Parmi les nombreux albums que j’ai lus étant enfant, je n’oublierai jamais le sixième tome des aventures de Yakari. Certains passages du "Secret de Petit Tonnerre" ont troublé mon esprit au point d’y laisser encore leur empreinte aujourd’hui. Je revois chacune des cases dans lesquelles ces chevaux traversent des murs de flammes pour se rouler sans attendre au sol afin d’éteindre leurs crinières embrasées. Et puis il y a cette blessure au flanc du plus fidèle compagnon de Yakari, cette blessure qui ne se refermera jamais vraiment dans mon imaginaire. Pour Pascal Matthey, c’est une toute autre planche qui restera ancrée dans sa mémoire. Cette planche est un gag de "Boule et Bill" qui se termine par une réplique énigmatique: « Pascal est enfoncé ». L’enfant s’interroge alors sur le sens de cette expression qui résonne en lui comme un écho oppressant. Car Pascal craint de la Mort au point de la voir habiter ses jeux et hanter ses nuits malgré ses nombreuses prières.

Parmi toutes les lectures qui ont suivi, celle du "Attends…" de Jason restera pour moi l’une des plus marquantes et je retire de ma lecture de "Pascal est enfoncé" ce même sentiment de force poétique. Car Pascal Matthey partage avec l’auteur norvégien un sens de l’économie qui rend chaque plan si juste et si intense. Toutes les cases de leurs albums sont choisies avec un tel soin que l’on peut affirmer que leur enchaînement dépasse de loin la somme de chacune d’elles. "Pascal est enfoncé" n’aurait pu être qu’un récit anecdotique mais, en touchant à l’essence même du langage dessiné, il parvient à s’élever au rang d’œuvre.