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Série : Des nouvelles d'Alain Auteur : Guibert, Keller &Lemercier Prix : 19 € Date de sortie : 12/02/2011 Nombre de pages : 96 Catégorie : Tranche de Vie Type de reliure : Album cartonné Éditeur : Autres Collection : Les Arènes XXI Publié le 01/03/2011 |
"Mes parents s’aimaient et s’engueulaient sans arrêt. Je suis devenu reporter- photographe pour échapper à leurs disputes. J’ai voyagé trente ans pour les agences de presse. Le matin ici, à midi là, le soir ailleurs. Je faisais des photos, je gagnais ma vie,mon métier me plaisait. Et puis, j’en ai eu marre. Marre d’enquiller les avions, les rouleaux de pellicule, les tampons sur le passeport, sans prendre le temps de respirer. Un jour, j’ai croisé les Roms. La première minorité du continent européen. Je suis le xième photographe à m’intéresser à leur sort,mais ça n’a aucune importance. J’aime aller chez les Roms.C’est rarement des vacances. Je ne choisis pas les communautés les plus florissantes. Je vais dans les cloaques. Ces lieux sont hallucinants de misère.Un mot me vient, il est familier, excusezmoi, c’est : barge.Des endroits barges. Je n’arrive pas en sifflotant. Je ne brandis pasmes appareils photo. Je mesure combien un type qui entre, fait clic-clac et ressort peut sembler ignoble à des gens qui n’ont rien. Je ne prends pas non plus l’air sinistre ou contrit. J’essaie d’être moi-même. Ce n’est pas facile, quand on est remué. Les gosses me font tourner en bourrique. Ilsme tirent,me poussent, crient pour que je leur tire le portrait, se pendent aux courroies de mes appareils, dix fois, cent fois, jusqu’à l’exaspération. Pourtant, je leur dois souvent desmoments de beauté foudroyants qui, avec un peu de chance, se retrouvent sur les photos. Comme je prends la précaution d’être bien accompagné, je suis généralement bien accueilli, par des gens qui n’ont de cesse que de m’ouvrir leur porte et de m’asseoir à leur table. Si je reviens, ce que j’essaie de faire, plusieurs fois de suite, ou à des mois de distance, je suis reconnu et l’affection franchit un pas. J’apporte les tirages des photos, parfois les clopes et le repas. Dans les sujets que j’ai visités comme photographe, souvent tragiques, j’ai toujours cherché la survivance, au fond, de ce qui rend heureux. Les petites choses. Les scènes où rien ne se passe et où, de fait, tout se passe. Les bas-côtés des évènements. Chez lesRoms, ces scènes abondent. Le présent est là, brut, sans chichis, avec une intensité qu’il a rarement ailleurs."
"Dérangeant", voila le premier mot qui me vient à l'esprit une fois la
lecture terminée. Dérangeant, oui, mais pas négativement, non. Bien au contraire ! Dérangeant dans le bon sens du terme, parce que cette BD fait qu'on arrête un instant de se contempler le nombril et nous fait ouvrir les yeux, sur une réalité, qui se passe non pas à l'autre bout du monde dans un pays au nom imprononcable, mais bien chez nous, au bout de nos rues, derriere des murs que nous avons érigés pour "LES" cacher a notre vue.
Bien sûr, en personnes bien éduquées que nous sommes, nous condamnons toutes sortes d'injustices et de racisme, mais nous ignorons tous, volontairement le sort de ces "Roms". Bien sûr nous avons tous condamné à haute voix les expulsions massives et les démolitions de camps survenues à l'été 2010, mais combien d'entre nous on fait quelque chose pour y mettre fin ? Pire, combien d'entre nous, n'ont pas pensé dans leur fort intérieur que finalement, ce n'était peut-être pas une mauvaise chose...
A travers ces photos et ces dessins, nous passons de l'autre côté du mirroir, et nous rendons compte que finalement, c'est peut-être nous qu'il conviendrait de qualifier de "Tsiganes, d'intouchables. Mais loin de vouloir nous culpabiliser, ce livre est aussi un message d'espoir et un hommage au travail de ces hommes et de ces femmes qui tous les jours se battent aux côté de ces "gens". C'est une "histoire de l'Europe d'aujourd'hui, vue depuis les fenêtres sans vitres d'une caravane sans roues".
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