Information générale concernant le monde de la BD
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Apocalypse.  Saint-Elme 5 – Les thermopyles

 

"-C'est dingue, cette ville !

-Ah, tu le sens, toi aussi ?

-Tu parles à maman, mon nouveau mec a peur de se transformer en loup-garou…

-Euh, quoi ?!

-…Et au chalet où on passe la nuit, on tombe sur une gamine bizarre avec un œil tatoué dans le dos !! Je gère plus, là !!"

 

 

 

 

 


Saint-Elme, charmante petite bourgade de montagne, est le théâtre d'un jeu mortel entre politicards véreux, mafieux sanguinaires et la population locale. Tout avait commencé par la disparition d'un fils de bonne famille et l'arrivée sur les lieux d'enquêteurs chargés de retrouver sa trace. Les magouilles autour de l'usine d'eau minérale et les trafiquants de drogue allaient rapidement rendre tout beaucoup plus compliqué que prévu. A présent, c'est l'heure des règlements de compte. Les fantômes et les crapauds s'en mêlent. Tous les acteurs sont en scène. Le spectacle final, l'apocalypse, peut commencer. Quelqu'un réussira-t-il à sortir indemne de ce nid de guêpes ?

© Lehman, Peeters - Delcourt

Après cinq tomes, comme prévu, la saga Saint-Elme se clôt en apothéose. Le titre de l'épisode n'est pas anodin. Les Thermopyles sont un passage en Grèce où se sont déroulées de nombreuses batailles, de l'Antiquité entre Grecs et Perses jusqu'en 1941 avec un affrontement gréco-britannique contre l'armée nazie. Les Thermopyles se traduisent également par "portes chaudes" car il y avait des sources au pied de la falaise. Héraclès s'y serait baigné pour se laver du poison de l'hydre de Lerne. Batailles et puissance de combat sont donc les symboles de ce lieu. Il était donc logique, vu ce qu'il s'y passe, que Saint-Elme lui emprunte son patronyme.

© Lehman, Peeters - Delcourt

Serge Lehman et Frederik Peeters ont tenu toutes leurs promesses. Entre fantastique et psychédélisme, ils répondent aux questions laissées en suspens et clôturent les destins de leurs personnages, sans empathie et avec violence pour certains, avec compassion pour d'autres. Tous ceux qui le méritaient ne connaîtront cependant pas un happy-end. Un tel massacre n'a pas lieu sans que certains n'y laissent quelques plumes ou leur âme. Ne lisez pas cet album si vous n'avez pas lu les précédents. Cela n'aurait aucun sens, à part celui de profiter du dessin et surtout de la colorisation exceptionnelle des planches. Saint-Elme peut et doit se lire à présent comme un grand récit avoisinant les quatre-cent planches.

© Lehman, Peeters - Delcourt

Faisant le grand écart entre Les tontons flingueurs et Las Vegas Parano, Saint-Elme est une pentalogie remarquable des années 2020 qui laissera son empreinte.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : Saint-Elme

Tome : 5 – Les thermopyles

Genre : Thriller

Scénario : Serge Lehman

Dessins & Couleurs : Frederik Peeters

Éditeur : Delcourt

Collection : Machination

ISBN : 9782413080350

 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


L’enfer des hommes libres.  La visite au Struthof, camp méconnu

 

"-C'est fou que mamie ne nous ait jamais parlé de Jean et Mathilde, non ?

-Déjà, quand j'étais petite, elle n'en parlait pas. Le sujet était sans doute trop douloureux.

-De très nombreux survivants et rescapés des camps se sont trop longtemps tus… soit par crainte de n'être pas crus, soit car ils préféraient oublier cette terrible période."

 

 

 

 

 


Simon est en classe de 3ème.  Le professeur d’Histoire leur a demandé d’effectuer des recherches sur la Main noire, un groupe de résistants alsaciens de 14 à 16 ans fondé en octobre 1940 par Marcel Weinum, des ados, comme les élèves du collège, dressés contre l’ennemi allemand sans le moindre soutien des adultes. Ils ont multiplié les actes de résistance, de la coupure de fils téléphoniques à un attentat contre la voiture d’un officier boche. En 1941, Weinum sera arrêté par la Gestapo et condamné à mort. Les élèves vont bientôt aller visiter le camp du Struthof, seul camp de concentration nazi en France. Pour les accompagner, le professeur leur demande d’en parler autour d’eux. Les parents de Simon ne sont pas dispos, mais sa mamie Rose est volontaire. Ça fait longtemps qu’elle n’y est pas allée. C’est l’occasion d’ouvrir la boîte à souvenirs de sa mère Mathilde, décédée en 2009, dont le frère jumeau Jean est mort en 1943. Tous les deux étaient des héros.

© Lizano, Hassan- Nathan

Avec les témoignages de sa grand-mère, d’après les souvenirs de sa propre mère, Simon va découvrir les horreurs de la guerre. La visite sur les lieux, au camp du Struthof va être l’occasion de mettre des images sur les mots, avec toute la douleur que cela suscite. Solange, la guide, va accompagner la classe de Simon. Ce que les élèves vont découvrir sera bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Des hommes y ont perdu leur liberté, leur identité, leur dignité. Environ 3000 déportés y sont morts de torture, de maladie, de faim, de froid ou d’épuisement, mais si on inclut les camps annexes, entre 17 et 22 000 victimes ont perdu la vie. Dès l’entrée du camp, une statue en bronze à taille humaine représente le corps décharné d’un déporté décédé, montrant sa souffrance après sa mort. Le ton est donné. La journée va être empreinte d’émotion.

© Lizano, Hassan- Nathan

A la manière de David Evrard et Jean-David Morvan avec Irena et Simone, Yaël Hassan et Marc Lizano choisissent d’aborder la thématique avec un graphisme enfantin. Contre toute attente, la méthode est d’une efficacité redoutable. Les drames en sont d’autant plus poignants. La détresse des déportés fait face à la barbarie des nazis dans des scènes terribles. On aurait préféré que tout cela ne fut que fiction. Mais non, tout cela a bel et bien eu lieu. Il est nécessaire et urgent de s’en rappeler. Pour preuve, Mathilde étant décédée, c’est sa fille Rose qui sert d’intermédiaire, car les derniers survivants de l’époque disparaissent. Les livres vont peu à peu devenir les garants du souvenir afin qu’une telle ignominie ne se reproduise plus. La visite au Struthof, camp méconnu, contribue à ce devoir de mémoire. De cela, c’est Simon lui-même qui va en témoigner, avec une lettre qu’il rédige pour son arrière-grand-mère Mathilde.

© Lizano, Hassan- Nathan

Coédité avec l’Office National des combattants et des victimes de guerre, l’album est enrichi avec un cahier documentaire sur l’histoire du camp, avec une partie lexique. Il se termine par les biographies de détenus cités dans la BD. Yaël Hassan et Marc Lizano nous emmènent sur les lieux avec émotion, pudeur et colère. A mettre dans les CDI de tous les collèges et lycées, entre autres.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : La visite au Struthof, camp méconnu

Genre : Histoire

Scénario : Yaël Hassan

Dessins & Couleurs : Marc Lizano

Éditeur : Nathan

ISBN : 9782095030100

Nombre de pages : 92

Prix : 15,95 €

 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


Toute chose est en nous.   The world is dancing 4

 

"-Je… Je souhaiterais avoir des informations sur le prochain spectacle…

-Je ne te savais pas si consciencieux… Sur le principe, c’est comme la dernière fois. Sauf que cette fois-ci, je serai le jury. Le thème, c’est moi ! Qui d’autre que moi pourrait juger la pièce ? Voilà ! D’autres questions ?" 

 

 

 

 

 

 

                Japon, XIVème siècle, 1375. Oniyasha avait failli oublier la manche suivante du tournoi de danse entre la compagnie Shinza et la compagnie Kanze sur le thème de Yoshimitsu. Il reste peu de temps. La compétition aura lieu le 17 août. Ashikaga Yoshimitsu, troisième shogun du règne Muromachi, annonce qu’il sera le jury. Le thème, c’est lui ! Ce n’est pas forcément plus avantageux que la dernière fois. Alors, pour se donner de la force, Oniyasha pense à Toku, le vieillard décédé, accusé à tort d’un crime. Hors de question de l’oublier. L’artiste voudrait jouer le soir, mais voilà qu’il est désigné pour passer en premier. Comment va-t-il faire ? Entre la journée et le soir, on ne voit pas du tout de la même façon. Répétitions, temps, masque, compétences, tout lui manque, mais il doit livrer son interprétation maintenant.

© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis

                Dans ce quatrième épisode de The world is dancing, Oniyasha va être poussé dans ses derniers retranchements. Réussira-t-il à proposer un jeu de scène à la hauteur ? Ou bien son adversaire Zôjirô le supplantera-t-il dans la prestation ? Le mangaka Kazuto Mihara livre, lui, une représentation théâtrale dessinée époustouflante. A partir du moment où s’ouvre le rideau, page 43, on est dans les tribunes, on assiste au spectacle aux côtés du Shogun. Oniyasha joue une dame mendiante assise sur le bord d’une statue de Bouddha. S’engage un dialogue philosophique entre elle et un moine. Mihara réussit à placer le lecteur dans une bulle. On n’entend plus rien autour de soi. C’est une immersion qui a quelque chose de magique. C’est assez transcendant. Le final rebattant les cartes entre Oniyasha et Zôjirô laisse augurer d’un cinquième volume tout aussi incroyable.

© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis

                En postface, l’historien Katsuyuki Shimizu raconte l’origine du Dengaku, dans la réalité médiévale japonaise. Il rappelle que les enfants, au Nouvel An, ne jouaient pas aux jeux vidéo, et pour cause, mais s’amusaient avec des jeux en bois, raquettes et échasses, avec des toupies, des cerfs-volants et des cartes. Ils symbolisaient les vœux de la nouvelle année, comme des rituels pour redonner de la force à la terre et au soleil. Le dengaku était un rituel pour apaiser les divinités. Des acrobates faisaient des tours sur de longues perches. Au Japon, le terme désigne aussi des brochettes grillées.

© 2022 Kazuto Mihara. All rights reserved.
© Vega Dupuis

                L’acteur de nô Kôhei Kawaguchi revient pour conclure sur le voyage vers Zeami, acteur du début du XVème siècle, qui raconta dans un ouvrage la première moitié de sa vie consacrée à son art.

                Plus qu’une histoire du nô, "The world is dancing" est une démonstration artistique mettant en abime un art, le théâtre, dans un autre, le manga.

 

Laurent Lafourcade

 


Série : The world is dancing

Tome : 4

Genre : Emotion

Scénario & Dessins : Kazuto Mihara

Éditeur : Vega – Dupuis

ISBN : 9782379504556

Nombre de pages : 174

Prix : 11 €


 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


Comprendre l’Afghanistan.   Pour toi… Najiba

 

"-… On vient de quitter Boston, on survole…

-Je sais…

-… Le cockpit ne répond pas aux appels internes.

-D’accord, mais à quelle place es-tu assise ? Quel est ton numéro de siège ?

-Que se passe-t-il ?

-Je ne sais pas… On dirait une hôtesse de l’air…

-En ce moment, je suis sur mon strapontin. Mon identifiant est AI 3R.

-D’accord. Peux-tu confirmer que tu es hôtesse de l’air ?... Elle ne m’entend pas, elle me demande de parler plus fort !"

 

 

 

 

 


                C’est la panique à bord du vol AA11 Boston-Los Angeles. Une hôtesse de l’air tente de prévenir la tour de contrôle que l’avion est en train d’être détourné. Le cockpit ne répond pas et un homme a été poignardé en classe affaires. Dans quelques instants, l’appareil va s’écraser sur l’une des tours jumelles du World Trade Center à New-York. Vingt-six jours plus tard, les troupes américaines envahissent l’Afghanistan avec pour objectif de démanteler la cellule terroriste d’Al-Qaïda dirigée par Oussama Ben Laden, qui a revendiqué les attentats de septembre. Le cheikh terroriste est protégé par les talibans.

© Sonseri, Doretto – Félés éditions

                De nos jours, le scénariste Marco Sonseri, se mettant en abime dans cet album, entreprend de comprendre et faire comprendre la situation en Afghanistan et comment on en est arrivé là. Laissant les mythes de côté, il recherche une vérité objective. C’est pour cela qu’il cherche à rencontrer des acteurs des événements, comme Hussain Razai, réfugié afghan ayant fui Kaboul après l’arrivée des talibans dans la capitale en août 2021. Il appartient à la communauté des Hazaras. On va donc avoir le point de vue du scénariste, occidental se projetant dans des situations sensibles, et celui d’Hussain, un natif plongé au cœur des événements et né dans le mauvais camp, celui de la minorité Hazara. Entre passé et présent, orient et occident, croyances et idéologies, émotions et convictions, on va enfin pouvoir tout comprendre de l’Afghanistan.

© Sonseri, Doretto – Félés éditions

                Le peuple afghan est divisé en plusieurs ethnies. Les talibans, également appelés pachtounes, détestent la musique. Jouer ou chanter est un sacrilège. Les hazaras aiment l’art. Ils ont une manière de vivre plus proche de ce que l’on peut connaître en Europe de l’Ouest. Les talibans ont pris pour la première fois le pouvoir de force en 1996 aux mains des Moudjahidines. Le peuple a rapidement déchanté. C’est le cas de le dire. Marco Sonseri apprend tout cela grâce à Amin, membre de l’association « Per i diritti umani ». Avec un courage extraordinaire, face aux kalachnikovs, les femmes commencent à manifester leur mécontentement. Hussain, lui, raconte comment il a pu mener à bien ses études et comment il est devenu responsable gouvernemental anti-corruption dans un Afghanistan bénéficiant encore de la présence américaine, freinant ainsi les ardeurs des talibans. Il explique comment il a rencontré Najiba et attendu l’accord de son père pour lui demander sa main. Aujourd’hui, c’est pour elle qui témoigne.

© Sonseri, Doretto – Félés éditions

                Pour toi...Najiba est une histoire instructive et poignante éclaircissant une situation jamais explicitée par les journalistes. Plus qu’une œuvre de mémoire, les auteurs signent une œuvre d’actualité car l’Histoire, ce n’est jamais terminé.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Pour toi… Najiba

Genre : Témoignage

Scénario : Marco Sonseri

Dessins & Couleurs : Gian Luca Doretto

Éditeur : Félés éditions

ISBN : 9782491483197

Nombre de pages : 104

Prix : 21 €


 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


Un autre Monsieur Hulot.    Monsieur Léon 2 – Les vacances de Monsieur Léon

 

"-Et sinon, Monsieur Léon, j'avais une question à vous poser… Je sais que ce n'est pas pour tout de suite, mais… qu'est-ce que vous faites pour les vacances ?

-Les… Les vacances ?

-Oui, je m'étais dit que peut-être… Cet été… Si vous pensez que c'est… Enfin, si vous avez… Jeme disais que peut-être, on pourrait les passer ensemble ?"

 

 

 

 

 


Monsieur Léon est un quadragénaire, petit employé de bureau, boulot et timide. Alors, quand Mademoiselle Sophie dont il est secrètement amoureux lui propose qu'ils passent les vacances ensemble, il en est tout tourneboulé. Sophie est sa colocataire depuis qu'ils ont abattu la cloison entre leurs deux appartements dans laquelle elle avait fait un trou. Depuis, leurs solitudes les ont, en tout bien tout honneur, réunis. Alors, cette opportunité de passer quelques jours ensemble loin du tumulte de la ville et de l'engrenage métro-boulot-dodo est peut-être l'occasion de passer au stade supérieur. Monsieur Léon va tout mettre en œuvre pour offrir à sa dulcinée des vacances de rêve. Mais n'y aurait-il pas un caillou dans l'engrenage, un rival qui traîne ?

© Solé, Le Gouëfflec – Fluide glacial

Monsieur Léon ne fait pas les choses à moitié. Son premier objectif est de trouver une destination idéale. Auvergne ? Bretagne ? La deuxième priorité est de lui faire comprendre qu'il voudrait bien aller plus loin. Un porte-clef Trèfle à quatre feuilles ou un nounours gigantesque gagné au stand de tir de la fête foraine feront-ils l'affaire ? Mais, qui est ce type qui tourne autour de Mademoiselle Sophie ? Léon doit réagir très vite s'il ne veut pas se faire doubler. Va alors commencer une succession de malentendus, de quiproquos et de fausses pistes engendrés par la paranoïa du bureaucrate émotif.

© Solé, Le Gouëfflec – Fluide glacial

Monsieur Léon est un mélange du Monsieur Hulot de Jacques Tati pour son côté débonnaire et son long pardessus, de Gaston Lagaffe, pour son côté fleur bleue et ses amours avec Mademoiselle Jeanne, et de Jean-Claude Dusse pour son côté looser. Arnaud Le Gouëfflec et Julien Solé signent un album drôle, c'est sûr, mais surtout d'une sensibilité certaine. Léon regorge d'empathie. On a tous quelque chose de lui. On l'accompagne dans sa quête d'amour avec le même suspens qu'on suivrait un détective résoudre une enquête. Les vacances de Monsieur Léon mettent des papillons dans le cœur, et ça, peu d'albums peuvent se targuer de réussir à le faire. La mise en couleurs particulière fait partie prenante de la narration. L'univers grisâtre est illuminé par petits touches pop qui jouent un rôle narratif bien pensé.

© Solé, Le Gouëfflec – Fluide glacial

On a longtemps jadis raillé Fluide pour un humour gras, masculin et sexué. Avec des séries comme Monsieur Léon, l'éditeur prouve qu'on est bien dans une époque 3.0 qui démontre que humour et poésie font aussi excellent ménage. Magique.

 

 


Série : Monsieur Léon

Tome : 2 – Les vacances de Monsieur Léon

Genre : Humour émotion

Scénario : Arnaud Le Gouëfflec

Dessins & Couleurs : Julien Solé

Éditeur : Fluide glacial

ISBN : 9791038206465

Nombre de pages : 64

Prix : 14,90 €


 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


La reine et le prisonnier.    Kamasutra De chair et de sang

 

"-Et maintenant, dis-moi ce que faisait un brahmane comme toi à fureter dans la chambre de la courtisane Vasantsena ?

-Rassurez-vous, Capitaine… Je n'ai pris que quelques documents pour mes recherches.

-Montre-moi ça !...

-Capitaine, un travail de cette importance oblige à la plus grande discrétion…

-Ce n'était pas une requête !...

-Dans ce cas, un frêle prêtre itinérant n'oserait s'attirer les foudres du Capitaine de l'armée royale…

-Par les dieux ! Quelle sorte de recherche est-ce là ?

-De celles dont le monde se souviendra pour l'éternité !"

 

 

 

 

 


Forêt de Dvaita, IIème siècle après Jésus-Christ, une troupe de l'armée royale est prise dans une embuscade des guerriers de la Reine Ecarlate. Ils sont tous exterminés. Seul survit leur prisonnier, un vieux brahmane, qui est fait prisonnier. Il prétendait avoir écrit un document dont le monde se souviendra pour l'éternité, mais ça, ses ravisseurs ne le savent pas encore. Ils viennent de capturer Vatsyayana, le créateur du Kamasutra. Le vieillard rejoint les prisonniers parmi lesquels se trouvent Basvaraj, un solide et jeune gaillard dont toute la famille a été massacrée, et Chakradas, un vieux sage qui va lui apprendre dans quel guêpier il vient de tomber. Bhairavi, la Reine Ecarlate, est une femme à l'appétit sexuel insatiable. Elle tue les jeunes hommes qui ne la satisfont pas… et aucun homme n'avait jamais réussi à la satisfaire. Basvaraj y parviendra-t-il ? Vatsyayana pourrait peut-être bien lui en donner la clef.

© Menon, Zuccheri – Daniel Maghen

                Le Kamasutra est un recueil indien spécialisé dans les arts amoureux et les pratiques sexuelles écrit entre les VIème et VIIème siècles. Connu pour ses fameuses soixante-quatre positions, qui ne représentent en fait qu'une partie de l'ouvrage, il ne sera illustré que beaucoup plus tard, au XVIème siècle. Plus généralement, le livre est une mine d'informations sur les modes de vie dans l'Inde moyenâgeuse. Vatsyayana, dont il est question dans cet album, en est véritablement l'auteur présumé. C'est grâce à ses conseils avisés que Basvaraj va mettre en pratique qu'il pourra tirer son épingle du jeu…si on peut appeler ça une épingle. Ce que l'on ne sait pas encore, c'est qu'il a un but personnel.

© Menon, Zuccheri – Daniel Maghen

                Laura Zuccheri est une dessinatrice italienne. Avec toute une sensibilité féminine, elle met en scène cette histoire d'amour et cette histoire de guerre, car les deux sont intimement liées. Avec un érotisme certain mais sans jamais tomber dans la pornographie, elle suit les pas d'une Ana Mirallès, la dessinatrice de Djinn. Sudeep Menon est un scénariste indien. C'est la première fois qu'il publie en Europe. Il écrit une histoire réaliste et violente, bien plus profonde qu'il n'y paraît. Le sous-titre de l'album "De chair et de sang" n'est pas anodin. Les deux vont s'imbriquer crescendo tout au long du récit. L'histoire est aussi un voyage culturel au cœur de l'Inde de l'époque, avec ses forêts et ses temples caractéristiques.

© Menon, Zuccheri – Daniel Maghen

                Histoire d'amour et histoire d'à mort, Kamasutra De chair et de sang est une fresque romanesque, un voyage dans le temps et dans les sentiments. Dans un sens comme dans l'autre, il ne faut pas s'arrêter au titre parce que l'album vaut bien plus que ça.

 

Laurent Lafourcade

 


One shot : Kamasutra De chair et de sang

Genre : Conte

Scénario : Sudeep Menon

Dessins & Couleurs : Laura Zuccheri

Éditeur : Daniel Maghen

ISBN : 9782356741868

Nombre de pages : 112

Prix : 23 €


 



Publié le 01/10/2024.


Source : Boulevard BD


"Lors de la très grande exposition à l'École des Beaux-Arts de Paris en 2003, nous avons accueilli jusqu'à 3.500 visiteurs certains dimanches. Et un jour, dans la salle dite du "grenier", une pauvre dame pousse un cri et tombe par terre. Les gardiens s'affolent mais le mari les rassure : "Je suis docteur et je sais ce qu'elle a : c'est le col du fémur qui a lâché. Appelez les pompiers et restez près d'elle. Comme je ne suis d'aucune utilité pendant les 7 minutes qu'ils vont mettre à arriver, je vais en profiter pour parcourir la fin de l'expo."

(Le Chat s'expose)

 

Octobre, l'automne arrive (d'accord l'été a été disons "automnal" à certains moments ou au contraire "caniculaire" à d'autres cette année), les jours raccourcissent, se font plus froids, un brin de spleen frôlera bientôt nos humeurs.

 

Une lecture pourrait bien être le remède adéquat ... une lecture du Chat par exemple, du "papa" du Chat pour être exact.

 

© Geluck - Casterman 2024

 

Philippe Geluck nous sort un gros carnet de confidences, de confessions, d'anecdotes brèves, uniques, personnelles, privées ici publiques là ... !

150 tirées de sa vie ... reliées par un fil rouge : toutes sont authentiques !

Issues de sa jeunesse, de ses années de comédien, d'animateur TV, de dessinateur, de chroniqueur, ce touche-à-tout du rire et de l'humour parfois grinçant, dérangeant mais ne dépassant jamais les limites qu'il s'est lui-même fixées.

 

 

"Quand mon père est mort, nous avons fait publier un avis de décès dans le journal. Il nous avait demandé de préciser qu'il avait fait don de son corps à la science auprès de la faculté de médecine de l'ULB (Université Libre de Bruxelles) et de mentionner de sa part : "Comme ça au moins, j'aurai été à l'université !"

(Mon père, ce héros)

 

© Geluck - Casterman 2024

 

En revenant sur ses années de chroniqueur chez Drucker, il aurait été dommage de ne pas ressortir quelques-unes des questions posées à tel ou tel invité de l'émission.

Comme à Serge Lama :

"Vous avez dit un jour : "Je suis d'un genre bâtard : Brel pour la force de conviction, Aznavour pour la sensualité, Brassens pour l'amour des mots, Bécaud pour la gaieté, Piaf pour le style réaliste ..." Et qui, pour la modestie ?"

 

Ou encore, Christian Clavier :

"Depuis votre éblouissante réussite au cinéma, beaucoup de journalistes vous parlent d'argent et vous n'aimez pas trop. Et je vous comprends. Donc, moi je ne vais pas vous emmerder avec ça. Juste une chose : avec l'argent gagné dans "Les Visiteurs", vous avez bien fait de vous faire soigner les dents après le tournage."

 

Les politiques n'étaient pas épargnés dans ces échanges. Nicolas Sarkozy (alors simple ministre) l'a vécu :

"Lorsque vous étiez adolescent, vous étiez, je crois, plutôt chahuteur et turbulent, donc limite voyou. Et quand on voit que vous êtes devenu ministre de l'Intérieur, on se dit que ça représente un formidable espoir pour les jeunes délinquants."

 

 

© Geluck - Casterman 2024

 

Entre ces 150 "aveux" et questions à ses invités, une centaine de dessins remis dans leur contexte d'époque. Plus que de la nostalgie ou une galerie de "vieux" souvenirs, l'occasion de se les rappeler, de se remémorer également leur raison d'être à leur époque ! Certains feront encore et toujours sourire, d'autres moins ... mais n'est-ce pas aussi une des fonctions des dessinateurs de presse ? Mettre la société face à elle-même en utilisant la drôlerie, la cruauté réfléchie et assumée ... comme l'est malheureusement trop souvent notre monde !

Un peu comme les "fous" des rois d'antan ...

 

© Geluck - Casterman 2024

 

Cependant toutes ces "révélations" anodines ne concernent pas uniquement Philippe Geluck. Ce dernier nous relate aussi des détails drôles ou touchants sur ses parents et grands-parents, ses connaissances, ...

 

"Mon grand-père Boya était invité à une réception de mariage où il ne connaissait pas grand monde. Dans un des salons, pour entamer la conversation, il dit à la personne qui regardait un tableau :

- Sacrée tronche, la bonne femme !

- C'est ma femme.

- Euh ... je me suis sans doute mal exprimé. ce que je voulais dire, c'est qu'un peintre pareil mériterait la prison !

- C'est moi qui l'ai peint."

(Pas mieux)

 

© Geluck - Casterman 2024

 

Bref, excellent appétit de bonne humeur. A lire et savourer sans modération ...

 

"A une réception de l'ambassade d'Union Soviétique, mon père a vu une dame vider un saladier de caviar dans son sac à main."

(Bref mais historique)

 

 

Thierry Ligot

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Titre : Tout est vrai

Auteur : Philippe Geluck

Éditeur : Casterman

Genre : humour, confidence, mémoire

Parution : 16 octobre 2024

Page : 144

Format : 17 x 22,5 cm

ISBN : 978 2 203 28084 7

Prix : 22 €



Publié le 01/10/2024.


Source : Bd-best


- Venez voir ! Il y a de nouveaux venus dehors. Je me demande bien d'où ils arrivent !

- Pourquoi ? Ils ne peuvent amener que du mauvais de toute façon ! Heureusement, ils repartiront vite. Il n'y a rien pour eux ici !

 

C'est ainsi qu'Alix, Enak, Katcha, Titus et leurs compagnons sont "jugés" à leur arrivée dans un village, au Sud de l'Armorique, en bord de mer.

Leur but est d'y rencontrer Cellos, le propriétaire d'un chantier naval. Il désire lui commander un navire suffisamment solide, rapide te grand pour affronter la haute mer, l'océan du Septentrion ! Il souhaite rejoindre le Grand Nord, toujours à la recherche de la mythique île de l'Atlantide !

En suivant les indices trouvés notamment dans l'archipel de Théra, sur les colonnes du Minotaure, leur route les conduit vers un destination "maudite" ... interdite par la moitié de la population du village.

 

 

 

Entre ancienne croyance et nouvelle religion, une guerre latente oppose les habitants. Les premiers rendent hommage à la Dame de la Mer, déesse vénérée par des sacrifices lors de cérémonies ayant lieu dans les vestiges d'un mystérieux cercle de mégalithes. Au centre de celui-ci, rien n'y pousse et même la neige ne peut s'y accrocher !

 

" Aucun marin du village n'est jamais allé au-delà de la Bretagne.

Notre déesse, la Dame de la Mer, a averti nos aïeuls de ne surtout pas naviguer vers le Grand Nord."

 

"Notre divine ancêtre, la Dame de la Mer, en est venue autrefois avec ses compagnons. Elle nous a appris à construire les meilleurs navires ... mais elle nous a bien avertis de ne jamais dépasser la Bretagne. ce serait courir de très grands dangers."

 

Les seconds poussent pour construire des navires plus puissants et partir explorer les mers du nord.

 

 

© V. Mangin - Th. Démarez - J. Martin - Casterman 2024

 

Rien ne semble pouvoir concilier les 2 tendances ... les "chevelus", fidèles serviteurs de la déesse de la mer, obéissant aux doigts et à l'œil à leur grande prêtresse, Vinda, ou les "tondus" dirigé par le chef du village, Matu et soutenu par Cellos !

Maintenant, l'étincelle sera-t-elle l'arrivée d'Alix et de ses compagnons ?

A moins que ce ne soit la découverte de l'idylle de Seris, fille de Vinda, avec Nanto, fils de Cellos ?

 

Toujours est-il que ce fameux cercle de pierres intrigue sérieusement nos amis. Serait-il d'origine atlante, comme celui qu'ils avaient vu dans le désert égyptien ? C'est le 5e qu'ils croisent dans la région ... leur utilité est-elle pour des calculs astronomiques ou simplement comme lieu de sacrifices ... humains au besoin ?

Dessus, aucune inscription gravée si ce n'est une corne de bélier ... Est-ce la seule qui ne fut pas détruite lors de la grande guerre civile qui ravagea le Grand Nord des siècles auparavant !

 

Tombant ainsi en pleine lutte d'influence intra-muros, les obstacles seront nombreux pour convaincre chacun que leur mission se veut pacifiste et scientifique !

 

© V. Mangin - Th. Démarez - J. Martin - Casterman 2024

 

A plus de 50 ans, le sénateur Alix poursuit sa quête ésotérique vers l'Atlantide. Après être retourné à Khorsabad puis en Gaule à la recherche de ses origines, être parti en Egypte recherché son compagnon de toujours, Enak, tenté de sauver le fils de ce dernier, Khephren, être retourné en Crète, dans l'antre du Minotaure, ... le voici quasi au bout de son odyssée.

Cette quête l'amène à faire halte dans ce village où toute l'opposition réside dans le conflit entre ceux affirmant que tout nouveau savoir est source de destruction et ceux qui, rejetant les croyances et mythes anciens, sont avides de nouvelles connaissances, pour ensuite les partager avec le plus grand nombre !

Entre l'obscurantisme religieux et la curiosité scientifique ... Qui aura raison ?

 

"La science divine n'est pas un bienfait : elle pourrait bien détruire toute vie sur terre si elle était ressuscitée de ses cendres."

 

 

© V. Mangin - Th. Démarez - J. Martin - Casterman 2024

 

Valérie Mangin n'a, depuis longtemps, plus besoin de nous prouver son immense talent de scénariste. L'art de nous embrouiller ici, de créer des ellipses avec les tomes de la série "mère", de tisser une véritable toile d'araignée entre les différents tomes et moments clés de cette saga débutée, il y a plus de 76 ans !!!!!

Donnant clairement une impulsion "ésotérique" à la saga avec la recherche de l'Atlantide, l'orichalque, le mystère des cercles de pierres découverts en Bretagne, en Armorique, des dieux qui ne seraient que d'anciens Atlantes, des mythes et croyances anciennes, ... que de pièces d'un gigantesque puzzle ! Valérie ne cesse de semer ses indices pour petit à petit les relier entre eux.

Un puzzle qui dévoilera peut-être enfin son image finale ... dans l'opus suivant ... le 16 ... intitulé "L'Atlantide" !

Avec cependant comme fil rouge l'idée que les erreurs du passé ne doivent pas forcément nous immobiliser dans un traditionalisme rétrograde !

 

© V. Mangin - Th. Démarez - J. Martin - Casterman 2024

 

Côté graphisme, plus réellement de surprise. Thierry Démarez est pleinement dans le ton de ce cycle "Senator". Un trait précis, clair, rigide dans sa structure de planche, tout est au service de l'efficacité de la narration.

 

Les couleurs de Jean-Jacques Chagnard sont remarquables dans cette ambiance hivernale. Une palette de teintes froides et pâles illumine sobrement les scènes d'extérieur. Seules les cases de chaleur, de feu contrastent comme des torches dans la nuit avec cette impression glaciale de l'ensemble.

 

Après un tome précédent qui pouvait paraître de transition, en voici un qui, s'il ne relance pas réellement l'action, nous offre un excellent résumé de la quête ainsi que quelques importantes informations et réflexions quant à la finalisation du puzzle "Atlantide".

 

© V. Mangin - Th. Démarez - J. Martin - Casterman 2024

 

Un album bien dans l'esprit donné par Valérie Mangin depuis qu'elle a pris en main la franchise "Senator". Et un graphisme qui ne cesse de nous émerveiller ...

Et toujours une édition de luxe des plus belles pour les collectionneurs !

 

 

 

Thierry Ligot

 

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Série : Alix Senator

Tome : 15 - Les Cercles des Géants

Scénario : Valérie Mangin, d'après Jacques Martin

Dessin : Thierry Démarez

Couleurs : Jean-Jacques Chagnard

Éditeur : Casterman

Genre : aventure - histoire - mythe

Parution : 4/9/2024

Page : 48

Format : 24,1 x 31,9 cm

ISBN : 978 2 203 25762 7

Prix : 14,5 €



Publié le 30/09/2024.


Source : Bd-best


1939, a à peine 19 ans, le jeune Marcel Legrand est encore plein d'idéal et de rêves pour la France.

 

"On était une famille traditionnelle, catholique, aisée, stricte, et ma mère était pieuse. J'étais aussi croyant et je m'intéressais à la politique. J'étais proche d'un parti de centre-droit, le Parti démocrate populaire et sa branche jeunesse.

Ma mère aurait voulu que j'intègre le séminaire. Moi, je rêvais plutôt de Saint-Cyr, l'école des officiers de l'armée de terre, ou de Polytechnique. Je planchais en classe préparatoire.

Je ne savais pas encore à quel point les officiers de cette époque allaient faillir. Pour l'heure, les démocraties anglaises et françaises, avec leur Empire, paraissaient puissantes et invincibles.

La guerre semblait inévitable ... Mais à coup sûr, elle serait brève et victorieuse."

 

 

 

Ceci est son histoire ... enfin celle du père de Thomas Legrand qui pour ces besoins va le renommer "Jacques Leboy" !

 

Le 3 septembre, la guerre est déclarée et Marcel ... euh pardon, Jacques tient à s'engager sans tarder ... à devancer l'appel ! C'est ainsi que le 22 septembre, à Saint-Omer, il devient le seconde classe Leboy. Comme aspirant officier, il sera envoyé au front 3 mois plus tard !

 

A la tête de sa section de 40 tirailleurs algériens du 1er Régiment d'infanterie coloniale, il reçoit l'ordre de prendre position à une centaine de km de Paris. Il la tiendra pendant plusieurs semaines, sans voir l'ombre d'un Allemand et sans recevoir de nouveaux ordres ... Et ce sera la même chose lorsque l'ennemi arrivera devant sa position.

La dure réalité saute alors à ses yeux ! Eux, une armée du siècle passé, avec un équipement lourd, épais, rigide, armé d'un fusil Gras datant des années 1874 !

En face, une armée moderne, motorisée, sur-équipée, dans des uniformes confortables et pratiques au combat. Et que dire de leur stratégie ... ? La

Il était l'image d'une armée de 14-18 face à une armée de demain !

Comment encore croire en ses officiers supérieurs et en leur stratégie dans de telles conditions ?

 

© Legrand - Warzala - Rue de Sèvres 2024

 

A premier coup de feu, l'inéluctable lui saute aux yeux. Il ordonne à ses hommes de fuir comme ils le pourront et se rend sans lutter !

Il se retrouve ainsi, pendant plusieurs mois, au Stalag VI-D, près de Dortmund, lieu de "triage" des prisonniers belges et français.

 

Entretemps, la France de Pétain s'est rendue sans condition. Près de 2 millions de soldats français sont prisonniers. Pétain, via son ambassadeur Georges Scapini, obtient des autorités nazies que les aspirants officiers soient regroupés dans un camp "modèle" afin de poursuivre leur formation et devenir plus tard les futurs cadres de l'armée européenne qui naîtra avec la victoire totale du Reich ! Du moins, ils l'espèrent ! Une armée "européenne" nazie sous les ordres du Führer !

Ce sera au Stalag I-A, à Stalblac, en Prusse-Orientale, au-delà de la Pologne, à 1.500 km de la France. Ceci afin de refroidir toutes envies ou tentatives d'évasion de cette future élite !

 

© Legrand - Warzala - Rue de Sèvres 2024

 

Jacques y découvre la vie du Stalag, les dissensions d'opinions entre tous ces aspirants, ces prisonniers. Certains acceptent leur sort et décident de rester fidèles à Pétain, quitte à "collaborer".

D'autres, dont Jacques, refusent cette démission et désirent poursuivre la lutte. Surtout qu'ils apprennent qu'un certain général De Gaulle s'est enfuie à Londres pour regrouper les forces de la France Libre ...

 

Commence une longue et pénible captivité ... Même si certains avantages leur sont accordés pour les "encourager" dans leur "formation", "endoctrinement", l'idée de s'évader mûri lentement dans l'esprit de Jacques et d'un autre camarade, Pierre de Menlourd.

 

Néanmoins, dans ce camp où toutes les tendances politiques se retrouvent, comment faire confiance à l'un ou à l'autre ? Entre les pro-Pétains et les pro-De Gaulle, un jeu de sournois - hypocrites se met en place. Il est accentué par l'arrivée du général Didelet, ancien attaché militaire à l'ambassade de France à Berlin (avant la guerre). Il est désigné par Vichy et accepté par Berlin pour encadrer les aspis du camp I-A, bref pour s'assurer que l'Aspilag ne devienne pas un camp disciplinaire mais bien un camp "universitaire" modèle ... tourné vers la "rééducation idéologique" de ces aspis parfois fort turbulents.

 

© Legrand - Warzala - Rue de Sèvres 2024

 

Un récit sans "héros" au sens propre du terme ... Evasions ratées ou annulées, hésitations quant à savoir qui suivre, quelle tendance politique et morale sera la bonne en fonction de ses valeurs, ... Des années de conflits intérieurs qui déchireront Jacques !

Des aspis partagés entre ceux qui s'en foutent, ceux qui trahissent et sont prêts à collaborer, puis les autres, forcés de se méfier de tout et tous, qui décident de "résister" pour sauver l'honneur de la France !

 

 

Un récit poignant sur la détention d'un de ces aspis déçus et honteux de la défaite de la France vécu de l'intérieur lors de sa déportation loin de chez lui ! Réflexions sur ses choix qu'ils soient politiques ou moraux ... le poids et la valeur de sa parole donnée face à sa foi, à sa conscience !

 

Thomas Legrand réussit ainsi à nous présenter son père naturellement, sans le glorifier, ni le juger. Un récit issu d'une "confession" tardive de l'intéressé à la fin de sa vie. Une façon de rendre hommage au courage de son père, comme à celui des milliers de soldats qui refusèrent de baisser les bras après la désertion et l'abandon de la lutte d'une partie de leurs dirigeants.

 

Un titre résumant parfaitement toutes les désillusions qu'a vécues Marcel Legrand lors de sa captivité au fin fond de l'Allemagne.

... Les "illusions" perdues d'une France qui a perdu (dans un premier temps) la guerre avant même d'avoir tiré le premier coup de fusil !

 

© Legrand - Warzala - Rue de Sèvres 2024

 

Sortant clairement des fictions sur le thème des prisonniers de guerre et la Seconde Guerre Mondiale, ici pas d'actions spectaculaires ou autres faisant du personnage central le "héros" qui "gagne" à la fin !

Au contraire, Thomas Legrand traite ici d'un aspect ignoré de la guerre ... la vraie ! Rarement, pour ne pas dire, jamais repris en BD, la vie peu reluisante d'un fils de bonne famille, d'un bourgeois moyen qui face à la défaite de ses supérieurs se retrouve 5 longues années dans un camp où la collaboration montre un visage différent de celui fréquemment présenté au grand public.

 

Entre avantages accordés malgré tout et punitions, brimades, privations, la véritable vie dans ce aspilag "universitaire" de cette "élite" qui devait devenir le "maillon français" de la "nouvelle Europe" imaginée par Hitler !

 

© Legrand - Warzala - Rue de Sèvres 2024

 

Le récit est superbement servi par le dessin par François Warzala. Un trait ligne clair classique, épuré agréable pour les "bons" mais plus dur et anguleux pour les "méchants" ! Une palette de couleurs également sensible à l'atmosphère brunâtre des camps contrastant avec le gris vert des uniformes allemands.

 

 

Un récit touchant de sincérité et d'humilité d'un homme face à une situation qui le dépasse et pour qui il n'est qu'un pion.

Un petit dossier complémentaire clôture l'album avec des documents et photos d'époque de Marcel Legrand. Comme pour authentifier encore plus ce témoignage familial !

 

 

 

Thierry Ligot

 

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Titre : Les évasions perdues - Stablack, l'université de la collaboration

Scénario : Thomas Legrand

Dessin & couleurs : François Warzala

Éditeur : Rue de Sèvres

Tome : One shot

Genre : histoire, 2e guerre mondiale, réflexion morale & sociale

Public : ado - adulte

Parution : 18/9/2024

Page : 138

Format : 28,3 x 21,6 x 2,2 cm

ISBN : 978 2 81020 877 7

Prix : 22 €



Publié le 28/09/2024.


Source : Bd-best


"- Mon garçon, vous n'êtes pas taillé pour l'armée ...

- Mais ? ... Je veux en être !

- Allons ! Vous faites 1,58 m, vous êtes à peine plus grand qu'un fusil. Et très franchement, probablement pas beaucoup plus lourd. Rentrez chez vous !

- Mais ...

- Assez. Je vous refuse. Considérez-vous chanceux. Beaucoup aimeraient être à votre place."

 

 

 

Nous sommes dans la Drôme, en 1913. Le jeune homme qui vient de se faire réformer alors que son rêve est de s'engager se nomme Albert Roche.

Fils unique de paysan, sa petite taille est clairement l'obstacle majeur à son incorporation.

Pour son père, ses 2 bras seront nettement plus utiles à la ferme que dans l'armée.

Pourtant, c'est son rêve ! Servir son pays !

 

En 1914, la guerre éclate, c'est la mobilisation générale ... Générale, sauf pour Albert Roche qui est à nouveau refusé ! Obstiné, il force les portes. Mais son physique ne l'aide pas aux entraînements et après un coup de sang contre un camarade se moquant de lui, c'est à nouveau la décision de renvoi. Il sera démobilisé le lendemain.

Jouant alors le tout pour le tout, il s'enfuit durant la nuit ... Arrêté et accusé de "désertion en temps de guerre" ! Un comble !

Conseil de guerre ubuesque ! Contre le réquisitoire du tribunal, il se défend en accusant l'armée de lui refuser le droit d'aller au front pour se battre !

Renversant la situation en sa faveur, il est "condamné", malgré "qu'avec votre niveau, vous avez peu de chances d'en revenir" à partir en première ligne ! Comme "punition", les autorités militaires se voient forcées d'exaucer son vœu !

Ils l'envoient rejoindre le 27e bataillon de Chasseurs alpins, les fameux "Diables Bleus" !

 

 

© Hervieux - Stalner - Grand Angle 2024

 

L'homme dont l'armée ne voulait pas va alors faire mentir ses supérieurs et se se montrer un redoutable combattant ! Réalisant des exploits incroyables, il mène les opérations des plus dangereuses et risquées. Blessé à 9 reprises, il sera fait prisonnier avant d'inverser la situation en faisant lui-même prisonnier les Allemands l'ayant capturé ! A lui seul, en 4 ans de conflit, il libérera une cinquantaine de ses camarades, ramènera 1180 prisonniers dans ses lignes, prendra d'assaut des positions ennemies, ira récupérer des camarades, soldats et officiers, oubliés sur le champ de bataille, ...

Le 27 novembre, le maréchal Foch le présente à la population strasbourgeoise en liesse comme

"Alsaciens ! Je vous présente votre libérateur, Albert Roche. C'est le premier soldat de France !"

 

D'autres honneurs lui seront rendus dans les mois et années suivants. N'a-t-il pas été l'arme française la plus terrifiante de 14-18 ? Le soldat (tiens, c'est vrai, il n'a jamais monté en grade malgré ses faits d'armes) qu'il valait mieux avoir avec soi que contre soi !

 

 

Mais à 44 ans, lorsque Albert Fernand Séverin Roche meurt d'un "stupide accident de la route", c'est dans quasi une indifférence générale qu'il est enterré. Nous sommes le 14 avril 1939 ... et une autre guerre est aux portes de l'Europe, de la France !

 

© Hervieux - Stalner - Grand Angle 2024

 

"Expert d'inconnus célèbres" à (re)mettre en lumière, Julien Hervieux quitte son "Petit Théâtre des opérations" pour s'attaquer non plus à une anecdote ou un exploit militaire isolé mais carrément à une vie de héros.

Pour la petite histoire, elle, dans le premier volume du "Petit Théâtre", un chapitre était déjà consacré à Albert Roche, le soldat de plus décoré de la 1ère Guerre ...

 

BA de l'album :

 

 

Un héros, un chasseur alpin parmi d'autres ... ? Non, un chasseur alpin d'1m58, trop petit, trop chétif, trop ... qui par sa volonté, son courage, son abnégation face aux dangers réussira des "coups" plus qu'héroïques !

Par sa narration, son sens du récit, sans dramatiser mais sans s'apitoyer non plus, Julien Hervieux nous relate de façon haletante le parcours de ce petit "grand" soldat de France !

 

Des actes hors du commun, un "Steve Rogers" français avant l'heure ! Mais sans programme expérimental pour le transformer en "Captain France" !

Pourtant, ici tout est vrai, authentique, historique. Pas de "super-héros" à la française ! Un "p'tit gars d'la Drôme" qui en voulait !

Julien Hervieux s'est, comme à l'accoutumée, longtemps documenté avant d'écrire son scénario. Un exploit également que de réussir à résumer ce parcours en 64 pages !

 

Mais le style reste identique à celui du "Petit Théâtre", léger, héroïque, vrai !

 

© Hervieux - Stalner - Grand Angle 2024

 

Côté dessin et couleurs, le talent d'Eric Stalner fait merveille. Son trait réaliste illustre parfaitement les atmosphères sombres et pâles, pluvieuses et brumeuses ici, hivernales là.

Un dessin faisant la part belle aux expressions, aux visages mais également explosant dans les scènes de combat et d'action. Une mise en page au plus proche de cette action quand il le faut, des cadrages virevoltant autour des sujets, des décors et détails impressionnants ... Un art de mettre la narration en images au point d'y transporter le lecteur dès les premières cases !

 

Bref une association idéale entre un scénario captivant et un dessin parfait !

 

© Hervieux - Stalner - Grand Angle 2024

 

Premier opus de cette nouvelle collection "Héros de guerre", un homme, un scénariste et un dessinateur à chaque album ... Qui sera le sujet du second ??

 

Pour les collectionneurs, une édition spéciale existe également. Publiée en 600 exemplaires pour les librairies "Tribulles" (Mulhouse) et "Ça va Buller" (Strasbourg), elle a un frontispice numéroté et signé par Eric Stalner. Enrichie de 8 pages supplémentaires (recherches, crayonnés et travaux préparatoires), elle se caractérise également par une superbe couverture alternative.

 

 

 

 

Thierry Ligot

 

 

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Série : Héros de guerre

Titre : 1 - Albert Roche

Scénario : Albert Roche

Dessin & couleurs : Eric Stalner

Éditeur : Bamboo

Collection : Grand Angle

Genre : biographie - guerre

Public : ado - adulte

Parution : 25/9/2024

Page : 64

Format : 24,3 x 32 cm

ISBN : 979 1 0411 0374 4

Prix : 16,9 €



Publié le 27/09/2024.


Source : Bd-best


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