Aujourd'hui nous rencontrons trois auteurs qui sont les piliers d'un concept plutôt original : Egoscopic.
Il s'agit de Jérôme Gorgeot, Jimm et Papybic.
Nous allons non seulement découvrir ce collectifs de Bédéistes mais également opérer un tour d'horizon sur chaque protagonistes.
Commençons par le maître d'œuvre d'Egoscopic. Bonjour Jérôme. Expliques-nous d'abord ton parcours dans le neuvième art et qu'est ce qu'Egoscopic ?
Ma foi, jusqu’à la création d’Egoscopic, le dit parcours fut assez modeste. Plus jeune, j’ai créé quelques fanzines, participé à quelques autres… Je me suis lancé dans ma Bd autobiographique « Gorgeous comix » (3 tomes à ce jour). Puis en 2012, j’ai eu l’idée de créer un collectif BD autobiographique qui réunirait à la fois des dessinateurs reconnus et d’autres en devenir. Une démarche basée sur la solidarité entre auteurs, très « de gauche ». Tout moi, quoi…
Quel à été l'élément déclencheur de ce collectif qui en est déjà à son huitième tome ?
Lolmède, mon dieu en BD m’avait sollicité avec plusieurs autres dessinateurs pour participer à un collectif autour de l’anniversaire de la mort de Bon Scott, le 1er chanteur d’AC/DC. J’avais également fait partie des 399 auteurs présents dans cet autre ouvrage collectif qu’était « Tous coupables ». Un bouquin pour soutenir Placid qui avait été condamné pour avoir caricaturé des flics « avec des traits porcins ». C’était franchement n’importe quoi et surtout scandaleux.
Mais bref, j’avais pris goût à ce principe de glisser mes planches dans un collectif aux côtés d’auteurs que j’admirais. Je me suis dit : pourquoi ne pas fonder notre propre livre ? Avec mon ami d’enfance David Foissard, on a donc lancé « Egoscopic » et les éditions « Studio FGH » en 2012. Secrètement, j’avais fait cet autre calcul qu’ainsi, j’allais pouvoir publier des BD de David, qui est un auteur trop rare dont j’adore le travail.
Une volonté de faire connaître une partie de la BD dite "underground" ?
Underground, indépendante… Oui, c’est l’idée. En tout cas, de nous essayer à une BD plus personnelle et donc plus libre. Dans les années 90, alors que la BD ne m’émoustillait plus guère, j’ai pris de plein fouet la révolution éditoriale que fut « l’association » avec Dupuy-Berbérian, Jean-Christophe Menu, Trondheim, Konture et compagnie… Quel pied ce fut ! « ego comme X », « L’employé du moi », « Cornélius »… Je m’en suis goinfré ! Mon rêve serait que notre démarche éditoriale, même par accident, s’approche un jour de ces modèles-là.
Envisages tu de passer à la grande distribution pour ton collectif ou au contraire désires tu garder un tirage plutôt intimiste?
Avec David Foissard (car on tient vraiment la « boutique » à deux), on ne conçoit cette aventure qu’à condition de constamment la faire évoluer. On est fait de ce bois-là. Il faut toujours qu’on relève un nouveau défi, qu’on monte la barre un peu plus haut à chaque fois. Tout sauf stagner… Sans compter qu’on n’est pas des poètes maudits. On fait des bouquins pour être lus par le plus grand nombre ; mais sans jamais nous trahir !
Donc oui, on continuera d’augmenter notre tirage. On songe aussi à développer les versions numériques de nos bouquins. David, qui a toujours de l’instinct, y croit dur comme fer. On a également en projet de proposer des versions peut être « remixées » d’Egoscopic pour le marché anglo-saxon…
Pour Egoscopic, indiscutablement, il y a un avant et un après Arnaud Poitevin. Lorsqu’il nous a rejoints au numéro 6, on a eu la nette impression qu’on montait encore d’un cran. Et ça nous a rendus d’ailleurs plus exigeants…
Il y a un panel non négligeables d'artistes à l'actif d'égoscopic, et certains déjà bien confirmé voir célèbres. Verrons nous Egoscopic évoluer vers des auteurs de renoms?
Avec David, on ne raisonne pas tout à fait comme ça. Egoscopic s’enorgueillit de permettre à des auteurs moins connus d’être édités aux côtés d’autres qui sont des références. Mais sans citer de nom, il nous est déjà arrivés de refuser des planches d’auteurs « de renom » comme tu dis, tout simplement parce qu’elles sentaient le bâclé…
Pour autant, bien sûr qu’on adore lorsque des cadors nous font l’amitié de participer à Egoscopic. Quand un Ivars, un Lolmède, un Rémy Cattelain, un David Libens ou un Placid nous offrent une ou plusieurs planches, pourquoi le font-ils si ce n’est pour soutenir notre démarche, tendre la main à des auteurs moins connus qu’eux ?
Régulièrement, on se paye le culot de solliciter d’autres pointures de la BD. Un seigneur comme Margerin par exemple, au lieu de me rire au nez, me répond à chaque fois avec beaucoup de bienveillance et a même la gentillesse de finir ses messages par un « une prochaine fois peut être ». Nicolas Tabary (oui, celui d’Iznogoud !) nous a dit l’an dernier avec Jimm qu’il nous ferait peut-être un petit quelque chose le jour où il sera moins charrette.
On a en outre deux ou trois « auteurs de renom » avec lesquels nous sommes en contact assez étroit mais tant que ça n’est pas fait (et on ignore quand…), on préfère ne rien dévoiler.
As tu d'autres projets en tête que tu pourrais nous décrire ou du moins nous spoiler?
Personnellement, outre la finition de mon « Gorgeoux comix » 4 courant 2016, j’ai un projet de BD lié au cinéma car je suis assez calé dans ce domaine-là. Limite gavant pour mon entourage. Je rêve aussi de faire un bouquin avec chacun de mes deux meilleurs amis : Jimm et David Foissard. Mais je cherche ce qui nous correspondra le mieux ensemble.
La devise de Jérôme c'est ?...
Une phrase de Roger Martin du Gard : "Tout est permis à condition de n'être pas dupe de soi-même"
Passons à Jimm. Racontes-nous en quelques mots ta carrière d'auteurs.
Ma carrière d’auteur ?
Je ne sais pas si on peut parler de carrière, disons les prémices de ce j’espère être une carrière. D’ailleurs, en général on ne prend conscience d’une carrière que lorsque l’on prend sa retraite. Pardon ? Je suis chiant là ?
Bon sérieusement, comme beaucoup d’auteurs de ma génération je suis issu des blogs bd (je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre), passé d’un blog à moi tout seul, puis un blog collectif les Lézarts Maniacs créé par Alain Rorive (qui a eu la gentillesse de venir me chercher et où j’ai fais mes premières armes aux côté de mon ami et co auteur préféré Papybic), puis quelques fanzines de ci de là et aujourd’hui la famille FGH où l’on retrouve mes aventures dans le collectif bd autobiographique Egoscopic … En attendant qu’on me propose de reprendre les aventures de Tintin (ben quoi ? on peut rêver non ?)
D'où te viens ce pseudo de "Jimm" ?
C’est assez banal en fait, quand j’étais gamin mon frêre et ma sœur m’appelaient Jim, plus tard j’ai découvert Les Doors et le charismatique Jim Morrison.
Je me suis longtemps appelé Jim dans mes dessins, jusqu’au jour où j’ai eu contact avec l’autre Jim (un chouillat plus connu que moi … theutheu), ce dernier était un peu ennuyé parce que les différents salons que je fais ont la fâcheuse tendance à me référencer sous sa carrière à lui.
J’ai donc décidé d’ajouter un M… Pour palier à ce problème tout en gardant cette identité qui m’est chère.
Tellement chère d’ailleurs que je trouve toujours bizarre quand on m’appelle par mon vrai prénom (que je déteste bien sûr)
Tu es donc un grand fan d'Hergé et de Tintin. Est ce que tu te définirais comme appartenir à la ligne clair dans ton style de dessin?
Hergé est un Maître absolu pour moi, c’est à mes yeux LA référence en matière de BD franco Belge.
J’ai donc forcément été influencé par le trait et les œuvres. Tintin a été la toute première bande dessinée que j’ai eu dans les mains.
Donc oui j’aime à me considérer comme étant de la famille de ligne claire, même si j’adorerai faire du Druillet
Jimm, c'est un fort en gueule non? Comme son créateur ou au contraire te sers-t-il comme exutoire face à la société?
Jimm c’est moi, un gentil nounours poilu du menton qui aime les gens. Mon personnage Jim (avec un seul M et trois poils sur le caillou) est à l’opposé de ce que je suis. Une tête de lard, anti social, bougon et un chouillat alcoolo (oui bon moi aussi…).
Nous menons des vies parallèles… il est un peu comme si je me regardais dans un miroir.
Nous nous rejoignons tout de même sur quelques traits de caractère… Je suis très facilement de mauvais poil et irritable comme lui et surtout une aversion pour le candidat au coup de pelle .
Tu accordes visiblement une grande importance à Facebook, et surtout à un instrument jardiner... la pelle qui agrémente souvent tesintervention avec un humour décapant. Un outil indispensable à la vie de Jimm ? Et Facebook, pourrais tu t'en passer?
Houlà, facebook… Que saint Bill Gates bénisse Mark Zunkenmachinchouette. Un outil indispensable où je peux facilement étaler ma mégalomanie, ma schizophrénie (vous croyez que c’est facile de gérer mon identité réelle et mon entité virtuelle dessinée hein ?) mais aussi dessiner et voir des retours en direct (bien plus sympa qu’un blog où il faut parfois prier pour avoir un retour sur un dessin).
Bref, Facebook est aussi la porte ouverte vers des rencontres virtuelles et des échanges avec d’autres auteurs confirmés ou non, des lecteurs et des fans (parfois hystériques), quelques abrutis du bulbes qui tentent le tout pour le tout pour avoir un dessin gratuit ou au rabais (amis dessinateurs ne faites pas les ignorants, vous aussi avez des noms). Et puis ça m’a permis de rencontrer mon Papa spirituel (et spiritueux) de la BD : Bruno Gilson. Donc non, je ne pourrais pas m’en passer de facebook.
Quand à la pelle, c’est un peu mon arme de dissuasion massive, elle accompagne Jim dans ses aventures et est devenue au fur et à mesure du temps un élément presque indispensable. Dailleurs, il y a peu, lors d’une dédicace à Troyes, un ami auteur m’en a offert une huhuhu !
Une planche exclusive de Jimm
Quel est le regard de Jimm sur la BD actuelle?
De l’inquiétude et de la peur. Quand je vois que de plus en plus d’auteurs crèvent de faim, quand je vois le mépris de certains vis-à-vis du travail titanesque que représente la création d’un ouvrage…
Mais je garde espoir qu’un jour tout ça devienne du passé et que la BD revive de belles années lumières
Tu participes à de nombreux festival ou dédicaces en librairies. Quels sont les échanges avec le public, tout se passe bien ?
On va pas se mentir, j’adore ça… C’est ma drogue dure !
Echanger avec des inconnus, rencontrer des gens qui font 400 bornes juste pour que je leur signe un dessin (si si c’est arrivé), d’autres qui sortent de facebook pour venir me faire un bisou ou juste me voir en vrai… Il y a des moments je me sens comme une rockstar (mais en plus propre et en moins drogué), ce qui a tendance à alimenter ma mégalomanie… Mais rassure toi, je porte toujours des bas de contention pour mes chevilles et un slip très serré pour ne pas choper le melon.
C’est une des facettes que je préfère dans ce métier. Et puis un festival c’est toujours l’occasion de retrouver des copains, de s’en faire de nouveaux, de se bourrer la gueu…heu…theutheu…
As tu de futures productions en court et si oui peux-tu nous en parler ?
Je prépare un album à caractère (presque ) autobiographique depuis un million d’années… Difficile à terminer, toujours le doute et qui…ouais bon, il est prévu pour courant 2016 et ça va s’appeler « la (presque) vraie vie de Jim », il ne me reste qu’une histoire à encrer et tout mettre en couleurs (ce qui n’est pas évident vu que je suis daltonien.. mais ça j’en parle dans mon album)
Ta devises?
En réalité j’en ai deux , la première étant « le bonheur d’un con fait toujours peine à voir » (Frédéric Dard) et la seconde « Un égoïste c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi »(Claude ANTOINE, alias Jimm sénior… mon pôpa)
Finissons cette interview par Papybic, véritable colosse de Dunderke à qui l'ont doit l'album emblématique "Sac à vomis" pour ne pas le citer.
Comme tes collègues l'ont gentiment accepté, à ton tour racontes nous en quelques mots ton parcours dans le neuvième art.
C'est un parcours assez inattendu, je gribouillais quelques petites merdes sur un blog histoire de faire rire les copains, et-puis les années ont fait que je rencontre des personnes formidables qui me pousse à me lancer plus sérieusement dans la BD, ensuite, il faut sucer les bonnes bites.
Comment à démarré ton implication dans le collectif Egoscopic ?
Grâce à Jimm qui m'en a parlé et qui à réussi à me convaincre d'y participer, j'ai toujours une angoisse quand je suis mêlé à des gens talentueux.
Ensuite l'esprit de la bande d'égoscopic m'a plus.
Tu as choisis la voie du trash et du franc-parlé. Dis-nous comment t'es venue cette idée de t'exprimer de la sorte...
Tout simplement, je m'exprime comme ça dans la vie de tout les jours.
Papybic est un style qu'on reconnait entre milles. Tu puises ton inspiration dans la vie quotidienne ?
Je puise dans tout ce qui m'entoure, bonne blague, moment de solitude, actu, lapsus, jeux de mots pourris, moment entre potes , dans les bistrot, bref je puise mes idées en fonction du quotidien
Si on contredit Papybic, c'est mal ?
Non au contraire, ça peut donner un bon débat ou une paire de tartes dans la gueule.
Et... pourquoi sac à vomi?
C'est le seul truc que j'ai trouvé pour résumé le contenu.
Sinon y avait Prout mais ça fait trop Disney.
As tu une méthode de travail particulière?
Non pas vraiment crayons, feutres, papiers, scan et surtout du bon gros son dans les oreilles
Que nous prépares tu en ce moment? Un autre sac à vomi ou as tu dans tes cartons quelques chose de top secret que tu pourrais nous confier rien qu'à nous?
Je prépare un Sac à Vomi 2 un peu plus gros que le précédent, je vais scénariser une BD avec un ami de longue date aux crayons sur un type horrible, un pilier de bar, et pour finir j'ai écris une histoire sur le thème de l'heroïc fantasy une BD tout public ,qui sera dessiner par une jeune dessinatrice de talent. Je prépare aussi mes planches pour le prochain numéro d'égoscopic et bien sur les fanzines des copains.
As tu une devise, Papybic ?
J'ai quelques euros, pourquoi?
Propos recueillis par Denis Pirlet.
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