Ers et Dugomier: « Souvent, on parle peu de la résistance des premières années, un vrai eldorado pour nous »
Après des immersions dans le thriller avec Les démons d’Alexia et Hell School, Benoît Ers et Vincent Dugomier reviennent avec une toute nouvelle série prenant pour thème la résistance d’enfants d’un village au début de la Seconde Guerre Mondiale.
François et Eusèbe jouent aux billes lorsqu’ils ont leur premier contact avec un bataillon allemand qui entre dans leur petit village. Avec leur air défiant, les deux gamins d’une douzaine d’années sont bien décidé à ne pas se laisser faire et à résister… à leur façon entre l’impression de tracts et certains sabotages, à l’heure où les adultes ne sont pas encore éveillés à toute l’ampleur de l’occupation allemande. Pétain est admiré par certains et la révolte n’est pas encore vraiment d’actualité. Les deux garçons vont très vite être rejoints par Lisa, une petite fille perdue qui prétend être belge germanophone, sauf que…
Avec Les enfants de la résistance et ce premier tome (Premières actions), Ers et Dugomier réussissent pleinement leur entrée en matière dans cette nouvelle série, ancrée dans l’histoire.C’est forcément ludique mais avec aussi l’attrait de donner une réelle porte d’entrée sur un pan majeur de notre histoire contemporaine. Encore plus, à l’heure où les témoignages directs s’amenuisent de plus en plus. Les enfants de la résistance aurait toute sa place dans les écoles, d’autant qu’il est composé d’un dossier explicatif en bonus et un excellent site qui à la manière d’un webdocumentaire donnera aux petits et aux grands un nouvel éclairage aussi didactique que ludique. Nous avons rencontré les deux auteurs. Forcément intéressants
Bonjour Benoît Ers, bonjour Vincent Dugomier,
Vous ne nous aviez pas habitué à un tel registre historique. Comment y êtes-vous venus ?
Vincent Dugomier : On aime changer de style même si, c’est vrai, les deux dernières Les démons d’Alexia et Hell School se rapprochaient toutes les deux du thriller. Mais, on a eu envie de raconter quelque chose qui se passait durant la seconde guerre mondiale, sachant que Benoît est passionné de cette période. Mais, Benoît n’imaginait pas faire une histoire vécue du côté des soldats, de guerre pure. Moi non plus d’ailleurs. Donc, nous nous sommes concentrés sur une histoire vue par les civils. Et l’angle de la résistance s’est imposé assez vite puisque tous les deux, nous nous sommes rendus compte que nous avions eu un résistant parmi nos grands-parents. Et le thème de la résistance, de la prise de conscience, de la démarche citoyenne qui consiste à réagir quand la démocratie est en danger nous a tout de suite fort plu.
Et le point de vue des enfants alors ?
Benoît Ers : Des enfants de cette époque-là n’avaient certainement pas la conscience politique qu’ont nos héros. Nous avons pris des enfants car nous visions un public assez enfantin. Ici, les enfants prennent le rôle des rares consciences, et les adultes sont, jusqu’ici, plus menés par les événements. Mais les rôles de François et ses amis étaient, dans la réalité, joués par des adultes. C’était vraiment une période d’assommement dans laquelle les gens ne savaient pas quoi faire. Pétain était vu comme un héros qu’il fallait suivre, pour certains. De l’autre côté, le Général De Gaulle qui plaidait pour la résistance. Puis, les Allemands qui menaient une campagne de propagande étrennée pour se faire passer pour gentil et se faire oublier. Les gens étaient paumés. Rares étaient les personnes remontées qui s’engageaient dans la contre-information. Mais plus que les enfants et les adultes démissionnaires, c’était plus deux états de conscience.
V : Loin de nous la volonté de faire un conflit générationnel, ça c’est sûr.
C’est la première fois que vous prenez des héros masculins, ça vous a effleuré ?
V : C’est vrai qu’on a souvent tendance à prendre des femmes : Muriel, Alexia, Hina qui était pas mal présente dans Hell School. C’est tombé comme ça.
B : On ne s’est même pas posé la question.
V : Note que Lisa a son caractère et s’impose au fur et à mesure de l’histoire. Mais, peut-être qu’on s’est dit qu’avec la guerre, c’était plus une histoire de garçons. Mais les femmes vont avoir des rôles très importants. Notamment, dans le tome 2 avec une femme qui se révèle et va s’imposer au moment où les gens vont devoir prendre des décisions et réagir. Des gens se sont totalement révélés à eux-mêmes pendant ces moments-là, ils ont le sentiment d’exister !
Benoît, vous étiez donc le plus intéressé par cette période de notre histoire ?
B : Oui, ça a toujours été mon dada. Personnellement, je trouve ça hyper intéressant. Pour l’enfant que j’étais, il y avait de vrais héros, de vrais méchants, un côté romanesque et héroïque, des beaux avions… Après, on s’aperçoit en grandissant que c’était beaucoup plus nuancé. Puis, je suis tombé dans une belle-famille cinglée de deuxième guerre mondiale. Donc rien n’a vraiment joué contre mon intérêt prononcé pour cette période. La graine était plantée, elle a germé. Mais, non, je ne voulais pas d’histoire militaire mais malgré tout, quelque chose de dérangeant.
V : Disons qu’on ne se voyait pas faire une série d’humour et faire les Tuniques Bleues pendant la Deuxième Guerre Mondiale, ça aurait été déplacé. Oui, on pouvait toujours en rire, mais on ne s’en sentait pas l’âme.
Les récits sur la Deuxième Guerre Mondiale ne manquent pas, dans tous les formats. Comment avez-vous renouvelé le sujet ?
V : Curieusement, on s’est retrouvé face à un véritable eldorado. En effet, les fictions qui parlent de la résistance se concentre toujours sur les dernières années et élude les 2-3 premières années. Et on démarre le plus souvent vers 1942 ou 1943, quand la résistance existe, est organisée et a un lien avec Londres. En 1940, le mot résistance n’existe pas, il n’y a pas de réseau, rien du tout. Et les gens émergent, se redressent, essayent de noyauter des groupes. Mais ça, ça n’a quasiment jamais été raconté. Nous, elle nous intéressait, c’est un moment quand même très important : c’est le moment où les gens basculent dans l’opinion, réfléchissent à cette situation très politisée et contre laquelle il faut absolument faire quelque chose. Ce n’était pas une simple question de patriotisme puisque Vichy qui gouvernait avait repris certaines idées du nazisme. Tout ça nous paraissait intéressant, surtout à raconter aux enfants d’aujourd’hui.
Avec une dimension assez pédagogique aussi ? Surtout, avec ce dossier d’explications en fin de livre.
V : Oui, le dossier est venu par après, de notre propre initiative. Et l’éditeur nous a suivis assez facilement. Parce qu’on sentait que tout ne pouvait pas être dit dans le scénario et que celui-ci ouvrait sur des pistes qu’on pouvait réellement développer dans le dossier. Après, ça reste quand même une bande dessinée de divertissement avec de l’héroïsme, de l’aventure, une histoire d’amitié et un brin d’humour. Mais qui permet d’entrer dans cette période de l’histoire avec de la substance.
B : Cette période de résistance en 1940 a été la période la plus dangereuse car tout le monde se retrouvait seul. On demandait au voisin s’il voulait nous rejoindre. Mais, il y avait une chance sur deux de finir face au peloton d’exécution ou de trouver un ami. Tous ceux qui ont lancé ces mouvements l’ont payé très cher. On en parle peu car il reste peu de survivants, beaucoup sont morts.
V : Ils ont pris beaucoup de risques.
B : Beaucoup plus que par après. Finalement, c’est la période la moins connue et renseignée, mais c’était la plus glorieuse.
Et du point de vue de la documentation, qu’avez-vous utilisé ?
V : On a pas mal extrapolé quelques souvenirs de notre famille, mais pas liés à la résistance. Puis des témoignages à gauche et à droite, mais aussi des études quasi-universitaires qui nous ont bien aidés. Et nous, on a raconté tout ça en vulgarisant.
Avez-vous appris des choses sur vos grands-parents ?
V : Par rapport au passé de résistante de ma grand-mère, on en sait peu. Et Benoît est dans le même cas. C’étaient des gens qui parlaient très peu et c’est souvent le cas. Par pudeur, ils ont continué à se taire.
B : Un bon résistant était une tombe. Ça ne parle pas, ça ne dit rien. Et après la guerre, malheureusement, ils ont continué à fonctionner comme ça.
V : Ma grand-mère a été une tombe toute sa vie. Quand j’étais adolescent, je me disais qu’on l’avait recrutée pour ça, parce qu’elle était une tombe. Son mari n’était pas au courant ! De ce côté, on a eu peu de choses. Par contre, du côté de mes parents et des mes oncles et tantes, enfants à cette époque là, j’ai pu repiquer plein de petites idées, réécrites et transformées. Ça m’a beaucoup nourri parce qu’ils avaient quasi le même âge que nos héros. Puis, on s’est pas mal inspiré de toute la mythologie familiale et de ce que ça pouvait nous apporter.
La scène d’introduction, quand les enfants jouent aux billes et qu’ils voient pour la première fois des Allemands entrer dans la ville, c’est inspiré du souvenir de mon papa. Ça ne s’est pas passé comme dans la BD mais ça l’a marqué de la même manière. Cette histoire est la somme de plein d’influences indirectes.
Par contre la scène de sauvetage où des allemands se jettent dans les flammes pour sauver des vies, c’est arrivé dans ma famille et des soldats allemands sont intervenus.
D’ailleurs, vous avez voulu éviter le manichéisme.
V : On a essayé de montrer que tous ces gens étaient pluriels. Des salauds et d’autres beaucoup plus humains, obligés de faire la guerre. En même temps, Hitler est arrivé au pouvoir de manière démocratique. C’est extrêmement compliqué. On ne peut pas être manichéen. Il y avait des salauds aussi en France et en Belgique. Ça n’a pas manqué. À partir du moment où on est clivé avec des méchants d’un côté et des gentils de l’autre, ça ne va pas être riche. Ce sera biaisé.
Puis, il y a cette récupération de l’affiche « Faites confiance au soldat allemand ». C’est assez marrant, parce que juste après avoir lu votre BD, j’ai été voir le film Suite Française et cette affiche y était aussi.
B : C’est l’une des plus connues. Elle fut diffusée presque internationalement. Elle a le plus choqué, c’était une des toutes premières. Ce qui choquait était de voir ces enfants faire confiance au soldat allemand alors que le Français est très attaché à son enfance. Voir ce soldat qui venait « draguer leur gosse », ça les a plus choqué qu’autre chose.
V : Elle fut contre-productive, d’autant plus que facile à détourner. Par contre, à l’époque, il y avait des milliers d’enfants en exode et ayant perdu leurs parents. Sans être dans le caritatif, c’était aussi une manière pour les allemands de rassurer la population et de dire qu’ils allaient bien s’occuper de ces pauvres enfants.
B : Mais en même temps, pourquoi étaient-ils sur les routes ? À cause des allemands. Donc l’affiche choqua aussi sur ce thème-là. C’est par sa contre-productivité qu’elle est restée dans les mémoires.
Justement, vous intégrez dans votre récit cette petite Lisa, qui se prétend belge mais est en fait allemande. Mais elle se justifie, « du bon côté des allemands ». Un témoignage fort aussi, non ?
V : Ça me paraissait très important de monter qu’il y avait des dissidents et des résistants en Allemagne, des tués, des traqués, des arrêtés. Avant même le début de la guerre Forcément, tous étaient dans une situation terrible mais une résistance s’est organisée durant toute la guerre. Et, pour finir, cette petite gamine arrive, fille de dissidents perdue. Elle parle allemand et forcément, ça pouvait être un choc de voir une allemande protégée par un petit village français. Ça pouvait enrichir le débat et montrer l’aspect humain ou pas.
B : Ça permettait aussi d’amener une vision sur le sort des enfants en Allemagne à cette époque-là. Avec les jeunesses hitlériennes… Puis, pour le scénario, il était très utile d’avoir un personnage qui parle allemand aussi.
V : Oui, ainsi elle pouvait comprendre des choses que les autres ne comprenaient pas. Mais oui, il y avait ce sort des jeunes en Allemagne avec des jeunesses hitlériennes d’abord volontaires puis obligatoires. Des enfants soldats, l’armée de demain.
À vous entendre, on voit vraiment qu’il y a une dynamique entre vous, que vous travaillez vraiment ensemble. Ce n’est pas toujours le cas entre scénariste et dessinateur.
V : Ça a toujours été comme ça…
B : … depuis 25 ans.
V : Chaque projet se développe en commun. C’est une amitié avant le métier.
Y’avait-il des défis dans le dessin, avec cette nouvelle aventure ?
B : C’est une époque que je connais très bien, mais une fois qu’il s’agit de la dessiner, ce n’est plus pareil ! (Rire) Tout ce qui est militaire, des Spitfire etc. c’est facile, un modèle sur internet et c’est bon. Tel camion ou telle voiture, les doigts dans le nez. Mais dès qu’il s’agit de dessiner la vie quotidienne, c’est le néant absolu. Ce sont des photos lointaines, en noir et blanc, dont on ne sait pas si elles sont de 1941 ou plus de 1945 ou de 1935. La mode change de façon très rapide et hallucinante en cinq ans de temps. Entre les années 20 et les années 30, ça ne changeait quasiment pas. Et, entre 1940 et 1945, il y a un fossé et on passe dans le monde moderne en passant par toutes les phases. Rien que savoir comment habiller les gens en rue, ce n’était pas évident.
Et comme cet album parle plus de la vie civile, je me suis retrouvé face à un vide. Je n’ai pas pu m’inspirer des films, ils dataient tous de 1943 bien passé et ne montrait pas la même mode qu’au tout début des années 40.
V : Puis, les multiples interprétations faites sur cette époque-là étaient piégeuses car elles se sont imposées comme vérité. Donc, les gens n’ont retenu que le cliché et il faut tenir compte aussi de la perception qu’on en a maintenant. Benoît aurait pu dessiner des choses réelles mais qui auraient paru complètement fausses parce que pas de recul dessus.
B : Je me suis fait interpeller parce que dans une scène je dessine une femme avec une robe sans manches. Or, dans les années 40, les femmes portaient des manches. Mais pourquoi portaient-elles des manches ? Par pudeur, dans un pays occupé. Dans les années 30, la mode était aux sans manches et étaient courante seulement quelques mois avant l’occupation. Mais dans l’esprit de tout le monde : plus de décolleté et des manches parce qu’il y avait des soldats partout et il fallait se protéger. Ici, dans l’album, les allemands sont là depuis seulement quelques heures, les personnages sont toujours « dans les années 30 » mais non, ça choque ! Je me suis fait reprendre plusieurs fois de suite par des spécialistes de la reconstitution civile. Et pourtant… le vrai anachronisme se situe juste à côté, dans la coiffure de l’autre dame de la case. La coiffure montante n’est apparue que deux ans après.
V : Il ne faut pas être totalement pointu sinon on s’y enferme.
B : On a mis beaucoup de détails pas tout de suite appréhendable pour le lecteur car il faut beaucoup de recherches.
V : Par contre, il faut souligner le travail d’éclairage de Benoît qui, quelque part est faux aussi : la lumière des années 40 est bien la même qu’aujourd’hui. Mais on a quand même une vision d’une lumière différente à l’époque, comme Spielberg. C’étaient des clichés intéressant à exploiter et à réemployer. J’aime beaucoup l’effet que Benoît est parvenu à donner.
D’ailleurs, dans vos couleurs, il y a une identité qui s’exprime, non ?
B : Ce sont des couleurs personnelles qui vont avec le dessin. Ce n’est pas un travail de coloriste par-dessus. Ici, la couleur est très importante et fait tout, parce que mon trait est le même partout : c’est juste un bête Bic.
V : Quand on voit l’original d’ailleurs, on dirait un vitrail, comme une petite écriture régulière.
B : Ce n’est même pas très beau, en fait.
V : Oui, enfin moi, je trouve ça très beau ! Mais tu ne veux pas le dire toi. Tu estompes certaines zones parce que tu sais que tu les feras à la couleur. Avec une coloriste, tu ne pourrais pas faire ça ! D’ailleurs, Benoît fait les couleurs dans la foulée, juste derrière.
B : Indispensable, sinon on oublie. Quand on revient sur une planche quinze jours après, on ne sait plus qu’elle était son intention. Encore moins, un album complet.
Votre dessin, il n’est pas trop dur je trouve, il est juste pour faire passer les choses, non ?
B : Disons que c’est à la fois la faiblesse et la force de mon dessin : il est gentil. Ça me prive de pouvoir raconter certaines choses. Dans Alexia, des choses ont parfois eu du mal à passer, il y avait parfois un décalage entre le scénario et la forme qu’il prenait. Mais, en même temps, mon dessin peut exprimer des choses très dures sans choquer personne.
V : Ce qui est important, c’est qu’on voulait créer un village avec beaucoup de charme et, avec son dessin, Benoît a facile à travailler ça et il adore ça ! Dès la première page, on est déjà dans une ambiance. Bon, je ne dis pas que c’est Disney, mais il y a du charme dans ce village, cette campagne. On peut en raconter le quotidien, le travail des agriculteurs, une séquence dans l’école… Tous ces petits trucs auxquels on a envie de chipoter. Il est ludique, le dessin de Benoît.
Par contre quand nous avons voulu montrer que les Allemands assassinaient les opposants politiques, la dureté est là, même si on ne montre pas la scène, on sait très bien ce qu’il va se passer l’instant d’après. C’est important. Et Benoît a su rendre toutes ces choses-là de manière tout à fait acceptable. Maintenant, cette histoire-là aurait pu être racontée de manière tout à fait réaliste. Avec Alexia aussi, mais je n’aurais pas voulu !
On parlait du village, un village qui est fictif. Pourquoi ?
V : Oui, il est fictif, pour des raisons de liberté mais aussi de documentation. Il est plus ou moins situé quand même, pas trop loin de la ligne de démarcation, dans l’est quand même. Il est plus ou moins situé sur la carte de France. Mais oui, fictif pour que tout le monde s’imagine aussi y aller.
B : Puis, pour moi, c’était important car on touche, malgré tout, à une époque très sensible. Et quand je vois déjà comment je suis susceptible de me faire allumer pour des micro-détails comme une question de kilométrage ou une robe trop courte. Je ne voulais pas m’ancre dans un village existant dans lequel des enfants de personnes qui y habitaient pourraient être vexés parce qu’on a donné leur maison au traître. C’était impensable. Au-delà de tous les ennuis que cela aurait pu amener.
V : Dans la plupart des films, les villages sont plutôt imaginaires.
B : Et, avec un vrai village, il aurait fallu raconter sa vraie histoire. Nous préférions être libres d’imaginer une histoire.
V : Ça reste une interprétation artistique aussi. Un gars spécialiste en camions allemands te dira peut-être le crochet, là, devrait être plus haut. Après, on peut faire une histoire 100% juste, mais qui ne raconte rien d’intéressant non plus.
B : C’est aussi une des forces de mon dessin, tout est interprété. Dans le second tome, je dessine un Spitfire avec la plaque d’immatriculation ERS… pour la blague. Mais, je m’attends déjà à des remarques comme « Oui, mais cet avion venant de tel escadron et caractérisé par la lettre S n’était pas dans cette région. » Des petites erreurs, il y en a sans doute beaucoup, mais c’à quoi j’attache de l’importance, c’est ce restaurant-tabac, avec la pompe à essence devant, toutes ces choses qui n’existent absolument plus et qui font tout le charme et la particularité d’une époque. C’est ça qui est agréable et gai, qui permet de s’amuser et de retrouver cette ambiance.
V : Oui, on a pas mal d’idées qu’on essayera de caser dans les prochains albums. Comme l’école en hiver, quand l’instituteur disait « demain, ramenez-moi tous une bûche ». L’école n’avait pas les moyens d’acheter une bûche donc chaque gamin était mis à contribution. Il y a plein d’anecdotes comme ça.
B : D’ailleurs le poêle était entouré de treillis, ce n’était pas pour que les enfants ne se brûlent pas, mais plutôt pour accrocher les chaussures en cuir ou les sabots. Ce n’était pas étanche, donc quand il pleuvait, les enfants arrivaient avec les pieds trempés. Et ils les accrochaient au treillis du poêle.
V : En fait on est des écomusées.
B : Oui, des écomusées sur pattes.
V : Même pas sur cette BD-là, il y a quelques années, on avait fait des brainstormings dans des écomusées. Ce sont des idées qu’on n’oublie pas.
B : C’est très gai d’essayer de restituer tout ça.
Et notamment ce geste fort qui termine le tome, avec cette poignée de mains entre Pétain et Hitler. Mais que va-t-il se passer après ?
B : Tous les livres d’histoire vous le diront ! (Rires)
V : Ce sera la suite du militantisme, de la Seconde Guerre Mondiale. Ces gamins vont essayer de monter et de structurer un réseau plus efficace. Ils vont se poser des questions : que faut-il faire pour aller plus loin ? Pour faire autre chose ? On en parle à la fin de ce premier tome : ils devinent qu’il y a d’autres gens qui essayent, ailleurs, de faire quelque chose. Il faudra essayer de les retrouver, de se fédérer. Parce que pour le moment il n’y a rien, toutes ces bonnes volontés sont isolées. On verra de quelle façon ils vont réussir à faire mettre le doigt dans l’engrenage à certaines personnes. Et comment certains événements vont les connecter naturellement, notamment par la circulation des évadés.
Le tome 2 est déjà loin et, pour la suite, nous avons plein d’idées. La fin on la connaît, les alliés gagnent la guerre. Mais nous on peut évoluer dans cette période. Les enfants vont grandir, peut-être que l’un d’eux mourra en cours de route ? On ne sait pas, on verra.
B : Il y a 3 albums assurés mais il pourrait bien y en avoir 18 !
Il ne faudra pas avancer trop vite alors !
V : Non, mais en réalité, nous n’avons pas beaucoup avancé. Toute l’histoire de ce tome 1 se passe en maximum deux semaines. Et, on a la chance d’avoir un éditeur qui ne nous stresse pas, qui ne nous met pas la pression sur une éventuelle fin alternative dans le tome 3. Voilà, on racontera cette histoire comme on le sent.
B : On peut faire, au grand minimum, 5-6 tomes.
V : Parce qu’à la fin de la guerre, les enfants auront 18 ans. Il se passera des choses différentes.
D’autres projets, sinon ?
V : On a toujours l’une ou l’autre idée de projet. On y travaillait, il y a six mois/ un an, mais là, on n’y travaille plus du tout !
B : Disons que si jamais, on a des cartouches et il n’y a plus qu’à les mettre dans le fusil ! Mais mieux vaut enfoncer le clou, qu’en enfoncer un autre à côté.
Puis malgré tout, il y a Hell School qui a fait un score honorable. Y’en aura-t-il un deuxième ? Mystère et boule de gomme, on ne sait pas ce qui en décidera ou pas.
V : En tout cas, l’éditeur a préféré attendre pour Hell School en voyant notre début de travail sur Les enfants de la résistance. Il voyait bien qu’on avait un truc en nous, que nous le sentions bien.
Propos recueillis par Alexis Seny
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