qu’ils sont plus beaux. Sous la forme d’une histoire réaliste, Dany, un jeune immigré chinois de la seconde génération voudrait être un américain comme les autres. Enfin, sous forme de caricature, un jeune américain moyen se retrouve affublé d’un cousin chinois gênant, aux incisives proéminentes. Chin-tok bave lorsqu’il voit des poitrines occidentales opulentes, et mange du rat mort à la pause midi. Les trois histoires suivent implacablement un dénouement surprenant et remarquablement bien pensé, qui lie les trois destins ensembles, renforçant le message urgent et édifiant de l’auteur.
De gré ou de force, la seule manière de survivre est de s’accepter soi-même. Dany est américain ET chinois, sa culture d’origine, quoique difficile à assumer, le renforce.
Le livre de Jung, lui, n’a pas une morale si claire à proposer, mais il est vrai qu’il s’agit ici d’un premier tome. Néanmoins, on sent tout de suite qu’il s’agit d’un ouvrage beaucoup plus intime. Là où Americain Born Chinese dissimulait le témoignage d’un auteur derrière des personnages fictifs, pour mieux paraître parler d’une situation universelle, Jung lui, parle de sa propre enfance en ne cachant pas son désarroi.
C’est que le problème est ici plus dramatique. D’une certaine manière, Jung est plus directement coréen que Dany est chinois, puisqu’il a vécu en Corée sa toute petite enfance. Pourtant, il l’est aussi beaucoup moins. Ses seuls souvenirs de son pays d’origine sont ténus : se nourrir dans les poubelles, se faire des amis dans un centre d’accueil pour enfants abandonnés. Les histoires populaires coréennes, les liens de parentés sont absents, voir gênants parce qu’étrangers et trop liés à un rejet supposé.
Etre belge dans un tel contexte est d’autant plus angoissant qu’il lui est impossible de jouer sur le double tableau d’une culture métissée. Sa culture d’origine est une hantise, un non-souvenir. Si Jung est moins belge que les autres, alors il n’est menacé de n’être presque rien.
Néanmoins, son message, s’il parait moins optimiste, n’est pas totalement désespéré. Il y a ses frères et sœurs, qui l’acceptent sans réserve, et bien évidemment l’échappatoire procurée par le dessin, tant d’éléments qui lui permettent de trouver à lui aussi sa propre place dans l’univers.
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