La planète de l’enfer dans l’Enfer…
Quelque part en ex-Yougoslavie… Le vieux Kazik et sa femme se souviennent d’Auschwitz… Quand en mars 1944, ils découvrent que la barbarie revêt une forme humaine : celle du bourreau nazi. Première bande dessinée réaliste sur l’extermination des juifs par les nazis (le « Maus » de l’américain Art Spiegelman raconte la vie de ses parents déportés à Auschwitz en imaginant les juifs en souris et les allemands en chats), ce récit bouleversant (passé complètement inaperçu malgré un prix Jeunesse dans le flot de productions BD), directement inspiré des témoignages des survivants du camp, raconte le quotidien d’un génocide. L’auteur, Pascal Croci (qui n’est pas juif), ne cherche pas à résumer la Solution finale, ni à développer de thèse historique, mais souhaite sensibiliser les nouvelles générations au devoir de mémoire. Pour ne jamais oublier les millions de victimes du nazisme. L’histoire est celle du quotidien d’Auschwitz-Birkeneau avec des personnages plus vrais que nature. On y retrouve des scènes insoutenables de violence: la chambre à gaz, le règne de l’insécurité permanente, des prisonniers qui tentent de séparer les mères de leur bébés pour les sauver (mais risquer ainsi qu’ils finissent comme cobayes). L’auteur montre souvent les grands yeux désespérés des victimes incapables de se révolter parce que torturés par la peur et la terreur. L’auteur est convaincu que la religion est un leurre face à l’ampleur des crimes des nazis et qu’il n’y a pas de pardon possible pour les responsables de ces tueries. D’ailleurs, des nazis se cachent encore parmi nous aujourd’hui et perpétuent les dogmes d’Hitler.
Parler de ce génocide à travers le prisme d’une fiction a paru d’abord impensable. Et puis, il y a eu la série télévisée « Holocauste », « La liste de Schindler », « La vie est belle », « Maus ». Pascal Croci s’est lancé dans ce projet avec une solide documentation (notamment celle du Centre de Documentation Juive Contemporaine) et des témoignages des survivants.
Mais ce qui donne une incroyable puissance à son récit, c’est son graphisme réaliste en noir et blanc; sa vision des corps à l’état de cadavres décomposés. On sent l’odeur de la mort. Quant à la scène de la découverte des corps dans la chambre à gaz, le personnage, comme le lecteur, se sent écrasé par cette incroyable vision d’horreur. L’atmosphère est pesante, brumeuse. Auschwitz, c’est un lieu froid où règne la mort.
Pascal Croci est né en 1961 et vit actuellement dans l’Aveyron. Après dix ans de bandes dessinées historiques publiées dans divers magazines, il nous livre un document-fiction époustouflant. Les recherches minutieuses, l’interview des témoins et la réalisation graphique de cet album lui ont demandé cinq ans. Pour que personne n’oublie jamais…