Le roi Léopold II de Belgique n’était jamais allé au Congo. C’est sa colonie qui devait venir à lui. Lors de l’Exposition universelle de Bruxelles, trois cents Congolais venus d’Afrique sont répartis dans trois « villages » dans le parc de Tervuren… un véritable zoo humain. Au Congo, Paul met de l’ordre dans sa vie privée et découvre de nouvelles perspectives prometteuses pour la plantation. De leur côté, Morel et Casement continuent leur campagne d’information. Aidés par le vice-consul Thesiger qui, dès son retour en Grande-Bretagne, dépose un rapport accablant sur les exactions commises par la Compagnie caoutchoutière du Kasaï. C’en est trop pour Léopold. Un nouveau décret stipule désormais que tout propos calomnieux envers un fonctionnaire du Congo sera passible d’une amende, voire d’un emprisonnent. Les presbytériens sont dans la ligne de mire. Sheppard va être jugé. Pour la première fois, un Noir aura droit à un procès colonial.
Quatrième et ultime chapitre de ce témoignage livré par Africa Dreams. On ne peut qu’admirer et féliciter les auteurs pour l’exactitude de leur récit ainsi que le formidable travail de recherche effectué. Basée sur une énorme documentation, la saga aura mis six années avant d’être clôturée, mais l’attente en valait la peine. Les représentations signées par Bihel renforcent l’impact du récit. Le choix judicieux des couleurs correspond exactement à l’ambiance générale reflétée par l’histoire. Une histoire racontée en quatre tomes présentant un visage totalement différent du roi bâtisseur que l’on nous a enseigné lors de nos études primaire.
Mis à mal par les puissances industrielles extérieures, Léopold II a de plus en plus de difficulté à cacher à l’opinion publique les exactions commises dans l’état indépendant du Congo (E.I.C) dont il est propriétaire. De 1883 à 1886, il avait prélevé sur sa fortune personnelle près de 10 millions de francs-or. C’était un homme riche, mais pas assez afin de supporter seul l’ensemble des dépenses nécessaires au développement de l’E.I.C. Il voulait tirer des richesses du Congo, et non se ruiner. De 1885 à 1889 l’E.I.C ne lui rapportant presque rien, il s'aperçut que la construction du Congo allait épuiser son ample fortune. En 1890, le parlement belge lui octroya un crédit de 25 millions de francs belge dans la perspective d'un futur transfert de souveraineté de l’E.I.C en faveur de la Belgique. Le crédit se révéla très vite insuffisant, et le parlement belge vota le 29 juin 1895 un second crédit de 6,8 millions. La somme totale des prêts consentis par la Belgique fut de l'ordre de 32 millions de francs-or. Le roi se trouva en difficulté avec les prêts contractés, avant que les investissements consentis au Congo ne soient rentables avec le début du succès mondial sur le caoutchouc dans les années 1890. Les prix grimpèrent en flèche à chaque nouvelle innovation impliquant son utilisation. À la fin des années 1890, la récolte de caoutchouc avait de loin dépassé l'ivoire en tant que principale source de revenus du Congo. Le sommet de cette exploitation intervint en 1903, lorsque le prix du caoutchouc arriva au plus haut. L'ouverture en 1898 de la ligne de chemin de fer Matadi-Léopoldville permit de convoyer rapidement et à peu de frais les marchandises de et vers l'intérieur du pays. Les compagnies concessionnaires congolaises durent cependant rapidement faire face à des concurrents originaires de l'Asie du sud-est et de l'Amérique latine, lorsque les plantations d'hévéas se multiplièrent dans d'autres contrées tropicales plus exploitables, généralement aux mains de firme britannique rivale. C'est alors que les prix du caoutchouc commencèrent à chuter. La compétition amena à abuser du travail forcé afin d’abaisser les coûts de production. Pendant ce temps, le coût du recrutement de la main- d'œuvre grignotait les marges bénéficiaires, qui diminueraient aussi par l'épuisement de la matière première. Avec la montée de la concurrence pour le marché du caoutchouc, la gestion privée de Léopold II devenait vulnérable aux attaques des autres nations, en particulier du Royaume-Uni.
En septembre 1891, Léopold II décréta un arrêté changeant complètement sa politique commerciale au Congo. L’arrêté affirma : « Lépold II, roi des Belges, souverain de l'État Indépendant du Congo […] vu les grandes dépenses de premier établissement et la nécessité d'entretenir de bonnes relations avec les chefs et les indigènes ; sur la proposition de notre secrétaire d'État à l'Intérieur, nous avons décrété et décrétons : article 1, Les commissaires de districts de l'Oubangui-Ouellé et de l'Oruwimo-Ouellé et les Chefs des expéditions du Haut-Oubangui et Ouellé et du Haut-Ouellé, sont autorisés à prendre les mesures qui seraient urgentes et nécessaires pour conserver à la disposition de l'État les fruits des terrains domaniaux, notamment l’ivoire et le caoutchouc. Article 2, notre secrétaire d’État à l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent décret, qui entrera en vigueur à la date de ce jour. ». Léopold II, qui se tenait jusqu'alors en retrait de l'exploitation commerciale du Congo, s'arrogeait ainsi le monopole d'une grande partie de l'E.I.C. Dès novembre 1890, le capitaine Coquilhat est envoyé par Léopold II pour remplacer le major Cambier à la tête du gouvernement local, avec pour mission principale de mettre sur pied l'organisation nouvelle qui allait être donnée à la politique économique de l'État de façon à contrecarrer le libre exercice des droits des indigènes et l'action du commerce privé. Cette exploitation en régie par les agents de l'État devait rapidement amener dans le Trésor vide de l'État, via la création de sociétés d'exploitation commerciale et la mise à disposition de la force publique au service de la levée de l'impôt indigène, des millions de francs-or. Sur le terrain, pour les natifs de la région, l'arrivée de la civilisation européenne allait tourner au pire des cauchemars.
Entre 1895 & 1900, l'État indépendant du Congo (E.I.C) fut l’objet d'une campagne anti-congolaise qui s'exprima par différentes voix. Celle d’Edmund Dene Morel fut la plus virulente et une des plus connues. Morel, ancien employé d'une compagnie de transport de Liverpool, devenu journaliste d'investigation à temps plein, publia de nombreux textes contre l'E.I.C. souhaitant la fin du monopole de Léopold II. Dans le magazine américain Times du 18 novembre 1895, le missionnaire américain Murphy écrit : « La question du caoutchouc est au cœur de la plupart des horreurs perpétrées au Congo. Elle a plongé la population dans un état de total désespoir. Chaque bourg du district est forcé d'en apporter une certaine quantité tous les dimanches au quartier-général. Le caoutchouc est récolté par la force ; les soldats conduisent les gens dans la jungle ; s'ils ne veulent pas, ils sont abattus, leurs mains sont coupées et portées comme trophée au commissaire.». En 1900, le chef de poste de Libokwa (Tilkens), écrit dans une lettre qui sera citée plus tard par Emile Vandervelde à la chambre: « Déjà, j'ai dû faire la guerre à trois reprises contre les chefs de tribus qui refusent de prendre part à ce travail. Les gens préfèrent mourir dans la forêt. Si un chef refuse, c'est la guerre, et une guerre horrible – des armes à feu contre des lances et des armes blanches.».
Une campagne de presse enflamma des journaux italiens qui publièrent en juin 1905, une interview du lieutenant Pietro Nattino qui avait servi dans l'E.I.C: « Je considère l'État du Congo, pas du tout comme un État, mais comme une bande de marchands d'esclaves qui, tout en prétendant répandre la civilisation, exploite le travail des indigènes par tous moyens possibles afin d'obtenir 700 tonnes de caoutchouc et d'ivoire pour chaque départ de bateau, c'est-à-dire toutes les trois semaines. »
La situation au Congo était connue, mais peu de Belges y croyaient. Dès 1900, après avoir parlé à des fonctionnaires coloniaux et suivant l'attitude de la presse et de l'opinion belges, Léopold II mit en doute la réalité des exactions, qu'il dénonça comme campagne de propagande du Royaume-Uni pour tenter de prendre la souveraineté du Congo. Il se lança alors dans de coûteuses campagnes de publicité, créant même une « Commission pour la protection des indigènes » pour contrer les « quelques fauteurs d'abus ». À travers un service spécialisé créé au sein du Département des Affaires intérieures de l'E.I.C. baptisé « bureau de la presse », des journalistes de différents pays furent rétribués pour écrire des articles en faveur de la colonie, accusant les esprits critiques de vouloir servir les intérêts du Royaume-Uni et dénonçant les témoignages des missionnaires protestants comme étant anticatholiques. L'État indépendant du Congo contra ainsi de nombreuses attaques pendant plusieurs dizaines d'années. En décembre 1903, Roger Casement remis au ministère du Foreign Office un rapport dans lequel étaient dénoncé les atrocités commises par les agents du roi sur l'ensemble de la population congolaise, hommes, femmes, enfants, vieillards. Ce rapport eut pour suite une note envoyée officiellement en février 1904 à l'administration de l'État du Congo et aux signataires de l'Acte de Berlin. La British Congo Reform Association, fondée par Morel avec l'aide de Casement, demandait que l'on agisse afin de faire cesser les exactions. D'autres nations européennes, ainsi que les États-Unis suivirent. Pour mettre un terme à une campagne qu'il jugeait trop agressive, Léopold II créa lui-même une commission d'enquête et transmit la nouvelle au Foreign Office.
Des commissaires de différentes nationalités furent envoyés sur les lieux, afin de récolter des témoignages. Le rapport qu’ils rédigèrent sur les conditions de vie des Congolais confirma le rapport Casement sur la réalité des abus dénoncés et fut publié le 4 novembre 1905. Suite à ce rapport, le parlement britannique convoqua une réunion des signataires du traité de Berlin de 1885 afin de réviser celui-ci. Ce document a mené au traité de cession de l’E.I.C à la Belgique par Léopold II. Le 15 novembre 1908, quatre années après le rapport Casement, le Parlement belge vota l'annexion de l'État indépendant du Congo, prenant en charge son administration.
Alain Haubruge
Au crépuscule de sa vie, François Mitterrand se confronte à son passé. Son esprit convoque de grandes figures qui l'ont inspiré – depuis Anubis, le dieu des morts égyptien jusqu'à Jean Moulin, en passant par Jaurès – pour entamer avec lui un fascinant dialogue sur sa vie. À travers ces échanges, l'auteur nous invite à redécouvrir le passé d'un homme d'état aussi exceptionnel que complexe.
10 Mai 1981, François Mitterrand entre à l’Elysée comme Président de la République Française, poste qu’il transmettra à Jacques Chirac le 17 mai 1995. Dernière quinzaine du mois de décembre 1995, il séjourne à Assouan en Egypte en compagnie d’Anne Pingeot et de sa fille cachée Mazarine ou il passe Noël. Le 31 décembre, il réveillonne en famille dans sa propriété à Latche située dans les Landes. Le 2 janvier 1996, il rentre à Paris pour effectuer des examens médicaux importants et subir un nouveau traitement. Il s’éteint à Paris le 8 janvier 1996 des suites de son cancer.
Arrivé au terme de sa vie, il fait le décompte avec différents fantômes lui servant de pilote tel Anubis sur les actes ayant ponctué sa vie. C’est ainsi qu’il fait la conversation au Panthéon avec Jaurès et Jean Moulin. Il se revoit aussi plus jeune avec son double lui reprochant sa relation avec Pétain ainsi que les ambiguïtés accompagnant sa période de résistant.
Il se remémore aussi l’abolition de la peine de mort alors que dans les années 50 sa signature a condamné à mort certains militants algériens. Sans compter un tête à tête avec son épouse Danielle avec qui il évoque son infidélité et le décès de leur premier enfant.
Joel Callède nous emmène dans ce livre à la découverte des moments importants de la vie de cet homme de gauche, Président de la Vème République. L’ouvrage est ponctué des citations et des actes importants accomplis par François Mitterrand. Le traitement du scénario effectué par Joel Callède donne à cet BD une vision inattendue de la vie intime et publique d’un grand monsieur.
Alain Haubruge
Série: Mitterand Requiem
Scénario: Callède
Dessin: Callède
Couleurs: Favrelle
Genre: Documentaire, Biographie
Éditeur: Le Lombard
Nbre de pages: 144
Prix: 17,95 €
1959. Ile de Pâques. Lefranc accompagne une expédition scientifique pour résoudre le mystère des statues monumentales de l'île. Mais les travaux vont très vite être perturbés par d'étranges phénomènes. Un engin non identifié s'écrase sur l'île. Il n'en faut pas plus pour que les habitants y voient le signe de l'Homme-oiseau, le dieu Makemake. Pourtant, Lefranc a des doutes. Pourquoi une corvette avec Axel Borg à son bord rode au large de l'île et que vient faire ce sous-marin russe dans les parages ? Une crise internationale pourrait être sur le point d'éclater !
Contrairement à ce que j’aurais pu craindre concernant une aventure ayant pour cadre l’île de Pâques, le scénario signé par Roger Seiter n’a rien à voir avec les mystères archéologiques de l’île et n’est pas dédié à l’ésotérisme. Seiter nous propose un scénario crédible basé sur une importante actualité politique et historique sur une période charnière entre la fin des fifties et début des sixties.
L’histoire débute en novembre 1959 à bord d’un bateau emportant une expédition archéologique vers l’île de Pâques. Alors qu’ils sont en vue des côtes de l’île, le bateau rencontre un corps flottant sur les eaux. Notre reporter saute à l’eau afin d’essayer de sauver le malheureux, les ennuis commençant dès cet instant. En 1959, l’île de Pâques est administrée par la marine chilienne et compte quelques centaines d’habitants. Comme dans toute bonne aventure de Lefranc, Borg fait son apparition et n’est pas étranger au déroulement des ennuis rencontrés par notre reporter. C’est la cinquième aventure illustrée par Regric qui déjà lors des précédents albums avait parfaitement intégré graphiquement le personnage de Lefranc. En résumé, un agréable moment de lecture qui fera remonter des souvenirs chez les nostalgiques des années 50-60.
Alain Haubruge
48 pages - 22.6 x 30.4 cm
Couleur - Relié
ISBN : 9782203095502
EAN : 9782203095502
Prix 11,50€
Robert Capa dresse le bilan d'une vie passée à couvrir les champs de bataille du monde entier. Loin de l'image de tête brûlée qui lui colle à la peau et qui a fait de lui une légende du photojournalisme, il se raconte sans fard et dévoile la blessure originelle qui a décidé de toute son existence.
A travers les traits et le récit de Florent Silloray, c’est l’histoire de la vie d’Endre Friedmann plus connu sous le pseudo de robert Capa qui nous est délivré. Silloray nous détaille les grandes lignes du parcours de cet immense photographe de presse qui a été sur tous les fronts présent en première ligne. Le livre débute dans le Paris 1936, l’auteur nous laisse en compagnie d’Endre et de sa compagne Gerda Taro. C’est elle qui lui propose le pseudo de Robert Capa.
En aout 36, le couple part en Espagne pour couvrir la guerre civile aux côtés des troupes républicaines. C’est à cette époque qu’il prend la photo qui lui vaudra la célébrité (mort d’un soldat républicain). Le décès de sa compagne, écrasée accidentellement par un blindé républicain lors des combats de la bataille de Brunete va changer le destin de Capa.
En 1938, envoyé par Life pour suivre la Seconde Guerre sino-japonaise (1937-1945), il prend une photo d’un enfant chinois, habillé en militaire (un défenseur de la Chine).
En octobre 1939, confronté aux lois françaises contre les « étrangers indésirables », il quitte Paris et part rejoindre sa mère et son frère à New York. Aux Etats-Unis, il couvre à partir de 1942 le front d’Afrique du Nord et le débarquement des troupes alliées en Sicile ou il prend, près de Sperlinga, une photo où l'on voit un soldat américain accroupi et un berger sicilien qui lui indiquant la route.
En juin 1944, il débarque sur la plage Normande d’ Omaha Beach avec la première vague de soldats américains. Il prend une série de onze clichés intitulés Jour J.
A la Libération, Il prend des clichés de femmes tondues à Chartres offrant un témoignage sur l’épuration.
Il suivra les troupes en tant que correspondant de guerre franchissant le Rhin et s’arrêtant à Leipzig.
Après la guerre, il entretient une liaison de deux années avec Ingrid Bergman et travaille à Hollywood comme photographe de mode. En 1947, Capa et ses amis fondent la coopérative photographique Magnum regroupant les plus célèbres photographes et photojournalistes du monde. En 1948, il assiste à la naissance de l’État d’Israël et s’y rend à plusieurs reprises entre 1948 et 1950. Les photos prises au cours de ces séjours font l’objet d’un livre.
En 1954, il couvre pour le magazine Life la guerre d’Indochine aux côtés des troupes françaises. Le 25 mai 1954, voulant prendre une photo d'un groupe de soldats français, il s’écarte du chemin et pose le pied sur une mine antipersonnel.
Toutes les photos sont copyright Capa Robert
Alain Haubruge
Titre: Capa
Scénario, dessin et couleurs: Florent Silloray
Genre: Historique
Éditeur: Casterman
Nbre de pages: 88
Prix: 17 €
Grâce à l'impact de leurs actions, François, Eusèbe et Lisa ne sont plus les seuls à se rebeller contre l'occupant allemand ; des adultes entrent aussi à présent en résistance, notamment le maire, le curé et les parents d'Eusèbe et François. Tout en gardant leur anonymat, les jeunes résistants font à nouveau preuve d'un culot extraordinaire en faisant le lien entre adultes pour organiser un système de passage de prisonniers français évadés vers la zone libre. En parallèle, les Allemands renforcent leur surveillance et n'hésitent pas à recourir à la violence voire au meurtre. Nos héros sont directement confrontés à la mort et au racisme. Dans une France de plus en plus divisée, de petits grains de sable isolés parviendront-ils à enrayer la machine nazie ?
Le premier tome était déjà formidable. Le second plonge nos jeunes protagonistes dans l’horreur de la barbarie nazie. Alors qu’ils continuent leur action de résistance au moyen de messages imprimés sur du papier peint, ils y intègrent la participation involontaire de leurs parents. Malheureusement, la chance va changer de camp. L’un d’entre eux va payer un prix extrême au travers un membre de sa famille pour sa participation à un réseau de résistance. La bd se déroule de l’automne 1940 à l’hiver 1941. A cette époque, la résistance se cherche et n’est pas encore structurée. Divers petits réseaux commencent à s’organiser face à l’ogre nazi. Même si elle peut sembler cruelle, l’histoire de nos jeunes héros reflète la situation vécue par nos grands-parents. Les premières exécutions dues à des actes de résistance vont faire leurs apparitions. Un dossier éducatif de huit pages réalisés par Dugomier et s’adressant plus particulièrement aux écoliers est disponible à la fin du récit. Avec cette nouvelle série, le duo Ers –Dugomier a trouvé un digne successeur au Démons d’Alexia ! Un livre agréable à lire en compagnie des jeunes à partir de 9 ans mais qui plaira aussi aux plus grands.
Alain Haubruge
Genre : Historique
Public : Tous Publics - Famille
Paru le : 18 mars 2016
Pagination : 56 pages
Format : 22.2 x 29.5 cm
ISBN : 9782803636334
Prix de vente public : 10.6€ - 15.9CHF
Cela faisait 42 ans! On a envie de pousser un cri de joie, un « Houba Houba » tant la nouvelle est réjouissante. Après près d’un demi-siècle d’absence dans les aventures de Spirou et Fantasio, l’un des personnages les plus géniaux de Franquin et, parallèlement, parmi les plus mythiques que la BD ait porté, revient en force et avec fracas. Et une chose est sûre, le Marsupilami n’est pas content. Et ce n’est pas qu’à cause de l’adaptation cinématographique que lui a dédiée Alain Chabat. La colère du Marsupilami est sans doute le plus grand album de Yoann et Vehlmann à ce jour.
Il pleut dehors, et le temps n’est pas vraiment meilleur à l’intérieur de la rédaction de Spirou: l’heure est au bouclage et c’est un Fantasio on-ne-peut-plus-excité qui en fait voir à tout le monde. Lebrac et Prunelle sont les premiers dans sa ligne de mire. Mais Spirou n’est pas en reste, voilà que d’étranges photos le happent, des photos dont il n’a plus souvenir et qui, pourtant, concerne une période épique de sa vie. On l’y voit avec le Marsupilami, ou plutôt celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, mais jamais auparavant Spirou ne pensait avoir rencontré cet animal singulier. Est-ce AlZheimer (vous remarquerez le Z majuscule)? Toujours est-il que le phénomène semble toucher également Fantasio, encore plus excédé par le manque d’implication de son ami, et le Comte de Champignac! Non, décidément, quelque chose ne tourne pas rond et voilà les deux héros en route et en vol pour remuer le passé, les eaux amazoniennes et toute la jungle de Palombie. Et si un élément occulté par un très vieil ennemi expliquait la colère prête à se déchaîner de l'(in)offensif animal jaune à poids noirs? Ne dit-on pas qu’il ne faut tirer le diable (jaune) par la queue?
Une chose est sûre, j’avais hâte. Une fois l’album en main, j’ai même pris moins de temps à l’ouvrir que le dernier Astérix, c’est dire si l’événement est d’importance avec toute l’euphorie mais aussi toutes les inquiétudes que cela comprend. Et si Yoann et Vehlmann s’étaient laissés dépasser par l’envergure de ce personnage parmi les plus emblématiques du Neuvième Art? Ce serait bien mal connaître les deux auteurs qui font union du génie de Franquin et le font entrer dans une aventure plus moderne et qui se tient. Même dans la jungle (les deux auteurs ont aidé aidé par l’auteur-« expert » Joub pour la recréer), Fantasio ne peut se passer des nouvelles technologies pour mener à bien la création du journal (on verra même un petit Gaston passer devant la webcam) tandis que Zantafio se pique et que, le long de sa piscine privée, De Mesmaeker au bord de la crise cardiaque et qui bousille une énième fois les contrats par vidéos interposées. Dans cet océan de modernité, nos deux héros n’en ont pas perdu leurs valeurs, encore plus si la jungle les fait ressortir.
L’humeur est au survival et le plus grand méchant est finalement le Marsupilami qu’il ne suffit plus d’amadouer. Quelque chose s’est brisé entre les deux héros (les trois même, n’oublions pas Spip qui, sinon, va encore se sentir exclu – déjà que certains lecteurs critique le graphisme donné par Yoann, nous on adore!) et l’animal (redevenu) sauvage. Quelque chose d’inexplicable et exhumé par Vehlmann en clin d’oeil aux précédentes aventures de Spirou. Car oui, si le Marsupilami apparaissait pour la première fois dans « Les Héritiers », Yoann et Vehlmann le sont un peu aussi, n’ayant de cesse de pousser les deux personnages plus loin dans leurs aventures tout en les raccrochant et en faisant sens de leur passé, sans trahir, dans un esprit de cohérence.
C’est assumé et ça ne fait que contribuer à l’excellence de cet album qui fait date et honore à 1000% ses promesses entre intelligence de récit, gags bien sentis et une énergie imparable. Houba, houba, vous avez dit? Oui, c’est du grand art, comme on n’en attendait peut-être plus.
Alexis Seny
Série: Les aventures de Spirou et Fantasio
Tome: 55 – La colère du Marsupilami
Scénario: Vehlmann
Dessin: Yoann (et sur FB)
Design: Fred Blanchard
Couleurs: Laurence Croix
Genre: Aventure, Humour
Éditeur: Dupuis
Nbre de pages: 56 (+ 8 pages sur l’histoire du Marsupilami)
Prix: 10,60€
Les jeunes Iraniens rêvent-ils encore d’en finir avec le régime ? Comment se rencontrer dans cette société qui ne le permet jamais ? Comment flirter ? Comment choisir sa femme ou son mari ? Malgré la tradition, malgré le régime. Des journalistes ont interviewé clandestinement de jeunes Iraniens pour donner un éclairage politique et social. Comment échapper à la police pour vivre sa love story ?
Septembre 2014, sept Iraniens ayant participé à un clip vidéo sur la chanson de Pharrell Williams «Happy» diffusé sur internet ont été condamnés à des peines de prison (variant de six mois à un an) et à 91 coups de fouet avec sursis. La vidéo, mise en ligne en avril 2014, montrait trois hommes et trois femmes, non voilées, chanter et danser dans les rues et sur les toits de Téhéran au son du succès musical planétaire qui faisait l'éloge de la joie et du bonheur. La vidéo avait provoqué la colère des milieux conservateurs, estimant que les Iraniens, en particulier les jeunes, délaissent les valeurs islamiques pour un mode de vie plus occidental. Les participants avaient été arrêtés en mai puis libérés sous caution quelques jours plus tard après une «confession» diffusée par la télévision d'Etat.
Quelle est la situation de la jeunesse Iranienne depuis lors ? C’est ce que nous propose de découvrir un couple de journalistes se rendant régulièrement en Iran de manière clandestine sous le pseudonyme de Jane Deuxard. Au travers des témoignages recueillis auprès de personnes telles que Gila et Mila 26 ans, couple hors mariage ensemble depuis 8 ans ; Saviosh 20 ans serveur dans un café huppé du centre de Téhéran, s’évadant au travers de la musique de Pink Floyd ; Vahid 26 ans (arrêté et torturé), parlant de ses parents qui ont fait la révolution en 1979 mais une révolution confisquée par les mollahs et qui en 2009 a cru avec la jeunesse Iranienne au mouvement vert fessant suite à la seconde élection controversée de Mahmoud Ahmadinejad.
On y trouve aussi des témoignages déconcertants tel celui de Jamileh 29 ans vivant dans les hautes sphères iraniennes profitant du système établit pour se faire de l’argent et se moquer des classes inférieures. Bd documentaire, l’Iran décrit par sa jeunesse actuelle semble être sans aucun espoir. Les mariages sont arrangés, l’homme doit pouvoir apporter en engagement à la famille de son épouse une situation professionnelle confortable, un logement ainsi qu’une voiture tandis que la femme doit disposer d’un certificat de virginité; l’amour véritable ne pouvant être que clandestin au risque de se faire mettre en prison.
Les représentations signées par Deloupy sont simples et directes dessinant les divers intervenants sans vraiment apporter de chaleur dans les couleurs privilégiant la force des récits qui sont bouleversants. Destiné à un lectorat débutant à partir de l’adolescence, je recommande cette BD à tous et plus particulièrement aux personnes croyant qu’un état ou une république islamique va apporter des solutions à leurs problèmes quotidiens.
Alain Haubruge
Love Story à l'iranienne
Date de parution : 13/01/2016 / ISBN : 978-2-7560-6921-0
Scénariste : DEUXARD Jane
Dessinateur : DELOUPY
Coloriste : DELOUPY
Série : LOVE STORY À L'IRANIENNE
Collection : MIRAGES
Nous sommes en l'an 64 après J.C. Le père de Gaius meurt dans d'atroces souffrances suite à un effroyable incendie qui embrase Rome en ce mois de juillet.
Gaius est un de ces fils de famille fortunée ayant créé des affaires dans les assurances à la différence que celle-ci... fît de mauvais placements en réalisant des contrats sur les risque d'incendies dans une ville ou ce genre de catastrophe en constituent le quotidien. Il s'en retrouve donc au final ruiné, obligé de rembourser les sinistrés. Dans le même temps, bouleversé par le drame qui vient de se produire, ce dernier apprend qu'en réalité il ignorait beaucoup de choses à propos de son géniteur. Tigellin est soupçonné d'être le commanditaire de ce brasier, l'Empereur Néron fulmine ! Tigellin propose donc à Gaius un marcher pernicieux et lui demande d'entreprendre dès lors une enquête afin de trouver le responsable de cet incendie. Dans la négative, Gaius serait irrémédiablement bannit.
L'histoire emmène le lecteur directement au cœur du feu de l'intrigue si je puis dire. De révélations en suspense, de rebondissements en surprises nous poussons les pages sans aucune perte de rythme. Le scénariste Stèphane Piatzszek n'a rien laissé au hasard et nous offre un travail bien documenté sur l'époque. La narration est claire et passionnante. Graphiquement, le duo Lapo-Quatrocchi est très efficace et nous agrémente d'un travail graphique admirable et digne de l'école italienne. Allessio Lapo s'occupant des stroy-board et Quatrocchi se concentrant sur le dessin.
L'Aigle et la Salamandre est la somme d'une bonne combinaison d'artiste. Un amalgame parfait pour un album de qualité. La mise en couleurs est orchestrée par le talentueux Vladimir Davidenko.
L'Aigle et la Salamandre est un premier tome très prometteur et nous promet une série sortant des sentiers battus dans le genre. Un des maîtres achats du moment sans aucun doute.
Denis Pirlet
Titre: L'Aigle et la Salamandre
Série : Tome 1
Scénario: Stéphane Piatzszek
Dessin : Giuseppe Quattrocchi
Story Board : Allessio Lapo
Couleurs: Vladimir Davidenko
Genre: Historique, Polar
Éditeur: Quadrants
Nbre de pages: 48
Prix: 14.50 €
Qui dit nouvelle année dit nouvelles bandes dessinées et nouveaux talents, attendus comme inattendus. C’est le cas du duo formé par deux bruxellois de coeur et d’études, Sylvain Almeida et Youness Benchaieb. Pour leur toute première parution et premier tome d’un triptyque (on imagine le « et plus » si affinités et succès), les deux jeunes gaillards entendent bien donner paroles, armes et responsabilités à des animaux pas comme les autres. Passé le stade de la vie privée des animaux, ils ne sont plus uniquement là pour nous faire rigoler mais pour passer à l’action. Explosions à l’appui. Bienvenue à Boca Nueva, cité étrange, royaume de tous les dangers.
Rescapée d’une vilaine morsure de murène gigantesque, Boca Nueva s’érige tel un avant-poste, un premier rempart aux multiples ramifications, un garde-fou d’un continent bien inconnu. Vauban n’aurait sans doute pas fait mieux comme ville portuaire. Ce soir, la Lune est pleine et la nuit est calme, seule les lumières des lampadaires brillent de mille feux. Pourtant, ce n’est que vile tromperie, et sur le port des hommes s’activent dans un curieux trafic. Très vite interrompu par l’intrépide et canin agent Riggs de la Brigade criminelle. Riggs, un policier qui tire son efficacité du fait qu’il n’est pas du genre à lésiner sur la manière forte. Sauf que cette fois, l’histoire va trop loin, le bateau suspect explose et Perry, mentor girafe et fidèle comparse de Riggs disparaît atrocement avec les marchandises trafiquées. Riggs est au repos forcé et dans ce monde vérolé et acheté dans de sombres complots, le puissant lieutenant doit trouver à Riggs un acolyte aussi inoffensif que bien incapable de faire des vagues.
Et cet oiseau rare, c’est Ese, petit maki fraîchement débarqué à Boca Nueva et qui n’a aucune volonté de devenir un justicier garant de l’ordre de cette étrange ville. Lui, il ne se prend pas pour D’Artagnan, il est venu pour travailler, comme son cousin, aux archives. Pas pour rivaliser dans des duels insensés avec des scélérats redoutables. Pourtant, de gré et de force, voilà Ese engagé dans l’aventure la plus trépidante de sa jeune existence, aux côtés d’un forçat de la lame qu’il ne s’agit pas de fâcher Riggs.
Si quelques exemples font date (on pensera inévitablement à De cape et de crocs), force est de constater que la bande dessinée a encore bien des pistes à explorer dans le monde de anthropomorphisme. Dans Boca Nueva, n’espérez pas voir un seul humain, l’humanité a fait place à l’animalité, et c’est tant mieux: loutre, phacochère, chiens, loups, crocodiles, royal coq et autres oiseaux de bons ou mauvais augure ont pris possession de ces terres mystérieuses sorties tout droit de l’imagination de nos deux auteurs débutants (du moins, dans le monde de l’édition).
De ces deux-là, on ne sait pas encore dire grand chose (on espère une interview bientôt?) sauf qu’ils travaillent à quatre mains sur le dessin comme le scénar’. Et une chose est certaine, ils ont des références. Des grands films de cape et d’épée en passant par un petit côté eastwoodien dans le chef de Riggs sans oublier un clin d’oeil aux aventures sablonneuses et portuaires comme on n’en fait plus et un sérieux penchant pour l’univers Donjon bien calé entre Sfar et Trondheim, Almeida et Benchaieb évoquent plutôt que de copier, car prime leur imagination, apparemment sans limite, autant dans l’humour que dans l’horreur et le fantastique (avec la création de quelques créatures pas piques des verts!).
Si le scénario est fluide et totalement maîtrisé pour doser le suspense et ne pas se perdre dans ce qui aurait pu être un dédale scénaristique; le dessin direct et efficace nécessite peut-être un petit temps d’adaptation, mais on s’y fait vite pour se rendre compte que non seulement il fonctionne mais est capable de belles séquences comme cette course-poursuite haletante à dos de dinos (ou peut-être est-ce autre chose?). On adhère totalement. Et, ne ménageant pas son lecteur, Boca Nueva est un album qui bouge dans tous les sens, ouvre les pistes sans épargner les deux héros. Bref, ça sent le soufre mais ça détonne aussi de fraîcheur et d’inventivité à chaque coin de case. Sans temps mort, Boca Nueva propose la grande aventure, et forcément, elle ne peut se refuser de manière décente.
Série: Boca Nueva
Tome: 1 – Soufre
Scénario et dessin: Sylvain Almeida et Youness Benchaieb
Couleurs: Youness Benchaieb
Genre: Aventure, Héroic Fantasy
Éditions: Casterman
Nbre de pages: 120
Prix: 17€
Après la politique et le monde de la science, préparez vos palais, voilà une BD qui a du goût et qui nous plonge dans les marmites du mythique restaurant lyonnais « La Mère Brazier » et de son chef à toute épreuve, Mathieu Viannay (non non, pas celui qui chante « Pas là »).
Enfin… à toute épreuve… ça reste à vérifier. Et ça tombe plutôt bien, un satané olibrius a décidé de tester le chef. En effet, un peu à l’étroit dans son restaurant assailli par des hommes d’affaire qu’il ne vaut mieux pas décevoir, Mathieu songe à l’agrandissement. Problème, il a l’argent, la volonté et la réputation d’un restaurant qui marche mais il reste un obstacle de taille: le voisin. Celui-là même qui a confié au restaurateur qu’il allait vendre son immeuble mais qui ne résiste pas à l’envie de jouer avec les nerfs du meilleur ouvrier de France. Et le voilà qui fixe à Mathieu une liste de sept défis, capitaux autant que capiteux, s’il veut obtenir l’immeuble. Et dans les fumets des cuisines et le travail des meilleurs produits de saison, Mathieu Viannay va devoir se dépasser et échapper à la tentation de tout laisser tomber.
À proprement dit, voilà une bande dessinée qui s’échappe un peu des chemins du véridique et de la biographie pour céder le pas à une histoire créative, fantaisiste et originale dans les pas du jeune chef Viannay, réel chef d’orchestre des cuisines sans pour autant ôter sa dimension documentaire et descriptive du quotidien à deux cents à l’heure de l’équipe d’un restaurant prisé. Que dure le coup de feu car il réussit plutôt bien à Hervé Richez (au scénario) et à Efix (pour le dessin et les couleurs). Faisant leur la frénésie productive qui hante les pièces de La mère Brazier, les deux auteurs prennent un malin plaisir à nous faire saliver devant des plats concocté avec amour et passion. Et une histoire à leur juste hauteur. Sans temps mort et avec un énorme boulot conceptuel et graphique pour faire coller fond et forme, 12 Rue royale manque parfois de couleurs mais nous entraîne dans un récit qui tranche avec les autres productions BD souvent semblables (à quelques détails prêts) abordant la gastronomie et les arts de la table. Coup de chapeau donc à cette BD qui de manière innocente nous en apprend beaucoup plus ce qu’on ne pensait et nous attache profondément à l’univers de La Mère Brazier. Bon quand est-ce qu’on (y) mange?
Alexis Seny
Titre: 12, rue royale ou les sept défis gourmands
Scénario: Hervé Richez
Dessin et couleurs: Efix
Genre: Autofiction, Culinaire, Humour
Éditions: Bamboo
Collection: Grand Angle
Nbre de pages: 78
Prix: 18,90€
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